Le PS a subi une débâcle historique. L’abstention a été encore plus élevée qu’au 1er tour, preuve que les incantations gouvernementales à la mobilisation de la gauche n’ont pas convaincu. Et l’arrivée de Valls à Matignon marque symboliquement la prise de pouvoir de la gauche de droite...
Les bons scores du FN constituaient la meilleure configuration pour le PS qui pouvait ainsi espérer sauver quelques municipalités. Force est de constater que front républicain et vote utile ne font plus recette. Le brouillage des repères politiques entraîné par la politique d’austérité de Hollande, la radicalisation de la droite sous le quinquennat de Sarkozy et les velléités du FN à se présenter comme un parti comme les autres, ont sonné le glas de la mobilisation du « peuple de gauche ». Durant la campagne, le PS a pourtant tout fait pour faire du scrutin un enjeu local et non national ; les socialistes se targuaient même de pouvoir prendre la ville de Marseille… Or, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Après deux ans de présidence de Hollande, le PS qui tenait 55 % des villes de plus de 9 000 habitants n’en conserve que 38 %. Il perd 10 villes de plus de 100 000 habitants et pas des moindres, à l’image de Toulouse ou Saint-Étienne gagnées sur l’UMP en 2008. Des bastions historiques passent à droite, comme Limoges, Nevers, Tours ou Quimper. Si les socialistes l’emportent haut la main à Paris, ils conservent Lyon de justesse (50,65 %) et gardent Strasbourg sans doute grâce à la mobilisation contre le FN. Et Montpellier voit la victoire d’un dissident du PS. Cette cuisante défaite marque la fin du « socialisme municipal » dont Hollande lui-même avait été la cheville ouvrière lorsqu’il était premier secrétaire du PS de 1999 à 2008. Il avait alors permis aux socialistes de se constituer des potentats locaux sur tout le territoire alors même qu’ils étaient dans l’opposition. Ainsi, le président Hollande défait lui-même son propre héritage et voue son parti aux gémonies : perte annoncée de beaucoup de communautés de communes, élections régionales de 2015 à haut risque, avec par effet de dominos la perte du Sénat...
Premier ministre « austéritaire »Malgré les agitations de la gauche du PS dans l’entre-deux-tours et les déclarations de François Hollande sur le « message des Français » et les promesses de « justice sociale », rien ne laisse augurer, en particulier dans le discours de Hollande lundi soir, du moindre changement de cap politique.Au contraire, le choix de Manuel Valls comme Premier ministre apparaît comme un mauvais présage. Loin de tenir compte des rapports internes au PS et des réticences de EÉLV, le Président nomme celui qui est connu pour incarner l’aile droite du PS. Libéral affirmé en matière économique, Manuel Valls a incarné, comme ministre de l’Intérieur, les pires renoncements des socialistes sur les questions de sécurité et d’immigration. Ses propos lors des émeutes d’Amiens, lors de l’expulsion de la jeune Leonarda, ses déclarations racistes à propos des Roms, sa politique envers les sans-papiers, en ont fait un personnage sulfureux, digne du personnel politique de Sarkozy.Avec un tel Premier ministre à la tête d’un « gouvernement de combat », loin de s’adresser à la gauche, Hollande achève sa mue politique.
Camille Jouve