Publié le Jeudi 4 novembre 2010 à 09h30.

PS et retraites : entre soutien et renoncement

Les dirigeants du PS profitent de la mobilisation contre la réforme des retraites pour afficher leur opposition au gouvernement et préparer 2012. Ils peuvent néanmoins difficilement masquer leurs contradictions et leurs trahisons vis-à-vis du mouvement. L’unité réalisée dans le mouvement de défense des retraites est un des éléments qui expliquent sa profondeur et sa longévité. L’unité syndicale maintenue, au prix de compromis à la fois sur les rythmes et les mots d’ordre, demeure, sous la pression du mouvement lui-même, un facteur décisif. L’implication du PS dans la bataille en est un autre. Lui aussi a été bousculé par la force d’une mobilisation que la perspective d’une possible alternance en 2012 n’est pas parvenue à canaliser. On peut sans grand risque affirmer que la majorité des grévistes et des manifestants portent des revendications plus radicales que l’intersyndicale, avec notamment l’exigence du retrait du projet. On peut également considérer que le projet « alternatif » du PS en matière de retraites est en net décalage avec les aspirations de la majorité d’entre eux. Au-delà d’un aspect cacophonique qui sert de nuage de fumée, les dirigeants du PS ont en réalité peu de divergences. Ils sont seulement en concurrence sur la façon la plus habile de rendre compte de leurs propositions, avant et surtout une fois le mouvement lancé. Tout a débuté, on s’en souvient, avec l’erreur de pronostic de Martine Aubry, qui, voulant se poser en gestionnaire responsable, annonça le 17 janvier une capitulation en rase campagne sur les 60 ans, avant même que le gouvernement n’ait annoncé son plan, et prononça un discours en forme d’offre de service. Si les dirigeants socialistes se sont ensuite mis à l’unisson sur le maintien de la borne des 60 ans, une lecture attentive des propositions du PS indique à quel point il y a tromperie sur la marchandise : les socialistes ont en réalité acté l’augmentation progressive de la durée de cotisation introduite par la réforme Fillon en 2003, ce qu’a confirmé le vote des députés PS à l’Assemblée nationale. La ficelle est un peu grosse, mais elle permet au PS de garder un pied dans le mouvement contre la réforme. Pendant ce temps, Dominique Strauss-Kahn utilise chacune de ses casquettes pour rappeler son accord avec les premières déclarations de Martine Aubry. Comme socialiste, il considère que les 60 ans ne doivent pas être « un dogme ». Comme président du FMI, il soutient la réforme Woerth-Sarkozy. Et Martine Aubry justifie, en plein mouvement toujours, le choix d’augmenter le nombre d’annuités, plaidant de fait pour une individualisation du système de retraites. En réalité, le PS, en phase avec la social-démocratie européenne, confirme son ralliement au modèle économique néolibéral, malgré la crise de 2008-2009 qui aurait pu le contraindre à faire le choix inverse. Il ne propose même pas une gestion de la crise du capitalisme moins défavorable aux salariés, mais plutôt une option « crédible », pour reprendre les termes de Manuel Valls, du point de vue des classes dirigeantes. S’ils arrivent au pouvoir en 2012, il faudra une mobilisation sociale d’ampleur pour leur imposer une réforme au service du plus grand nombre. Faute d’autre perspective, le PS est actuellement en pôle position pour les échéances électorales nationales. Ce qui renforce encore la nécessité absolue d’affirmer une alternative politique qui prenne appui sur la radicalité et la massivité des luttes de cet automne et leur permettent de se poursuivre. Ingrid Hayes