Publié le Samedi 20 avril 2024 à 12h00.

Rapport sur la simplification : une nouvelle loi Travail en préparation !

Surfant sur les revendications les plus réactionnaires exprimées dans le cadre de la mobilisation des agriculteurEs, Macron et Attal ont chargé Bruno Le Maire de s’attaquer au « trop de paperasseries et de démarches ». Ce dernier a donc commandé un rapport à cinq parlementaires de la majorité, afin de préparer un projet de loi.

 

Remis au ministre de l’Économie le 14 février, il s’intitule « Rendre des heures aux Français ». Les Français en question semblent néanmoins se résumer aux patrons ! Le sous-titre précise en effet que le rapport décline « quatorze mesures pour simplifier la vie des entreprises ». Parmi celles-ci, de nouvelles attaques contre les droits des salariéEs qui ressemblent à s’y méprendre à une nouvelle loi Travail.

Sur les salaires, se passer de conventions collectives de branche

Les parlementaires macronistes préconisent ni plus ni moins que la suspension des conventions collectives dans les entreprises de moins de 50 salariéEs. Durant leurs cinq premières années d’existence, ces sociétés pourraient, par « accord » individuel avec chaque travailleurE, ne pas appliquer les salaires minima prévus par leur accord de branche ! 

Les ordonnances Macron permettaient aux entreprises de conclure des accords moins-­disants que leur convention collective dans certains domaines. Néanmoins cette faculté est restée peu utilisée : bien souvent il n’y a pas d’interlocuteurs syndicaux pour conclure de tels accords. Surtout, les branches conservent une compétence exclusive pour définir les salaires minima et la classification. Le gouvernement veut donc faire sauter ce verrou, et abandonne ses beaux discours sur le ­dialogue social. 

Quant à l’accord des salariéEs concernéEs, la réglementation sur le temps partiel en donne un aperçu : les contrats de travail doivent en théorie prévoir une durée minimale hebdomadaire de travail de 24 heures, mais les travailleurEs peuvent « demander » une durée de travail inférieure. Les employeurEs font donc signer en masse des lettres types par lesquelles les salariéEs renoncent à la protection prévue par la loi. Il en sera de même pour les minima conventionnels si ce genre de crapulerie venait à être autorisée. Des centaines de milliers de travailleurEs du commerce, de l’automobile, du bâtiment ou encore de la sécurité, seraient condamnés au smic. 

Haro sur les représentants du personnel

Les ordonnances Macron de 2017 ont considérablement réduit le nombre de représentantEs du personnel dans les entreprises, mais le Macron de 2024 trouve qu’il y en a encore trop ! Le rapport préconise donc de décaler l’ensemble des seuils sociaux d’un cran. Traduction : alors que des élections professionnelles sont obligatoires dans toutes les entreprises d’au moins onze salariéEs, elles n’auraient plus lieu qu’à partir d’un effectif de 50 travailleurEs. Et le CSE verrait ses prérogatives considérablement réduites (personnalité juridique, possibilité de recourir à des experts, consultations obligatoires sur certains sujets) en dessous de 250 salariéEs. Réalisant probablement le caractère monstrueusement régressif de leurs préconisations, les parlementaires macronistes avancent un « niveau d’ambition» inférieur : créer des seuils intermédiaires à 20 et 100 salariéEs, en lieu et place des seuils actuels fixés à 11 et 50. Mais ils tiennent à préciser que « notre recommandation est de viser le plus possible la plus ambitieuse » !

Attaque sur la durée du temps de travail

Enfin, il s’agirait de remplacer plusieurs procédures de demande de dérogation, concernant le dépassement de la durée du travail hebdomadaire ou quotidienne maximale, ou encore l’affectation des salariéEs à des postes de nuit, par une simple dérogation. La même régression a été instituée par Hollande concernant l’emploi de jeunes à des travaux dangereux en 2014. Bilan : dans leur immense majorité, les employeurs ne font même plus de déclaration et l’administration du travail a perdu toute visibilité en la matière. Une autre préconisation du rapport consiste par ailleurs à dépénaliser... les manquements aux obligations de déclaration. Les patrons pourraient donc s’affranchir des limites en matière de durée du travail et invoquer l’« oubli » d’une formalité déclarative. Un véritable permis de frauder !

Avec la nouvelle contre-réforme de l’assurance chômage, l’austérité budgétaire et la loi Guerini sur la fonction publique en préparation, le projet « simplification » relève d’une nouvelle offensive coordonnée et cohérente des classes dominantes, qui poussent leur avantage après l’échec de la mobilisation en défense de nos retraites. Nous devons y répondre de manière tout aussi globale et cohérente, par la mobilisation de l’ensemble de notre camp.