Le week-end des 5, 6 et 7 avril s’est tenu pendant deux jours et demi la seconde Assemblée des assemblées (Ada) de Gilets jaunes. Plus de deux mois après celle de Commercy dans la Meuse, qui avait réuni 80 délégations, la Maison du peuple de Saint-Nazaire, un ancien centre des Assedics récupéré par les Gilets jaunes de la ville, a accueilli plus de 200 délégations provenant d’assemblées locales de tout le pays.
Certes, l’assemblée s’est déroulée sous un ciel bien gris. Mais, venuEs de Marseille ou du grand Est, beaucoup n’avaient compté ni les kilomètres ni l’énergie dépensée pour être présents ! Badges verts, bleu ciel et jaunes, car il fallait distinguer les délégués mandatéEs, les observateurEs, les votantEs ou non... À elle seule, l’affluence montrait l’immense résistance de ce mouvement des Gilets jaunes qui s’ancre, s’organise et se structure démocratiquement, à la base mais à bien d’autres niveaux régionaux et jusqu’à des sommets... comme en témoigne ce grand forum national de délégations !
En ateliers et en plénières
Celles et ceux de Saint-Nazaire n’avaient pas ménagé leurs efforts pour accueillir l’événement : maçons pour casser et repousser les murs afin de pouvoir tenir des plénières ; cuistots pour nourrir – avec goût – 800 personnes pendant tout un week-end... petit déjeuner compris. Pour un prix libre ! Aucune improvisation mais au contraire une organisation minutieuse, presque tatillonne, qui a permis aux présentes et présents – ne pas oublier que les Gilets jaunes sont en majorité des femmes ! – de se consacrer pleinement aux débats, alternativement en ateliers ou en plénière.
Donc deux jours et demi de discussions ininterrompues, les débats continuant à bâtons rompus pendant les pauses – sur tous les aspects du mouvement : revendications, actions à mener, modes de communication à adopter. Du sérieux en toutes choses ! Un formalisme dans l’organisation des débats brouillant parfois la netteté des propos et projets. Mais un week-end de débat collectif aux antipodes de l’image que Macron et son gouvernement voudraient donner des Gilets jaunes, prétendument brouillons et inorganisés. Que non !
Plateforme de discussion ? Ou coordination ?
Qui dit débats dit controverses. Cette Ada a été traversée de désaccords. Le rôle même de l’Assemblée des assemblées a divisé : certaines et certains, dont les groupes de Commercy et Saint-Nazaire, la considéraient principalement comme un espace de discussion et de réflexion ne devant se comporter que de manière horizontale. Or – paradoxe des paradoxes ! – le succès même de cette assemblée vers laquelle des Gilets jaunes de toute la France avaient afflué si nombreuses et nombreux, poussés par un besoin de convergence et de coordination explicitement exprimé, poussait à sanctionner d’une façon ou d’une autre cette aspiration. Oui, un mouvement peut et doit vouloir se coordonner démocratiquement, y compris à l’échelle nationale et malgré toutes les embûches. Les présentes et présents à Saint-Nazaire ne manquaient ni de la légitimité ni du poids nécessaires pour s’affirmer comme un pôle national. Sur bien des thèmes abordés, dont la structuration du mouvement elle-même, l’appel final de l’Ada1 a reculé devant cette affirmation pour renvoyer les Gilets jaunes aux discussions dans leurs assemblées locales. Cette assemblée de Saint-Nazaire n’en a pas moins joué le rôle d’une direction démocratique en situation d’impulser des suites pour le mouvement, dont la fixation de dates de mobilisation et l’accord pour se donner une expression publique au nom de celui-ci. Dont les médias se sont faits le relais.
Les lumières fluo des Gilets jaunes restent les phares de la contestation
Au cours du week-end, beaucoup avaient en tête, et ont mis en avant dans certains débats, la nécessité de s’adresser à toutes celles et ceux qui ne sont pas (ou pas encore !) vêtus de jaune mais néanmoins sont eux aussi en lutte contre Macron. La mobilisation notable dans l’Éducation nationale contre la loi Blanquer et le manque de moyens, surtout chez les plus prolétaires des enseignantEs, ceux du premier degré, a été évoquée à plusieurs reprises. Même chose pour les réactions aux fermetures d’entreprises, pour les mobilisations des jeunes ou moins jeunes pour le climat : il a été largement affirmé que les Gilets jaunes doivent se lier aux mobilisations contre la destruction de l’environnement et ne pas se laisser diviser par les tentatives du gouvernement d’opposer les mouvements. Bien des groupes locaux ont déjà participé aux marches pour le climat.
L’appel issu de l’Ada (voir page 3) marque aussi son opposition frontale aux « réformes » (ou nouvelles attaques contre les classes populaires) que Macron et son gouvernement préparent, notamment concernant les retraites. Les Gilets jaunes auront tout leur rôle à y jouer, pour en être la locomotive – eux dont le train est depuis près de cinq mois en marche.
En route vers une « semaine jaune »
Pour la suite du mouvement, beaucoup de dates ont été discutées, s’étendant sur plusieurs semaines voire plusieurs mois. Macron a du souci à se faire ! Un temps fort est d’ores et déjà prévu à l’occasion d’une « semaine jaune », celle du 1er Mai. Elle devrait notamment se traduire par la présence de Gilets jaunes dans les cortèges du 1er Mai : rendez-vous est pris ! D’ici là, nombre de présentEs à Saint-Nazaire et plus globalement de Gilets jaunes convergeront à nouveau dans la rue à Paris, le samedi 20 avril, à l’occasion d’une montée nationale. Pour accueillir comme il se doit ce que Macron aurait sorti de son chapeau !
Saint-Nazaire a envoyé au final un signal clair : les Gilets jaunes sont encore et toujours là… « Même si Macron ne le veut pas, pour l’honneur des travailleurEs et pour un monde meilleur », comme ils et elles le chantent dans les manifestations. La détermination à ne rien lâcher et à tenir dans la durée s’est exprimée fortement dans les prises de parole, certainEs déléguéEs voyant déjà les Gilets jaunes bloquer le prochain sommet du G7 à Biarritz… en août !
Les Gilets jaunes, en tout cas, ne comptent pas baisser les bras de sitôt. Ce mouvement, et les colères qu’il agrège, reste un cauchemar pour Macron et son gouvernement qui pataugent et bafouillent pour en finir avec lui, de la farce du grand débat à l’escalade répressive contre les manifestantEs. Amnistie pour touTEs les inculpéEs et condamnéEs, retrait de toutes les lois répressives scélérates ont évidemment aussi été affirmés. Et un des slogans favoris du mouvement, largement repris à Saint-Nazaire, ne manque pas de nous faire chaud au coeur : A-A... A-A... Anticapitalistes !
CorrespondantEs
- 1. Voir l'appel en ligne.