220 jours. 220 jours de lutte, de grève, de solidarité… De moments difficiles aussi, comme c’est le cas dans toutes les bagarres, qui plus est quand la grève s’accompagne d’un piquet tenu vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, depuis le 11 juin.
Mais, par-delà les aléas qui ont jalonné cette aventure, les travailleurs sans-papiers de l’agence Chronopost d’Alfortville ont fait preuve d’une combativité et d’un courage sans faille. Il en fallait d’ailleurs une bonne dose pour oser s’attaquer au groupe La Poste, premier employeur en France après l’État. Ce choix politique, fait par ces travailleurs organisés dans le cadre du Collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry, ainsi que par Solidaires et Sud PTT, de s’attaquer au principal donneur d’ordre, a été payant. Certes, à aucun moment La Poste, ou sa filiale Chronopost, pas plus que Derichebourg (l’entreprise sous-traitante, qui a depuis fait de nouveau parler d’elle puisqu’elle a licencié un agent de propreté à Paris) ou encore l’agence d’intérim, n’ont pris leurs responsabilités vis-à-vis de ces salariés. Tous les maillons de ce système de sous-traitance en cascade ont même été jusqu’à nier leur statut d’employés à ces travailleurs (La Poste gagnant la palme du cynisme, puisqu’elle se déclarait en même temps « victime » de ce système !). De fait, les uns et les autres ont toujours refusé de fournir les documents pouvant permettre d’obtenir la régularisation.
Victoire de la détermination
Mais le maintien du piquet installé devant le site d’Alfortville, les actions visibles devant la direction de La Poste du 94, la direction nationale de Chronopost, les sièges de la Banque postale et du groupe La Poste, celles en direction de la Direccte, et du ministère du Travail… ont fini par poser un sérieux problème politique, tant aux patrons de La Poste qu’à l’État. Le dossier était rendu encore plus épineux par le fait qu’en plus du soutien d’organisations politiques comme le NPA ou la FI, les Chronopost ont reçu celui, y compris logistique, de plusieurs élus (député du 94, conseil départemental, mairie d’Alfortville…). Un élément décisif, mais qui a été rendu possible par la détermination constante des grévistes.
26 des 27 Chronopost ont été régularisés (le 27e devrait l’être prochainement). Le piquet a donc été levé jeudi 16 janvier. Les dossiers des 129 membres du piquet qui ne travaillent pas à Chronopost ont été déposés. Le combat continue donc, dans l’unité, qui a été une constante depuis le début, pour ces derniers. Nul doute que la régularisation des Chrono pèsera dans le traitement de ces dossiers. Elle est aussi un formidable encouragement à lutter pour la régularisation des sans-papiers dans leur ensemble, pour l’ouverture des frontières et l’abolition de toutes les lois racistes régissant le séjour des étrangerEs en France. Cette victoire est, enfin, une démonstration éclatante qu’on peut être dans une situation de précarité et d’exploitation extrêmes, et qu’on peut mener bataille—et gagner !— contre des ennemis de classe a priori beaucoup plus forts. Une leçon à méditer, en particulier en ce moment.