Macron a fait une série d’annonces sur les services publics, mais il ne faut pas beaucoup creuser pour y trouver des entourloupes.
Annonce la plus spectaculaire : il n’y aura plus « d’ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d’hôpitaux, ni d’écoles sans l’accord du maire ». On ne peut écarter le cas où le maire serait d’accord mais en fait, Macron joue sur les mots : pas de fermeture d’écoles ne veut pas dire pas de fermetures de classes ; de même pour les hôpitaux, puisqu’il n’a pas dit pas de fermetures de services. Donc, des maternités et des services de chirurgie vont continuer à disparaître ; c’est le discours que tenait déjà la ministre de la Santé Agnès Buzyn à propos de Bernay (où la maternité a fermé en mars dernier) : « Ce n’est pas une fermeture. Il n’y aura plus l’acte d’accouchement, il y aura tout le suivi de grossesse qui sera de très grande qualité. » Résultat : en un peu plus de vingt ans (entre janvier 1997 et mars 2019), le nombre de femmes en âge de maternité qui se trouvent à plus de quarante-cinq minutes d’une maternité a plus que doublé, passant de 290 000 à 716 000, soit 430 000 de plus. Le nombre de celles se trouvant à plus de trente minutes a, lui, augmenté de près de deux millions, passant de 1,9 million en 1997 à 3,7 millions en 2019.
Démantèlement du service public ferroviaire
Les hôpitaux et les écoles ont eu droit à quelques bonnes paroles présidentielles, mais pas les gares. Rien non plus sur les lignes de train dites secondaires de plus en plus sinistrées. À leur propos, le discours est bien souvent d’une hypocrisie écœurante : la ligne n’est pas vraiment fermée mais, en raison de son mauvais état, des ralentissements sont inévitables ou bien le trafic est « suspendu » avec parfois remplacement par un autobus. C’est le cas de la ligne Saint-Dié-Épinal, fermée par la SNCF le 23 décembre 2018, alors même que Macron lui-même s’était engagé, durant un déplacement dans les Vosges en avril 2018, à ce qu’elle reste opérationnelle. Du coup, Macron s’est énervé contre la direction de la SNCF le 26 février dernier lors d’une rencontre avec des élus dans le cadre du « Grand débat ».
Au-delà des prétendus engagements présidentiels, ces fermetures sont en fait le résultat de décennies d’une politique tout TGV et de sous-investissement sur les petites lignes… Et les problèmes de desserte des villes petites et moyennes ne vont pas cesser, bien au contraire, avec la réforme ferroviaire ; même des gares sur des lignes desservies par le TGV voient désormais celui-ci passer sans s’arrêter, à l’instar de Ruffec en Charente où le dernier TGV s’est arrêté en juillet 2017.
L’arnaque « France services »
Les bureaux de poste, eux aussi, ont été oubliés. Enfin, pas tout à fait. Emmanuel Macron a en effet annoncé un projet d’installation dans chacun des quatre mille cantons français d’une maison baptisée « France services », qui regroupera divers services publics (La Poste, Caisse d’allocations familiales, Assurance maladie, Pôle emploi…) en un même lieu, pour prétendument combattre la désertion des zones périphériques. Il s’agit en fait de la reprise d’un dispositif existant : les maisons de services au public (MSAP), lancées en 2014 par le gouvernement Valls pour faire passer les fermetures de services publics... Il y en a actuellement environ 1 300, fonctionnant plus ou moins bien. Les prestations proposées sont variables, les plages d’ouverture pas toujours adaptées. Et on demande parfois aux agentEs de savoir presque tout faire : le postier, l’agent de la CAF, etc. L’État a en outre gelé depuis 2014 l’argent qu’il met dans ce dispositif, malgré l’augmentation du nombre de MSAP. De fait, « France services » risque bien d’être « France casse des services » !
Une logique à renverser
En réalité, aucune des annonces de Macron ne peut être prise au sérieux si l’objectif de supprimer des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires dans le même temps est maintenu (Macron a semblé mettre un bémol sur les 120 000 annoncées, mais il n’a pas changé de cap), si le projet de loi de réforme de la fonction publique est voté, et si sont mis en œuvre les objectifs de démantèlement du CAP 2022 (Comité action publique 2022 mis en place par le gouvernement Philippe). Quant à la suppression de l’ENA, c’est une manœuvre de diversion parfaitement conforme avec les objectifs gouvernementaux de rapprochement quasi fusionnel entre la haute administration d’État et le privé : ainsi la nomination de contractuels venant du privé pour les emplois de direction dans la fonction publique est cohérente avec la disparition éventuelle (car il faut attendre la suite) d’une école spécifique de formation des hauts fonctionnaires. Le vrai problème, c’est l’existence d’une caste de dirigeants privilégiés et formatés : la fin de l’ENA ne changerait rien de ce point de vue !
Henri Wilno