Publié le Mercredi 28 mars 2012 à 22h02.

Suspension de campagne : l’hypocrisie

Les drames de Toulouse et Montauban donne à la campagne un coup de barre à droite. L’élection de 2012, dix ans après, trouve bien des points de ressemblance avec 2002.L’émotion suscitée par l’horrible événement à Toulouse, détournée vers le terrain nationaliste et réactionnaire, est le terreau de la droite et de l’extrême droite.

C’est Nicolas Sarkozy, candidat-président, qui donne le « la ». Pour commencer, il y eu la suspension de la campagne imposée aussi médiatiquement par le CSA. Une « pause » qui permet de ne plus compter le temps de parole et qui a supprimé un nombre incroyable d’émissions politiques. Nicolas Sarkozy peut alors reprendre le costume d’omniprésident sans compte à rendre et sans permettre aux autres candidats de pouvoir y répondre. Cette suspension de campagne est un événement unique, sans comparaison dans l’histoire de la ve. Des émissions comme « la Voix est libre » de France 3 se retrouvent tout simplement supprimées jusqu’à la fin de la campagne. La plupart des passages médias de Philippe Poutou et de nos porte-parole l’ont été également. La plupart des prétendantEs se pressent à Toulouse et participent à toutes les manifestations dites d’« union nationale ». De la marche de mardi soir à la cérémonie pour les militaires assassinés, trop peu de candidatEs pointent la responsabilité des discours xénophobes et racistes des gouvernements passés et actuel qui exacerbent les tensions.

Hollande, lui, hésite, et l’UMP, largement reprise par les médias, remet en avant « l’angélisme » de la gauche sur les questions de sécurité. Des émigrés à la police, François Hollande fait un pas en avant, en arrière, prenant une position beaucoup moins claire que le centriste Bayrou qui n’hésite pas à taper sur la politique xénophobe du gouvernement. Ce qui ne l’empêchera pas de se rendre à toutes les cérémonies car il s’agit d’incarner la « fonction régalienne ». Mélenchon, après la prise de la Bastille et sa montée dans les sondages qui le place en « troisième homme » de l’élection, met en garde contre la récupération, refuse lui aussi d’interrompre ses meetings mais malgré tout se range derrière les manifestations d’union nationale de Paris à Toulouse. Eva Joly dont nous avions apprécié la déclaration sur le défilé militaire du 14 juillet, s’est rendu aux obsèques des militaires, comme Nicolas Dupont-Aignan, Hollande, Le Pen. L’union nationale impose le cadre républicain et sécuritaire et vise à nier toute responsabilité de celles et ceux qui attisent les haines depuis des années.

Lors de son dernier meeting, Marine Le Pen, rétrogradée dans les sondages, a évoqué une quinzaine de fois le nom de Merah et tourné son discours uniquement sur l’après-Toulouse. Parlant de « fascisme vert » à propos de l’islam, remettant la question de la peine de mort sur la table, et dénonçant à propos des banlieues « des zones de non-droit où il n’y a que deux lois : la drogue et l’islamisme radical », les thématiques haineuses du FN peuvent trouver un écho en dévoyant la légitime émotion de la population. Quoi de plus naturel de traiter alors SOS Racisme, Bayrou et le FdG de salauds ! Louis Alliot sur France Inter n’a plus qu’à se cacher derrière l’édito du Figaro pour justifier sa politique : Mohammed Merah est un tueur islamiste comme le titrait le journal de droite, les Guéant et Le Pen n’ont plus qu’à jouer leur sinistre musique.

Le débat ne fait que commencer et le PS qui n’a jamais fait de bilan franc de son éjection du premier tour de 2002 pourrait vite se faire bousculer par une campagne où la sécurité, thème jusque-là rejeté, aura réussi à s’imposer pour détourner ainsi les regards de la crise, l’augmentation « modeste » du chômage, la santé et le logement. Pour les travailleurEs et les classes populaires, cette campagne est un piège mortel. L’heure est à la contre-attaque pour dénoncer les manipulations de la droite et de l’extrême droite, pour défendre une autre politique ,et opposer à ce débat nauséabond le partage des richesses, la démocratie comme unique réponse à la crise, aux crises.

Thibault Blondin