Pour le 17e week-end consécutif, des dizaines de milliers de personnes se sont mobilisées aux quatre coins de la France, dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, contre les politiques de Macron. Si les chiffres de la mobilisation sont indéniablement en baisse, la colère est toujours bien là, et nul doute que les manifestations prévues le 16 mars, à l’occasion de l’Acte 18, seront une nouvelle illustration de la persistance du mouvement. Un acte 18 qui coïncidera non seulement avec la Marche contre le racisme et les violences policières, mais aussi avec une nouvelle Marche pour le climat, et qui précédera une journée de grève interprofessionnelle le 19 mars. Autant dire que Macron n’en a pas fini avec les mobilisations.
Climat social et politique bouleversé
Près de quatre mois après le début du mouvement des Gilets jaunes, et ce malgré l’absence de recul significatif du gouvernement, c’est tout le climat social et politique qui a en effet été bouleversé. L’image de la Macronie triomphante a été écornée, les déclarations arrogantes et cyniques du président et de ses sbires suscitent toujours plus d’indignation, les déplacements des membres du gouvernement et, a fortiori, de Macron, se font sous haute protection policière, sans que cette dernière ne parvienne à contenir le chahut… Bref, le « nouveau monde », miné par des crises internes que la contestation rend d’autant plus difficiles à gérer, a du plomb dans l’aile, et sa politique ultra répressive lui attire des critiques de plus en plus nombreuses.
Il est toutefois beaucoup trop tôt pour crier victoire, et la fin de la phase du « Grand débat » doit être l’occasion de tirer certains bilans. Et le principal constat que l’on peut faire est que, si la Macronie et ses soutiens de la bourgeoisie ont été pris de court et ont fait montre d’une certaine panique face au développement de la mobilisation des Gilets jaunes, ils n’ont pas opéré de véritable recul et entendent toujours maintenir le cap des contre-réformes et des attaques contre l’ensemble de nos acquis et des dispositifs de solidarité collective.
Ils ont eu peur, mais…
Certains secteurs du pouvoir ont eu peur, mais pas assez pour se sentir réellement menacés et contraints à réellement revoir leurs plans. Quelques concessions ont été accordées, mais l’essentiel demeure : une politique au service des riches, la destruction des services publics et de la sécurité sociale, la casse des droits collectifs, le tout dans un contexte de durcissement répressif contre toute contestation sociale.
Ils ont eu peur car le surgissement sur la scène politique de centaines de milliers de personnes souvent peu habituées à se mobiliser, mais au moins aussi déterminées et incontrôlables qu’elles étaient invisibles dans le débat public, est un symptôme de l’une des faiblesses structurelles du macronisme : sa faible implantation sociale et son manque de relais au sein des « corps intermédiaires » tant décriés. Une faiblesse expliquant largement la fuite en avant autoritaire, qui s’illustre avec le véritable blanc-seing accordé à des forces de répression toujours plus violentes et par la tentative – en cours – de faire adopter une législation anti-manifestations directement inspirée des idées de la droite la plus réactionnaire.
Les convergences restent à construire
Mais ils n’ont pas eu assez peur, principalement car les nécessaires convergences entre mouvement des Gilets jaunes et mobilisations et organisations « traditionnelles » n’ont pas été, à ce stade, suffisamment fortes. Les exemples existent pourtant (lire ci-contre), qui montrent qu’il est possible, sans renier ses objectifs et ses singularités, de tisser des liens, de partager les expériences, et de construire, touTEs ensemble, une grande mobilisation contre Macron et ses politiques.
La séquence 15-16-19 mars peut, à cet égard, permettre de franchir un cap. Le 15, ce seront les lycéenEs et les étudiantEs qui feront grève, dans le cadre d’une journée de mobilisation internationale, pour affirmer que c’est le système qu’il faut changer, pas le climat. Un slogan qui sera repris le lendemain lors de nouvelles marches climat, qui donneront lieu à des convergence avec les Gilets jaunes dans de nombreuses villes, autour du mot d’ordre « Fin du monde, fin du mois, même combat ! » La conscience que justice sociale et justice climatique sont indissociablement liées a largement progressé, ce qui s’incarnera le 16 mars… et dans les semaines qui suivront.
Convergences également avec la Marche contre le racisme et les violences policières qui, au-delà des problématiques propres aux populations racisées, pose des questions politiques majeures et de plus en plus partagées : contre les crimes policiers, les discriminations, pour l’égalité des droits, autant de questions qui, à l’instar des revendications féministes (lire ci-dessous), ne sont pas un supplément d’âme mais au cœur des combats pour la justice sociale et la justice climatique.
En manif… et en grève !
La réussite et les convergences de la journée du 16 mars seront en outre un point d’appui dans la construction de la grève interprofessionnelle du mardi 19, à l’appel de plusieurs syndicats, dans un contexte où différents secteurs, de l’Éducation nationale aux Finances publiques en passant par la Santé, sont déjà entrés en résistance face aux contre-réformes du gouvernement. Il s’agit en effet de se saisir de la journée du 19 qui, au-delà des petits calculs de certaines directions syndicales, sera l’occasion de construire et renforcer les convergences entre gilets jaunes et gilets rouges, et de faire la démonstration de notre force collective.
Nous avons les moyens de leur faire très peur et, à ce titre, la mobilisation exemplaire des AlgérienEs doit être une source d’inspiration. Face à un pouvoir obstiné et sûr de lui, et ce même si le premier recul des autorités ne signifie pas la fin de la mobilisation, les AlgérienEs ont en effet montré qu’une mobilisation de masse, déterminée, appuyée sur des grèves et des structures d’auto-organisation, reste le meilleur moyen de faire paniquer les puissants. Grèves, blocages, manifestations de masse : nul doute que la combinaison de ces trois éléments doit demeurer un objectif central pour toutes celles et tous ceux qui veulent en finir, une bonne fois pour toutes, avec ce système au service des riches.
Julien Salingue