Entre le lancement de la campagne européenne du parti macroniste par le président soi-même et les suites d’un Grand débat qui peine à passionner les foules, l’Acte 16 des Gilets jaunes a encore une fois fait la démonstration que le mouvement continue bel et bien…
Les sondages valent ce qu’ils valent. Pour autant, on ne s’étonnera pas de constater que, selon Viavoice (dans un sondage rendu public ce lundi), deux sondéEs sur trois estiment que Macron « ne semble toujours pas comprendre la gravité de la crise politique et sociale ». Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir...
Le jaune est toujours l’air du temps
Après plus de trois mois de mobilisation, en plein cœur des vacances scolaires de la région parisienne et d’autres, la participation à l’Acte 16 a constitué une nouvelle fois une bonne surprise. Les chiffres du ministère de l’Intérieur peuvent être triturés dans tous les sens, ce sont encore, selon les autorités, 40 000 personnes qui se sont mobilisées samedi dernier, donc certainement beaucoup plus.
Preuve que le Grand blabla, malgré les omniprésentes mises en scène télévisuelles de Macron, n’a pas permis au gouvernement d’éteindre l’incendie. Le calendrier de la mobilisation des Gilets jaunes s’égrène, les ronds-points restent occupés, et le gouvernement n’a aucune réponse à proposer. Samedi dernier à Bordeaux, une grande banderole proclamait « 16 mars, l’Aquitaine envahit Paris, ultimatum saison 2 » : le ton est ferme, le rendez-vous est fixé, l’affrontement continue, malgré les difficultés internes auquel le mouvement doit faire face.
À commencer par la présence en embuscade de l’extrême droite, à l’offensive physiquement – comme à Lyon pour empêcher les militantEs de gauche, du mouvement social de manifester – ou idéologiquement – en cherchant à dévoyer notamment sur le terrain du « Frexit » les aspirations légitimes à plus d’égalité et de justice sociale. Des questions de structuration se posent également, témoignant des difficultés du mouvement à s’approfondir, à construire en son sein une « démocratie réelle », même si de plus en plus de comités Gilets jaunes tentent de se coordonner, comme dans la région du Grand-Est ou à l’occasion de la deuxième « assemblée des assemblées » les 5, 6 et 7 avril à Saint-Nazaire (voir ci-contre).
Macron la menace et son complice Castagneur
10 000 réunions en France et plus d’un million de contributions sur internet, voilà ce dont voudraient s’enorgueillir Macron et sa clique. Mais si le Grand débat trouve bien quelques échos institutionnels auprès de représentantEs et d’éluEs qui ont enfin l’impression d’être – un peu – écoutés à défaut d’être entendus, pourquoi Macron continue plus que jamais à agiter les menaces, et surtout à faire donner la troupe.
À Bordeaux vendredi dernier, le président a réitéré les menaces et coups de pression en direction du mouvement social : « Il faut maintenant dire que lorsqu’on va dans des manifestations violentes, on est complice du pire », fustigeant aussi « la démocratie de l’émeute ». « C’est un miracle qu’après autant de samedis avec cette violence, il n’y ait eu aucun mort à déplorer de la part des forces de l’ordre », oubliant bien vite la mort le 3 décembre dernier à Marseille d’une octogénaire frappée au visage par une grenade lacrymogène…
Aux chiffres des réunions et contributions de son Grand débat, nous voulons en opposer d’autres. À commencer par celui des interpellations : encore plus d’une trentaine à Paris samedi dernier, ainsi qu’une quinzaine dans chacune des villes de Nantes, Toulouse ou Bordeaux, qui viennent s’ajouter aux milliers qui ont eu lieu lors des précédents actes. Rappelons en outre que, selon le travail du journaliste David Dufresne et de son irremplaçable « Allô place Beauvau ? », ce sont 202 blessures à la tête, 21 éborgnéEs et 5 mains arrachées dont sont responsables les « forces de l’ordre » d’un Castaner pour qui le nombre de manifestantEs chaque samedi, c’est « à peu près autant que pour voir un match de foot de l’OM » ! Le mépris n’est jamais bien loin de la matraque...
Construire le calendrier des luttes
À la fois force et faiblesse de notre camp, le calendrier de ces prochains jours est marqué par la mobilisation de différents secteurs. Cela commence dès le vendredi 8 mars avec la journée de grève et de mobilisation pour les droits des femmes, suivie le lendemain par un Acte 17 lui aussi marqué par l’intervention des femmes pour l’égalité sociale : « Gilets jaunes : les femmes donnent de la voix » (voir ci-contre). Quelques jours plus tard, le 15 mars, la jeunesse est appelée à la grève sur les lieux d’études pour défendre la justice climatique, dans le cadre d’une journée de mobilisation internationale. Et le lendemain, l’Acte 18 marquera à la fois les 4 mois du mouvement et la fin du Grand débat : « La France entière à Paris »… Le samedi 16 mars sera aussi la date d’une Marche climat et de la Marche des solidarités contre le racisme d’État et les violences policières. Enfin, le mardi 19 mars, nouvelle journée de grève et de manifestations interprofessionnelles à l’appel des syndicats CGT, FO, Solidaires, UNEF et UNL. Une journée importante dont, au-delà des petits calculs de certaines directions syndicales, différents secteurs entendent s’emparer pour construire la convergence des gilets jaunes et des gilets rouges.
Des perspectives de lutte certes riches, mais qui restent à construire, notamment jetant les ponts indispensables pour conjuguer les urgences sociale, écologique et démocratique. D’autant plus que d’autres questions, dont celles des licenciements et des fermetures d’usines, à commencer par celle de Ford Blanquefort, reviennent aussi au cœur de l’actualité. Car ce gouvernement, méprisant et autoritaire envers les Gilets jaunes, est aussi celui qui laisse, entre autres, la multinationale Ford dérouler son « plan social » mettant à la rue 850 salariéEs...
« Grèves, blocages, Macron dégage ! » : le printemps social reste à construire, mais notre camp n’a pas dit son dernier mot.
Manu Bichindaritz