Dans un climat délétère, minée par des divergences d’orientation, l’UMP se présente aux élections européennes plus divisée que jamais. Un temps mise en sommeil pour préserver l’intérêt commun, la guerre des chefs n’en finit pas de renaître de ses cendres, sur fond de scandales financiers à répétition et de perte de crédibilité confirmée dans les sondages. Pour la plus grande satisfaction d’un Front national, même plus en embuscade.
À quelques jours de l’élection européenne, l’UMP se trouve confrontée à d’importants problèmes mis sur la scène publique, qui minent sa cohésion interne et entachent sa crédibilité. Passé le scrutin de dimanche, il faudra bien que les protagonistes du scandale Bygmalion s’expliquent, devant les juges comme devant l’opinion publique, sur l’incroyable montage financier qui a permis, à l’occasion de la campagne de Sarkozy de 2012, d’enrichir de 20 millions d’euros les caisses d’une société gérée par des proches de Copé, le président du parti.
Protégez moi de mes amis...Au-delà de ce scandale, un de plus qui somme toute fait partie des us et coutumes de la gestion des partis institutionnels, c’est sur la question de la politique européenne que s’étripent aujourd’hui les « fédéralistes » et les « souverainistes ». Largement contesté au sein du parti, Jean-François Copé ne tente même plus d’affirmer une position commune censée remettre un peu d’ordre dans la maison, et ce sont les arguments d’autorité et les noms d’oiseau qui tiennent aujourd’hui lieu de ligne politique. Les euroseptiques, menés par Henri Guaino et Laurent Wauquiez entraînant une quarantaine de parlementaires, sont à l’origine de la fronde qui mine le parti. Dans un texte que ne renierait pas le Front national, toute honte bue, les deux anciens ministres de Sarkozy pourfendent avec délectation la politique qu’ils ont menée lorsqu’ils étaient aux commandes, Henri Guaino allant même jusqu’à affirmer qu’il ne voterait pas pour la liste de l’UMP en Île-de-France conduite par Alain Lamassoure...
« Machine à recycler »Partisans d’un retour à une « Europe des 6 », la « droite » de l’UMP anticipe l’après-élection, dans un contexte où le parti sera durablement affaibli, avec l’hypothèse hélas envisageable d’une victoire du Front national devenant « le premier parti de France ». La réponse de Copé, « le parti tu l’aimes ou tu le quittes », masque mal l’absence de ligne politique d’une formation en crise, incapable de se situer actuellement dans le débat européen. Et on ne peut (pour une fois) que souscrire aux propos de Bernard Accoyer qui s’interroge publiquement sur « ce qu’apporterait de plus Nadine Morano au Parlement européen »... Depuis sa création, le Parlement européen a servi aux partis politiques institutionnels de véritable « machine à recycler » des anciens ministres en mal de carrière. C’est ainsi que l’on trouve en tête des listes de l’UMP des Hortefeux, Muselier, Dati (surnommée à Bruxelles la touriste de l’UMP) ou Alliot-Marie (dont on connaît la complicité avec l’ancien dictateur tunisien Ben Ali). De vraies sinécures grassement rétribuées par des contribuables... dont une bonne partie ne se déplacera pas pour voter dimanche. Cette décrépitude de la représentation politique, cette faillite morale de tout un système ne peuvent que servir les pires populismes. La crise de l’UMP ne fait que commencer, et le paysage politique à l’issue des élections invite les anticapitalistes à ne pas céder à la démoralisation que ces dernières pourraient entraîner dans notre camp social.
Alain Pojolat