Publié le Mardi 26 mars 2024 à 09h00.

LGBTI : Face à l’offensive anti-trans au Sénat, résister, contre-attaquer !

Mardi 19 mars 2024, le groupe LR du Sénat, emmené par Jacqueline Eustache-Brinio, a présenté un rapport issu de leur groupe de travail sur « la transidentification des mineurs » (sic)1. Sans surprise, les analyses comme les préconisations sont transphobes.

LR avait constitué un groupe de travail à moitié clandestin, qui a travaillé dans l’opacité totale, et sous le contrôle officieux2 des psychanalystes réactionnaires Céline Masson et Caroline Eliacheff, membres de l’Observatoire de la Petite Sirène, en première ligne contre les droits des personnes trans3.

La position de ces dernières sur la transidentité est assez claire : elle relève d’une « mystification collective », symptomatique d’une « crise de la rationalité » et d’une « haine de l’humain »4. Ce positionnement est cohérent avec les engagements passés d’Eliacheff contre le PACS et l’homoparentalité5, contre le Mariage pour touTEs6… Quant à l’Observatoire de la Petite Sirène, il est à l’origine des paniques morales contre l’éducation sexuelle qui a abouti à l’incendie de plusieurs écoles en Belgique7

Interdiction des transitions médicales

La droite catholique a décidé de rejouer le match de 2013 et de La Manif Pour Tous, en utilisant les personnes trans comme nouvel épouvantail. Et ce rapport comme la proposition de loi qui le suit est une pierre de plus de cette « campagne anti-genre », de cette panique morale anti-trans.

En effet, le fond du rapport est clair : il y a une épidémie d’autodéclarations de transidentité chez les mineurEs aujourd’hui, une véritable « contagion sociale8 », poussée par des « transactivistes » aux intentions douteuses. Les préconisations qu’il contient sont simples : bloquer toute transition des mineurEs de moins de 18 ans, refuser de leur reconnaître le moindre droit.

Au nom de la santé des enfants et d’une imaginaire vague de « détransitions » à venir9, le rapport demande l’interdiction des bloqueurs de puberté pour les enfants trans10, pourtant sans danger11 et loin d’être systématiques12, et des traitements hormonaux. Il réclame également l’interdiction des chirurgies de réassignation sexuelle, alors qu’elles ne sont pas pratiquées sur des mineurs13… Il encourage d’ailleurs à bloquer les transitions avant 25 ans, reprenant le mythe de l’absence de maturité du cerveau avant cet âge.

Contre la transition sociale

Les interdictions ne se limitent pas à la question médicale. Eustache-Brinio veut également en finir avec la transition sociale (changer de prénom, de pronom, de coupe de cheveux, de vêtements, etc.), et mettre fin à la circulaire Blanquer (pourtant pas très radicale) à l’école. Il s’agit de maintenir de force les jeunes trans dans leur genre assigné à la naissance, en clair de les renvoyer « au placard » en les y enfermant, de les rendre invisibles pour stopper « l’épidémie ».

La solution préconisée est la mise en œuvre de thérapies de conversion que les anti-trans appellent ici « prise en charge psychiatrique » ou « thérapies exploratoires » dans d’autres textes. Il s’agit de repousser indéfiniment tout accès à la transition, même simplement sociale, en faisant subir des séances chez le psy jusqu’à ce que la personne annonce « ne plus être trans » ou « ne plus vouloir transitionner ». Il va de soi que ces thérapies détruisent la santé mentale des personnes qui les subissent14, là où le consensus scientifique international défend les transitions15. Il n’est d’ailleurs pas surprenant que Kenneth Zucker, médecin canadien dont la clinique a été fermée parce qu’elle pratiquait des thérapies de conversion16,17, ait été auditionné et que ses préconisations soient retenues.

Modèle américain d’entrave aux droits des LGBTI

Avec ce rapport et la future proposition de loi, LR applique le modèle américain. Aux USA, depuis des années dans les États républicains, des centaines de lois anti-trans sont proposées et votées18. Elles ont tout d’abord ciblé les enfants trans (au point de retirer la garde aux parents qui accompagneraient leurs enfants trans) et s’étendent aux adultes, bloquant aussi bien l’accès à la transition (d’abord 18 ans, puis 25 ans, puis à tout âge) que la possibilité de changer d’état-civil ou la protection contre les crimes de haine…

Dans ce contexte, les attaques contre les droits trans sont vues comme une première étape pour s’en prendre aux droits des LGBTI, aux droits des femmes, et en premier lieu l’avortement. Ce qui est aussi en jeu, c’est la défense des droits reproductifs, du droit à disposer librement de son corps.

Il est donc logique que ce combat d’arrière-garde soit porté par Jacqueline Eustache-Brinio, politicienne raciste et réactionnaire, qui a voté contre la constitutionnalisation du droit à l’IVG19. Cette sénatrice, marginale et outrancière, n’avait pas été suivie par le Sénat (pas un temple du progressisme échevelé !) quand elle avait voulu maintenir les thérapies de conversion contre les personnes trans20.

Mobiliser contre l’offensive réactionnaire

Tout l’enjeu est maintenant de construire l’unité pour défaire cette offensive réactionnaire. Même rejetée au Parlement, cette proposition de loi va être l’occasion d’un matraquage médiatique permanent, comme au temps du Mariage pour touTEs. Il y aura une libération du discours de haine transphobe, lgbtiphobe, et donc une explosion des agressions envers les personnes trans et celleux qui les soutiennent.

Il y a donc urgence à l’unité du mouvement social, du mouvement féministe, du mouvement syndical, de la gauche sociale et politique contre la transphobie, pour le droit à disposer librement de son corps, pour la défense des droits reproductifs, en soutien aux revendications des personnes trans. Il faudra se rencontrer, discuter, former et informer sur les questions trans, ne pas laisser les réactionnaires nous diviser.

Il nous faudra construire l’unité pour résister et pour contre-attaquer, pour gagner le changement d’état-civil sur simple demande, pour gagner un meilleur accès aux soins trans. Plus que jamais, les Pride ces prochaines semaines et l’ExistransInter en octobre sont des échéances militantes à construire.

Sally Brina