Publié le Jeudi 16 mai 2019 à 11h37.

Un exemple de structuration : les Gilets jaunes dans le grand Est

Six mois déjà, et nous sommes toujours là. Un genre d’exploit qui rend fiers... et fières, car la charpente de notre édifice est très féminine. Incroyable mais vrai, on a tenu déjà six mois. Pour nous, comme pour bien des Gilets jaunes de ce pays, ce n’est pas game over, loin de là. Nous sommes toujours sur la brèche ! 

Un bon 1er Mai pour Strasbourg

Environ 2 500 en manif, un cortège Gilets jaunes (GJ) fourni en tête avec une grande banderole « Vivre et non survivre, on lâche rien »... derrière une toute petite banderole intersyndicale. Fait nouveau, le dirigeant de l’UD CGT 67 n’a posé aucune difficulté à nous laisser passer en tête. Il y avait dans nos rangs des salariéEs, dont celles et ceux, en lutte, des sucreries d’Erstein où un PSE est en route… En fin de manif, les syndicats n’ayant pas prévu de prise de parole, nous en avons improvisé une, applaudie. Puis barbecue GJ, avec des étudiantEs, des ouvrierEs, des hospitalierEs, postierEs, territoriaux, retraitéEs, et des militantEs syndicaux et politiques – POI, autonomes et nous. Super moment convivial.

Un bon samedi 4 mai pour Metz

Manifestation régionale à l’occasion du G7 de l’environnement, prévue au calendrier de la Coordination des Gilets jaunes de l’Est (réunie pour la première fois en février). Environ 4 000 manifestantEs. On s’attendait à plus…. relativement peu de monde du côté des organisations écolos, syndicales et politiques, la moitié du cortège était composée de GJ. Et comme c’est le cas depuis le début du mouvement en Lorraine, des GJ essentiellement « prolos » et déterminés. Le groupe de Saint-Avold (commune située à l’est de Metz) était particulièrement massif et structuré. Sur leur rond-point, se rassemblent, entre autres, des militants FI et des travailleurEs en lutte d’une boulangerie industrielle menacée par un PSE (259 suppressions de postes sur le site de Folschviller). En début de manif, c’est à nous qu’il a été demandé de faire la prise de parole, sur le mouvement (revendications, convergences nécessaires) et sur la répression, devant 1 500 personnes environ (coordination GJ et écolos essentiellement). Après la manif, on est passé à la fête des Gilets jaunes dans une salle de spectacle à Metz. Beaucoup de discussions avec des salariéEs des ronds-points de Lorraine, décidés à ne rien lâcher. À noter la présence, au rassemblement, de Francis Lalanne, qui a constitué une liste de Gilets jaunes pour les Européennes.

« Kermesse de convergence des luttes » à Strasbourg

Encore un succès pour nous. Environ 300 personnes, entre 11 h et 18 h. Et des stands, tenus par des écolos en lutte, des syndicalistes de l’UL CGT de Strasbourg et Mols-heim (entre autres des brasseries Kronenbourg), des chômeurEs et précaires, un collectif de profs en lutte... Animation, restauration, débat de près de deux heures qui a mêlé luttes locales (cheminots, Punch-ex-General Motors) et mouvement des GJ, avec 80 présentEs. La journée s’est terminée par un concert. Le dimanche 12 mai, réunion de coordination dans le Haut-Rhin : encore une rencontre et des débats, le rond-point dit « du nouveau monde » étant toujours très vivace à Mulhouse, et la promesse d’une prochaine coordination de l’Est le 19 mai.

Qui dit que les Gilets jaunes sont incapables de s’organiser ?

S’il est un mythe, lancé par Macron dès le début du mouvement des GJ, c’est celui de son incapacité à s’organiser : ce serait le bazar, on ne saurait pas à qui parler, rien à voir avec ces chefs syndicaux accourant à la moindre promesse de dialogue ! Les Gilets jaunes n’ont pas joué ce jeu-là, mais entre elle et eux, pour la poursuite de leur mouvement, ils et elles ont su trouver un foisonnement de formes d’organisation dont le grand Est donne la preuve. Ils et elles se sont retrouvéEs sur les ronds-points, dans des assemblées locales, dans des coordinations régionales, voire à plus haut niveau, des rencontres dont la préparation, avec le souci du maximum de représentativité de ses participantEs, a nécessité un énorme investissement en temps et en énergie. Une forte organisation aussi, pour tenir la longue série des manifestations et actions communes, face à un pouvoir et une police des plus agressifs. Les Gilets jaunes se sont également organisés sur les réseaux sociaux, un maquis où il faut savoir quoi prendre et quoi laisser... À Strasbourg, Mulhouse ou Metz, nous sommes de forts noyaux, organisateurEs d’initiatives multiples, dont cette coordination du grand Est née en février, à l’exemple de l’Assemblée des assemblées de Commercy rassemblée en janvier. Plus récemment a eu lieu la coordination de Saint-Nazaire, dont on peut regretter que – paradoxe ! – ses initiateurs, qui ont attiré des Gilets jaunes de la France entière, n’aient proposé que des perspectives d’organisation locale, qui plus est institutionnelle puisqu’il s’agit de proposer des listes pour les prochaines élections municipales de 2020. Un horizon bien en deçà des aspirations des Gilets jaunes qui, certes de façon confuse, veulent que tout un « système dégage ».

Un degré d’organisation non négligeable

Le mouvement des Gilets jaunes a offert et continue d’offrir un kaléidoscope de formes d’orga­nisation et de tentatives de centralisation. Elles n’ont pas abouti à une véritable coordination nationale. Mais eu égard au caractère inédit de ce mouvement qui a surgi à l’échelle nationale, hors de tout cadre syndical ou politique, le degré d’organisation atteint est loin d’être négligeable. Certes, les figures nationales des Gilets jaunes qui ont rythmé le mouvement en fixant tous les samedis les lieux de manifestation n’étaient pas élues, étaient autoproclamées, mais d’autres plus anonymes, partout dans le pays, ont cherché et trouvé une représentation plus démocratique. Et – grande force des Gilets jaunes –, ils et elles n’ont pas admis de chefs qui les trompent... ce qui n’est pas si banal !

CorrespondantEs