Publié le Mercredi 11 mai 2022 à 08h44.

Un « nouveau Parti socialiste » ?

L’intégration du Parti socialiste à la coalition électorale construite autour de l’Union populaire et de Jean-Luc Mélenchon a fait couler beaucoup d’encre. Le spectacle des déchirements internes du PS y a largement contribué, encourageant certains commentateurs à évoquer des « ruptures » du point de vue de l’orientation et du positionnement du PS, voire l’avènement d’un « nouveau Parti socialiste ». Le fait que le PS ait rejoint la « Nouvelle union populaire écologique et sociale » (Nupes) n’est certes pas un événement anodin. Mais il serait hasardeux d’en tirer des conclusions définitives sur ce parti.

L’accord entre les socialistes et l’Union populaire a été ratifié le jeudi 5 mai par le Conseil national du PS, au moment même où le Conseil politique national du NPA se prononçait contre une participation de notre organisation à la Nupes. Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence de date, dans la mesure où les choix du NPA ont été notamment guidés par les modalités politiques et programmatiques d’intégration du PS, qui participaient d’un renforcement du poids du social-libéralisme dans la coalition.

Auto-conservation et conflits d’appareil

En politique pas plus qu’ailleurs, nous ne croyons guère aux miracles. Et ce que d’aucuns ont pu considérer comme un « revirement » du PS, voire une « rupture » avec l’orientation qu’il porte depuis plusieurs décennies, apparaît avant tout comme une opération d’auto-conservation de la majorité de l’appareil socialiste, sur fond de tensions, voire de rivalités avec d’autres fractions de l’appareil. Le moins que l’on puisse dire est en effet que le PS a été plutôt gâté par l’Union populaire, avec 70 circonscriptions dont 30 éligibles, et donc la forte probabilité de maintien d’un groupe parlementaire. Une perspective inespérée au lendemain du premier tour de la présidentielle et du score historiquement bas d’Anne Hidalgo (1,75 %), qui indiquait que le PS ne pourrait en aucun cas maintenir, seul, sa présence à l’Assemblée nationale (une trentaine de socialistes et apparentés), malgré ses implantations locales.

Des alliances étaient donc nécessaires pour conserver un groupe de députéEs et, à partir du moment où le PCF et EÉLV penchaient du côté de l’UP, le PS était condamné à les suivre… ou à se rapprocher de la Macronie. Cette dernière option était en réalité très minoritaire, entre autres en raison du fait que Macron avait déjà « aspiré » bon nombre de socialistes en 2017, ce qui n’a pas empêché le pouvoir en place de tenter des approches, en proposant par exemple à la présidente du groupe PS à l’Assemblée, Valérie Rabault, le poste de Premier ministre. Mais une partie de l’appareil, pas nécessairement tentée par une aventure avec Macron, s’est elle aussi opposée à l’accord, ne voyant pas forcément d’un mauvais œil la disparition du groupe parlementaire qui se serait faite au profit d’autres éluEs du parti : ce n’est pas un hasard si les présidents et présidentes des cinq régions socialistes se sont tous opposés à l’accord.

Une « rupture », vraiment ?

Même si ces divergences font écho à des débats d’orientation, ce sont en réalité elles qui ont été le moteur des divisions internes. La place des questions programmatiques a été secondaire, entre des dirigeantEs socialistes qui avaient touTEs mené la campagne d’Anne Hidalgo, et personne n’a oublié ce qu’ont été les positions d’Olivier Faure et de son entourage au cours des dernières années. On se souviendra ainsi que Faure s’est abstenu sur la loi « séparatisme », qu’il a participé à la manifestation des syndicats policiers devant l’Assemblée nationale en mai 2021, et qu’il a voté près de 30 % des propositions de loi de la majorité présidentielle durant la première année du mandat de Macron. Quant à la posture de « rupture » avec les années Hollande, venue d’un Faure qui fut porte-parole du PS entre 2014 et 2016, favorable à l’adoption de la Loi travail légèrement amendée, partisan d’un compromis sur la déchéance de nationalité, et tenté, de son propre aveu, par l’aventure Macron en 20161, elle n’est guère plus crédible.

Il ne s’agit évidemment pas de prétendre ici que le choix du PS de rejoindre la Nupes est un non-événement, et qu’il n’est pas un facteur de rupture au sein de la « famille » socialiste. Les prises de position de Hollande, Cazeneuve, Le Foll, Cambadélis et consorts ne sont pas anodines. Mais il serait toutefois illusoire de percevoir ces dynamiques comme étant celles d’une « clarification » entre sociaux-libéraux et sociaux-démocrates. Les bougés de l’UP, dans son accord avec le PS, sur les retraites, le SMIC ou l’Union européenne, ne sont pas accidentels. Et si l’on peut se féliciter de voir que le Parti socialiste se retrouve embarqué, malgré lui, dans une coalition qui l’entraîne vers sa gauche, il est beaucoup trop tôt pour pronostiquer la mort du social-libéralisme et du parti qui en a été le principal agent depuis 40 ans en France. Le PS ne vient pas de se transformer radicalement, et il a encore – malheureusement – de la ressource.

  • 1. Arthur Berdah, « Le patron du PS, Olivier Faure, a "hésité" à rejoindre Emmanuel Macron en 2016 », lefigaro.fr, 17 janvier 2021.