Après un été catastrophique sur le plan économique et écologique notamment, on peut penser que cette rentrée sera « explosive » socialement – d’autant plus que ce gouvernement, sans surprise, continue les mêmes recettes libérales et anti-sociales.
Cette rentrée se déroule dans un contexte de crises sans précédent et tous les éléments sont réunis pour que les contestations de la politique de ce gouvernement se multiplient ces prochaines semaines.
L’été aura été marqué notamment par deux éléments. Tout d’abord la première démonstration, à grande échelle, des effets du réchauffement climatique avec des énormes feux et une sécheresse précoce et durable en France mais aussi partout ailleurs. Et à l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est désormais le temps des orages violents et des inondations monstres comme au Pakistan. Au-delà des images spectaculaires, les conséquences de la catastrophe sont directement palpables dans la vie quotidienne de millions d’entre nous, que ce soit par les restrictions imposées concernant les usages de l’eau, la tension sur le commerce des fruits et légumes, les augmentations de prix des produits agricoles, déjà concernés par la spéculation et la guerre en Ukraine, ainsi que les dégâts sur la biodiversité. Sans oublier que cet été aura mis en évidence en France la pénurie des moyens des sapeurs-pompiers alors que ces derniers depuis des années réclament des moyens humains et surtout matériels, mais aussi les conséquences de la privatisation des forêts. Face à cette situation, Macron a comme d’habitude fait diversion pour ne surtout rien changer. C’est aussi ce qu’il continue de faire face aux enjeux sociaux.
Toujours plus cher… Toujours plus de profits
En cette rentrée, l’inflation ne s’est pas arrêtée, loin s’en faut. Les prix de l’énergie, de l’alimentation flambent chaque jour et mettent en difficulté la majorité de la population. Face à cette augmentation des prix la réponse du gouvernement est simple : la conjoncture économique et géopolitique (guerre en Ukraine, réduction drastique des importations de gaz et de pétrole russes, rebond très fort de la demande post-covid, difficulté des chaînes d’approvisionnement, hausse du prix des matières premières…). Les entreprises quant à elles, se justifient par la hausse des coûts qu’elles subissent. Mais dans les faits, pour la majorité des entreprises, les augmentations des prix sont beaucoup plus élevées que la hausse de leurs coûts. Elles profitent du contexte pour augmenter leurs profits toujours et encore. Et au vu des derniers chiffres connus, c’est plutôt réussi. En effet, TotalEnergies a réalisé plus de 6 milliards de dollars de profit sur le deuxième trimestre 2022, Shell 18 milliards, et BP 9 milliards. Engie au premier semestre a doublé également ses bénéfices. C’est le cas aussi des entreprises du CAC 40 qui ont atteint 73 milliards de bénéfices au premier trimestre soit une augmentation de 24 % par rapport à l’année dernière. La crise, on le savait, est donc loin de toucher tout le monde.
Des mesurettes et du vent pour le monde du travail
Lors de son élection, Macron avait promis d’agir pour le « pouvoir d’achat » du plus grand nombre puisque cette question est depuis des mois la question cruciale pour l’ensemble des salariéEs, des jeunes, des précaires et des retraités. C’est ainsi qu’il a fait adopter cet été la loi « mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat », augmenté de 3,5 % le point d’indice des fonctionnaires, de 2,9 % les indemnités chômage ou de 4 % les pensions. Et depuis, il ne cesse de s’enorgueillir de ces actions. Mais la majorité des salariéEs n’est pas dupe de ces mesurettes cache-misère qui ne compenseront pas l’absence de l’augmentation réelle des salaires, du SMIC et des minima sociaux. Pire, un certain nombre de dispositions de cette loi sont un véritable frein aux augmentations des salaires. C’est le cas par exemple de la prime dite Macron dont le plafond vient d’être augmenté. Prime entièrement défiscalisée et qui ne bénéficiera pas à l’ensemble des salariéEs. Rappelons que cette prime lors de sa mise en place en 2021 n’a été versée qu’à 4 millions de salariéEs pour un montant moyen de 506 euros. Et par ailleurs, le risque est grand que les entreprises la verse en lieu et place d’une augmentation de salaires tout comme l’intéressement qui après l’adoption de cette loi sera facilité.
Se mobiliser, se mettre en grève pour l’augmentation des salaires !
Face à la perte de pouvoir d’achat, le gouvernement se contente donc de mesurettes, dont il espère qu’elles seront suffisantes pour calmer la colère sociale. Mais à priori ce n’est pas gagné puisque depuis la loi « pouvoir d’achat », les grèves sur les salaires et les conditions de travail ne cessent de se développer. C’est le cas ces dernières semaines des salariés des transports en commun, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles ou encore des agents de la petite enfance… Pour obtenir des augmentations de salaires, seules les grèves et les mobilisations feront plier le patronat. Une journée de grève interprofessionnelle à l’appel, à ce jour, de la CGT, Solidaires et la FSU est programmée le 29 septembre prochain. Cette journée est une très bonne chose et pourrait être l’occasion d’une mobilisation massive dans un certain nombre de secteurs d’activités. Une étape sérieuse dans une mobilisation massive contre ce gouvernement qui sera l’occasion de (re)prendre confiance en notre force collective. De même, l’initiative d’une « marche » à la mi-octobre initiée par La France insoumise, contre la vie chère et l’urgence écologique est une bonne chose car elle permettrait d’augmenter le rapport de force de notre camp social sur la question sociale et en particulier celle des salaires dans la suite du 29 septembre. Mais à condition qu’elle se fasse dans l’unité et donc qu’elle soit réellement coconstruite entre les organisations syndicales, les associations et les partis politiques et pas seulement une démonstration politique de la NUPES pour apparaître comme la seule opposition dans ce pays.
Le rapport au travail, le sens du travail… ne plus travailler à n’importe quel prix !
Le contexte actuel est aussi marqué par l’évolution des rapports au travail dans un contexte de baisse du chômage. En effet, on constate aujourd’hui que les confinements, les couvre-feux, les restrictions ont amené nombre de salariéEs à réfléchir sur leurs conditions de vie et par là même de travail. Même si nous sommes encore loin du phénomène des États-Unis, les démissions se développent dans un certain nombre de secteurs, comme l’hôtellerie et la restauration, mais aussi dans le commerce, l’Éducation nationale, la santé, l’industrie, l’agriculture… L’enquête périodique du ministère du Travail sur les mouvements de main-d’œuvre le confirme : on assiste depuis deux ans à une augmentation importante des démissions (+ 20,4 % entre le premier trimestre 2022 et le dernier trimestre 2019).
Le temps de travail, les conditions de travail et les salaires sont devenus primordiaux. Ces démissions s’ajoutent aux difficultés de recrutement, réelles dans certains secteurs. Certaines entreprises et certains secteurs de la Fonction publique sont d’ores et déjà en difficulté. Dans la santé publique, des services entiers ferment partiellement ou totalement par manque d’effectif et le manque d’enseignantEs en cette rentrée risque de poser de très nombreux problèmes. Par ailleurs, le gouvernement profite de cette pénurie d’enseignantEs due notamment à la réforme des concours pour développer le recrutement de milliers de contractuels supplémentaires en les formant en quatre jours !
On observe un effet de réactions individuelles qui montre que de plus en plus de salariéEs ont une furieuse envie de vivre autrement, de vivre mieux, d’avoir plus de temps, d’avoir de meilleures conditions de travail et d’être mieux payés. Ce phénomène se développe dans un contexte de casse massive des services publics (et plus largement de la sphère travail), où des pans entiers de la Fonction publique ont été dépecés de leurs effectifs depuis plusieurs années, où les salaires ont été longtemps gelés, et les investissements en moyens matériels stoppés. Partout la baisse des moyens a entraîné une dégradation des conditions de travail et génère aujourd’hui un manque d’attractivité.
Et bientôt l’austérité
Lors du Conseil des ministres de rentrée, Macron a donné le ton : il n’y aurait plus le choix, il faudrait se préparer à des sacrifices avec son habituel mépris en indiquant la fin de l’abondance et de l’insouciance. Pour tous ceux et celles qui s’usent la santé au travail et ont du mal à joindre les deux bouts, ces mots ne peuvent sonner que comme une provocation. C’est sans grande surprise, qu’à travers ces quelques mots, il nous prépare à de nombreux sacrifices : nouvelle réforme de l’assurance chômage, réforme des retraites pour nous faire travailler plus longtemps et une loi de finance 2023 qui sonnera le glas en particulier pour de très nombreux services publics et fonctionnaires… Une fois encore la loi de finances 2023 sera dans la continuité des autres : de nouveaux cadeaux aux plus riches et aux entreprises comme celui d’ores et déjà annoncé de la suppression de la Contribution sur la valeur ajoutée (CVAE). Petit cadeau de 8 milliards d’euros, en ces temps de sobriété, on a vu mieux. Cet impôt contrairement à l’impôt sur les sociétés n’est pas basé sur les bénéfices, mais s’applique lors de la production, l’importation de marchandises et de service, l’emploi de main-d’œuvre. C’est un impôt auquel les entreprises ne peuvent échapper avec de l’optimisation fiscale et c’est pour cette raison que le Medef exigeait depuis longtemps sa suppression. Il a donc une nouvelle fois été entendu. Le projet de loi de finances 2023 sera présenté le 26 septembre prochain au conseil des ministres puis fera l’objet de débat et de votes à l’Assemblée nationale. Le débat central sera axé sur la revendication de la NUPES de taxer les superprofits où, sur cette question, de nombreux couacs se font jour dans la majorité. Alors, même si cette revendication est légitime au vu des profits engendrés ces derniers mois par un certain nombre d’entreprises, il ne faut pas oublier les autres profits. Surtout que depuis 2018, l’impôt sur les sociétés est passé de 33 % à 25 %. Il faut exiger, dans le même temps, l’augmentation de ce taux même si nous savons que ce ne sera qu’un pansement.
Un outil au service des luttes et de l’émancipation
On le voit les raisons de la colère sont bel et bien là et les militantes et militants du NPA en cette rentrée feront tout pour que cette colère s’exprime par des grèves et des manifestations dans la rue pour mettre un coup d’arrêt aux politiques anti-sociales de Macron et consœurs.
Et c’est bien de cela dont nous devons discuter dans la gauche sociale et politique : comment faire face au rouleau compresseur macronien qui, en dépit de sa défaite aux législatives et de sa faible légitimité, entend poursuivre son œuvre de destruction sociale ? Comment préparer les batailles qui s’annoncent, sur les retraites, les services publics, les salaires, dans la perspective d’infliger des défaites sociales à Macron ? Comment reconstruire les outils nécessaires à la défense et à la mobilisation de notre classe, en ayant conscience qu’une véritable course de vitesse est engagée avec l’extrême droite ? Le NPA ne prétend pas avoir les réponses à toutes ces questions, mais estime nécessaire, aujourd’hui, de multiplier les discussions et les expériences communes en vue de la construction de ces indispensables luttes et de cette nécessaire gauche de combat.
C’est pourquoi il nous semble urgent de travailler à la perspective de la construction d’une force politique démocratique, représentant les intérêts matériels des exploitéEs et oppriméEs. Un outil au service des luttes et de l’émancipation, un projet politique alternatif au capitalisme portant un programme de rupture. Le NPA ne peut à lui seul incarner cette organisation. C’est pourquoi nous nous sommes adresséEs et nous continuerons à nous adresser aux courants les plus déterminés à défendre une rupture avec le capitalisme, aux millions de travailleurEs et de jeunes qui se sont reconnuEs dans la Nupes, des syndicalistes et des militantEs associatifs combatifs et qui n’ont pas tranché le débat stratégique, réforme ou révolution. Il ne s’agit pas d’additionner des organisations, mais de mener une bataille pour que l’anticapitalisme et la perspective révolutionnaire deviennent majoritaires dans notre camp social afin d’œuvrer à des regroupements.
De nombreuses divergences existent et pas des moindres, comme le rapport aux institutions, le rapport à l’État, à l’impérialisme, aux oppressions, à l’auto-organisation des luttes nous ne sommes pas dupes ! Mais nous ne nous refusons pas à débattre avec les réformistes car nous pensons que c’est aussi comme cela que nous ferons progresser la conscience de classe et que nous avancerons dans la construction d’une force indépendante pour la rupture avec le capitalisme. o