Publié le Mardi 29 mars 2022 à 18h50.

Urgence anticapitaliste : votons utile, votons Philippe Poutou

C’est une étrange campagne que nous vivons. Le fond de l’air est rance, le président-candidat ne fait quasiment pas campagne, la pression au « vote utile » à gauche se fait de plus en plus forte, mais peu d’idées sont changées, peu de propositions sont débattues, et le moins que l’on puisse dire est que l’ensemble ne suscite guère d’enthousiasme, avec des taux d’abstention record annoncés. Et pourtant, il y en aurait des choses à discuter, à dire et à faire entendre lors de cette campagne.

 

Après avoir imposé l’absence de débat contradictoire, sans susciter beaucoup de protestations, que ce soit du côté des grands médias ou des autres candidatEs, Macron a donc annoncé qu’il ne ferait qu’un seul meeting de campagne.

Du côté des réactionnaires

Plus le temps passe et plus on a l’impression que le président-candidat souhaite que la campagne soit la plus limitée possible, surfant sur son statut de sortant, sur des postures de chef de guerre et de protecteur des peuples, et agitant la menace des « extrêmes » pour légitimer sa réélection. Il a toutefois annoncé la couleur du point de vue de son programme, concernant les retraites, le RSA, les universités, les allègements d’impôts de de cotisations, histoire de rappeler à sa base et à ses amis qu’il avait l’intention de poursuivre son offensive autoritaire et antisociale.

Dans le même temps, la course à l’échalote se poursuit l’extrême droite avec la lutte fratricide entre Zemmour et Le Pen, qui continuent de cumuler à eux deux aux alentours de 30% des intentions de vote, confirmant malheureusement la solidité du socle électoral raciste et ultra-réactionnaire. Ceux qui s’évertuent aujourd’hui, à gauche — nous y reviendrons —, à faire la promotion du « vote utile », devraient comprendre qu’il y a un sacré angle mort dans leur raisonnement : la pression au vote utile va s’exercer aussi à l’extrême droite, elle a même déjà commencé à le faire, et on constate que Le Pen remonte dans les sondages, réduisant (ou augmentant ?) la taille du « trou de souris » cher à Jean-Luc Mélenchon.

Dans tous les cas, force est de constater que l’extrême droite a le vent en poupe et que, même si des implosions/recompositions sont à prévoir après l’élection, elle demeure une force d’attraction conséquente, ce qu’a confirmé le meeting de Zemmour au Trocadéro le dimanche 27 mars, avec probablement 20 000 participants. Et du côté de Valérie Pécresse et des Républicains, chez qui l’implosion a déjà commencé entre ceux qui rejoindront Macron et ceux qui suivront une orientation d’« union des droites » à la Zemmour, ça patine dur, tant l’espace politique s’st restreint entre la droite macronienne et l’extrême droite.

Voter Poutou, c’est voter utile… pour la suite

À gauche, la « dynamique Mélenchon » semble bien réelle, au sens où le candidat de « l’Union populaire », largement en tête de ce secteur du champ politique, attire à lui celles et ceux qui voudraient voir la gauche au deuxième tour. Et ce bien qu’un autre angle mort soit là : l’absence de réserves de voix, au vu des rapports de forces électoraux, au cas — très improbable — où il se retrouverait au deuxième tour face à Macron. La pression au « vote utile » est toutefois bien là, venant parfois de celles et ceux qui dénonçaient cette pression hier, lorsque leur candidat n’était pas le mieux placé, avec parfois une forme d’arrogance qui ne manque pas d’agacer. Difficile en effet de ne pas entendre, chez certain, que la contrepartie du fait que le vote Mélenchon serait le « vote utile » est que, pour ne citer que celui-là, le vote Poutou serait un « vote inutile ».

À ceux-là, que nous ne confondons pas avec nos camarades de lutte qui sont tentés par le vote Mélenchon, nous le répétons : oui, notre candidature est utile, et nous le revendiquons fièrement. Tout dépend d’où on place le curseur de « l’utilité ». Si l’on est obsédé par la présence d’une candidature « de gauche » au deuxième tour (pour une défaite annoncée) et que l’on ne se pose pas la question de l’après, il est certain que l’on peut considérer que seul le vote JLM serait utile. Mais si l’on se pose la question des batailles sociales à venir, des résistances à (re-)construire et, au-delà, des outils dont nous manquons cruellement pour nous défendre aujourd’hui et demain, et pour passer de la résistance à la contre-offensive, le compte n’y est certainement pas.

Et c’est précisément à cela que servent la campagne et le vote Poutou : refuser tout substitutisme et tout raccourci électoral, en posant la question de la construction des rapports de forces sociaux globaux ; affirmer notre volonté de prendre nos affaires en mains, de nous organiser nous-mêmes, par dizaines, centaines de milliers, pour faire face à l’offensive réactionnaire ; faire entendre une radicalité assumée, une envie de se battre, qui redonne confiance dans un climat politique étouffant. Voter pour un ouvrier et un programme anticapitalistes, c’est dire tout ça, c’est se faire entendre, et c’est les avertir : on est là, on ne se taira pas, on se battra.