Publié le Jeudi 12 février 2009 à 08h40.

Communication du NPA au meeting contre la « nuit sécuritaire » le 7 février à Montreuil.

Vous avez le soutien du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) qui tient actuellement son congrès de fondation dans ce département, à la Plaine Saint Denis. Le succès de votre appel et de ce meeting, témoigne du sursaut, de la volonté de résistance des professionnels de la psychiatrie à l’inacceptable discours de N. Sarkozy le 2 décembre à Antony.

Ce discours est la négation de dizaines d’années de travail des équipes de psychiatrie, pour en finir avec les pratiques d’enfermement asilaire et pour développer des outils de soins à des personnes en souffrance, en les considérant d’abord, comme des êtres appartenant à notre humanité, comme des sujets et des citoyens à part entière.

Nous nous situons dans la tradition du « désaliénisme » et de Lucien Bonnafé, pour qui la folie n’est pas d’abord un comportement déviant à normaliser mais une « juste protestation contre une injuste contrainte ». C’est pourquoi nous sommes partie prenante de cette résistance au retour à une psychiatrie d’ordre public, dont la fonction première serait de contrôler, surveiller et punir. Des millions d’€ sont annoncés pour des caméras, des chambres d’isolement, la construction d’UMD1, ou pour cette « innovation » qu’est la réclusion psychiatrique à domicile grâce au bracelet électronique. Pendant ce temps, les outils du soin, qui permettent la rencontre et la connaissance de l’autre sont de plus en plus réduits maltraités et subordonnés à la « nouvelle gouvernance » au « management » et aux exigences de productivité et de rentabilité de l’Hôpital-Entreprise.

Logiques sécuritaires et logiques comptables se complètent aujourd’hui pour imposer à la psychiatrie une régression que l’on prétend nous imposer au nom de la modernité. Ce qui est en cause ce n’est pas seulement une diminution des moyens, c’est le démantèlement de ce système de santé publique qu’est la psychiatrie de secteur. même s’il n’est qu’imparfaitement et partiellement réalisé.

Un projet de loi sur la psychiatrie doit être présenté dans les mois qui viennent. Il devrait s’inspirer non seulement des annonces présidentielles du 2 décembre, mais aussi du « rapport Couty » qui vient d’être rendu public. Ce rapport est l’application à la psychiatrie publique du projet de loi Bachelot qui sera débattu dans quelques jours. Ce projet de loi vise à réduire les missions de l’Hôpital public en les transférant à des acteurs privés (praticiens libéraux, cliniques commerciales, secteur médico-social), tout en accélérant la transformation de l’Hôpital en entreprise. Le rapport Couty préconise l’éclatement du secteur. Le secteur est une réponse globale, gratuite, publique avec pour pivot l’équipe de soin présente sur le territoire, travaillant en lien, avec les acteurs soignants, sociaux, les élus, complété par un recours possible à l’hospitalisation si elle s’avère nécessaire. Dans la logique de la loi Bachelot, le rapport Couty préconise le morcellement et la privatisation de la psychiatrie publique. Praticiens et des professionnels libéraux assureraient les soins ambulatoires, les hospitalisations dites « légères » iraient aux cliniques commerciales qui y trouveraient un créneau rentable. Les hospitalisations dites « lourdes » et les missions sécuritaires d’ordre public resteraient bien sûr l’apanage de l’Hôpital qui devrait transférer dès que possible des patients « stabilisés » vers le secteur médico-social.

Dans ce domaine comme dans bien d’autres, ce serait la disparition de la continuité d’un service public gratuit de qualité et de proximité au service de tous. C’est pourquoi, a notre avis, la démarche spécifique légitime des professionnels de la psychiatrie est complémentaire d’un combat commun contre le projet de loi Bachelot, avec l’ensemble du monde hospitalier et tous ceux qui sont attachés au service public de santé.

De même dans la résistance aux politiques sécuritaires, des convergences sont nécessaires avec d’autres secteurs en lutte contre cette « nuit sécuritaire » qui s’étend chaque jour davantage. Les « politiques de la peur » que dénonce un autre appel de professionnels de la psychiatrie vise à ressusciter la crainte des « classes dangereuses » que répandait déjà la bourgeoisie du 19eme siècle. Il s’agit de stigmatiser, contrôler et réprimer, une partie des victimes de cette société, et de les transformer en bouc émissaires. Jeunes délinquants des banlieues, immigrés sans papiers, « sans domiciles fixes », grévistes et syndicalistes qui « prennent en otage » les usagers des transports en commun, anarchistes saboteurs de lignes SNCF, et bien sûr schizophrènes dangereux sont les anciennes ou nouvelles figures d’une dangerosité dont la société devrait se prémunir en multipliant les fichiers, les moyens de surveillance et les législation d’exception et en renforçant les pouvoirs des forces de répression. Sur ce terrain aussi, il est urgent de réagir ensemble, et le Nouveau Parti Anticapitaliste apporte son soutien au projet d’états généraux des droits et liberté pour organiser la résistance et montrer que d’autres réponses existent que la peur, la haine et la répression.

Droit à la santé, refus de la stigmatisation et de la répression des « déviances » ce sont là des questions politiques, et elles doivent être portées dans le débat public, c’est pourquoi nous nous réjouissons de la présence dans cette salle de l’ensemble des forces de gauche pour soutenir votre action. Au-delà de la résistance nécessaire, il est indispensable de reprendre l’offensive et d’affirmer qu’un autre monde est possible que celui des contraintes du marché et des politiques répressives qui les accompagnent.

Tony Lainé disait son aversion pour la formule « faut pas rêver ». Il avait raison. La souffrance sociale que désormais personne ne peut ignorer, est le résultat de situations de plus en plus insupportables, vécues par une partie croissante de la population. Mais elle est aussi la conséquence de la perte de tout espoir dans changement social, qui ne soit pas seulement un aménagement à la marge du monde de plus en plus inhumain dans lequel nous vivons.

Nous pensons qu’il nous faut au contraire réapprendre à rêver et à reconstruire, pour le réaliser l’espoir d’une société ou les richesses ne seraient pas seulement autrement répartie, mais l’autre fut il étrange et déconcertant, serait accepté et trouverait sa place.