Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a affirmé au « Parisien » qu’il n’y avait pas d’alternative à la politique du gouvernement pour instaurer la vaccination générale. C’est faux.
Il n’est pas du tout certain que le pass sanitaire soit efficace pour aboutir à une couverture vaccinale suffisante afin d’enrayer le développement de la pandémie. Une enquête menée par les chercheurEs de l’Inserm et du CNRS auprès de 86 000 personnes aboutissent à des résultats sans appel : « Plus on est bas dans la hiérarchie sociale, plus on est réticent à la vaccination en particulier contre le vaccin Covid-19 » selon les auteurs de l’étude, qui précisent que 17 % des ouvrierEs ont déclaré qu’ils ne se feraient pas vacciner contre 8 % des cadres supérieurs. Alexis Spire, directeur de recherche au CNRS, déclare aux Échos que « toute une partie de la population ne va pas au restaurant, au théâtre, ne prend ni le train ni l’avion. Pour toucher les réticents des classes populaires, du monde ouvrier et des zones périurbaines, il vaudrait mieux essayer de convaincre plutôt que de menacer ». Le pass sanitaire ne va probablement pas faire changer d’avis les récalcitrants à la vaccination dans les classes populaires, donc parmi les plus vulnérables, alors que 5 millions de personnes souffrant de comorbidités ne sont pas encore vaccinées.
Informer
Oui il faut vacciner au moins 80 % de la population pour aboutir à l’immunité collective et protéger ainsi la population. C’est certainement possible sans les contraintes du pass sanitaire et sans décréter l’obligation vaccinale. Plusieurs dispositifs mis en place et développés notamment par la Sécurité sociale ont permis une progression importante de la vaccination.
La branche maladie de la Sécurité sociale a ainsi mené en 2020 une campagne intitulée « Cette année encore, la grippe va faire mal » qui avait pour objectif d’augmenter la couverture vaccinale contre la grippe. Après avoir mené une étude pour comprendre les freins à la vaccination et trouver les leviers des changements de comportements, elle a lancé une importante campagne de sensibilisation dans de multiples médias pour frapper les esprits, faire comprendre la dangerosité du virus et inciter à la vaccination. Après trois mois de campagne, le bilan était positif, et il a été constaté une importante progression de la vaccination des personnes ciblées (de 40 % à 60 %).
« Tester, alerter, protéger »
La branche maladie de la Sécurité sociale a été chargée de rechercher les contacts des personnes qui ont été contaminées par le coronavirus. La stratégie « Tester, alerter, protéger » a été considérée par des épidémiologistes comme essentielle à la maîtrise de l’épidémie. Le médecin qui diagnostique un cas de covid doit envoyer dans une base spécifique sécurisée un dossier sur le ou la patientE et son entourage. 4 000 enquêteurEs de la Sécurité sociale recrutés parmi le personnel des caisses et 6 000 embauchés en CDD sont chargés de joindre les patientEs afin de connaître leurs contacts et de donner des consignes (isolement, réalisation des tests, mesures sécuritaires à respecter) et de les informer sur leurs droits (arrêt de travail, délivrance de masques gratuits…). Cette politique de contact permet de remonter et de neutraliser les chaînes de propagation du virus pour faire face à la 4e vague qui s’annonce.
Ce dispositif a fait preuve de son efficacité, et il devrait être étendu à la vaccination en recrutant du personnel qui contacterait toutes les personnes qui ne sont pas vaccinées (elles sont inscrites dans les fichiers de la Sécu) afin de les convaincre de l’utilité de cette action en commençant par les personnes les plus vulnérables en raison de leur âge et de leurs maladies, qui pourraient recevoir un bon de vaccination comme c’est le cas pour la grippe. Cela nécessite des moyens humains et financiers supplémentaires attribués aux caisses de Sécu pour procéder à des embauches et à la transformation des contrats précaires en CDI.
« Aller vers... »
Les données des caisses d’assurance maladie révèlent des différences importantes dans l’accès à la vaccination. Les départements où le taux de vaccination est le plus faible sont ceux où les inégalités sont les plus importantes : à la mi-juillet, 40,7 % de la population avait reçu les deux doses en France, mais seulement 12,2 % en Martinique et 9,5 % à Mayotte.
La CPAM du 93 a décidé d’instaurer à partir d’avril, en plus des 27 centres de vaccination existant, des vaccinations itinérantes et sans rendez-vous. Elle a installé des barnums dans les cités du département, qui ont permis de vacciner sans rendez-vous des personnes vulnérables et isolées. Selon la directrice de la CPAM, « en allant dans les quartiers, en bas des immeubles, on décloisonne la vaccination et on règle le problème de la proximité. En jouant sur la pédagogie et la présence sur le terrain, on sent que les craintes changent. La peur du vaccin est toujours présente mais elle n’empêche plus de franchir le cap ».
Une autre politique de vaccination est donc nécessaire et possible. Alors plutôt que d’être dans l’obligation d’imposer la vaccination par la contrainte, réalisons sans tarder une campagne intense d’immunisation par la conviction et en se rapprochant, en priorité, des populations les plus défavorisées.