Publié le Mardi 7 avril 2020 à 12h46.

Étudiantes infirmières stagiaires à 1 euro : ça suffit !

Depuis le début de la crise du Covid-19, on entend de plus en plus parler des étudiants et étudiantes infirmières dans les hôpitaux, payées environ 1 euro de l’heure pour leur travail. Explication d’un scandale dans le scandale.

Après l’annonce du jeudi 12 mars concernant la fermeture des écoles et universités, marquant l’accélération des mesures contre la propagation du Covid-19, les enseignantes de l’IFSI (Institut de formation en soins infirmiers) de Toulouse ont tout de suite annoncé la couleur : « Restez disponibles et près de l’école, vous savez, en tant qu’étudiantes infirmières, vous aussi vous pouvez être réquisitionnées. » Ah bon ? Pourtant rien n’est légalement prévu concernant la réquisition des étudiantes infirmières, a priori, rien n’autorise à nous faire travailler en dehors de nos heures de stage.

La réquisition des étudiantes infirmières : un abus de pouvoir illégal

Un texte est en construction à ce sujet, mais rien n’est abouti pour le moment. Et puis, même si la réquisition existait pour les étudiantes infirmières dans le cadre d’un Plan blanc par exemple, celle-ci devrait être rémunérée, comme pour tous les professionnels de santé. Comment est-ce alors possible d’entendre parler d’étudiantes infirmières dans le Grand-Est ou en région Île-de-France, forcées de travailler, notamment dans des secteurs Covid, pour 1,40 euro de l’heure ? C’est que ces étudiants ne sont pas réquisitionnés : elles et ils sont en stage.

Les étudiants et étudiantes infirmières sont environ 94 000 en France. Au cours de leurs 3 ans de formation, chacune d’entre elles réalisera 60 semaines de 35 heures de stage au cours de sa formation (pour les amateurs de petits calculs, cela représente plus de 65 millions d’heures par an). Pour ces stages, une petite rémunération est prévue : 0,80 euro de l’heure en première année, 1,08 en deuxième année et 1,42 en troisième année. Pas un salaire donc, et qui représente des économies considérables pour le système de santé.

Dès lors, qu’ont fait les IFSI et les CHU dans le cadre de la crise du coronavirus ? Ils n’ont pas proposé des contrats de travail aux étudiants et étudiantes infirmières, ils ne leur ont pas demandé si elles voulaient travailler ou pas : ils ont prolongé, réaffecté, déplacé des périodes de stage à leur convenance, dans les secteurs dans lesquels il y avait le plus de besoins, forçant les étudiantes à travailler pour une rémunération dérisoire (les stages sont en effet obligatoires).

« Économique, pratique et facile » !

Économique : Plutôt que d’embaucher des infirmières, des aides-soignantes et des ASH, ils ont « réquisitionné en stage ». Pratique : durant ces stages, l’étudiante infirmière remplira souvent plusieurs fonctions : agente de service hospitalier (ASH), aide-soignante, infirmière. Facile : les étudiantes infirmières ne sont que peu protégées et organisées pour se défendre. La FNESI (Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers) corporation affiliée à la FAGE, qui s’était déjà félicitée de « l’augmentation » ridicule de notre indemnisation en stage, est la seule organisation existante et n’est pas à la hauteur des enjeux posés par cette crise.Les soignantes dans les services Covid ont tiré la sonnette d’alarme, suivies par les stagiaires elles-mêmes et des choses ont commencé à bouger. Trois régions se sont engagées à rémunérer les stagiaires infirmières : Grand-Est, Île-de-France et Hauts-de-France. À Toulouse, ce sont les syndicats de professionnelles qui ont mené la bagarre contre la réquisition en stage des étudiantes infirmières et ont obtenu la mise en place de contrats de vacation.

Il faut désormais aller plus loin : ce que cette crise nous montre, c’est que les étudiants et étudiantes infirmières étaient souvent les grandes oubliées d’un système qui se dégrade. Considérées comme de la main-d’œuvre à bas prix, nous sommes envoyées sur le terrain pour « soutenir les équipes », certains services ou établissements fonctionnant parfois en grande partie sur le travail invisible des stagiaires.

Pour sortir de cette logique il faut rémunérer tous les stages infirmiers, quels qu’ils soient. Les étudiants et étudiantes infirmières travaillent, elles doivent être payées.