L’arme du crime ? Le Mediator. Autorisé en 1974 comme anti-diabétique, mais vendu par une myriade de visiteurs médicaux comme coupe-faim, un marché beaucoup plus large. Un médicament retiré seulement en 2010, alors que depuis 1986, alertes internationales et articles de la revue indépendante Prescrire sonnaient l’alarme.
Quatorze années pendant lesquelles Servier continue ses profits au mépris de nos vies. Les victimes ? 1 300 personnes au moins, décédées directement du Mediator. Sans compter celles qui souffrent d’insuffisance cardiaque et pulmonaire, car le médicament miracle est toxique pour les valves cardiaques. Le mobile ? Le profit bien sûr. 145 millions de boîtes, vendues à 5 millions de personnes, pour un chiffre d’affaires annuel de 300 millions d’euros !
Surévalué et dangereux
Le coupable ? Jacques Servier, maître tout-puissant des laboratoires du même nom. Un récidiviste qui a bâti la croissance fulgurante de son groupe en utilisant ses liens avec les pouvoirs en place et les autorités sanitaires, pour obtenir des prix surévalués et vendre pendant de nombreuses années des médicaments dangereux, malgré les alertes sanitaires : le Mediator, bien sûr, mais aussi le Survector, un antidépresseur retiré du marché en 1999 pour hépato-toxicité et dépendance, l’Isomeride, déjà un coupe-faim, retiré du marché en 1997, malgré les alertes sanitaires datant de 1985, le Duxil, un vasodilatateur retiré du marché en 2005 pour neuropathie et inefficacité, son cousin le Vectarion, interdit en 2013, sans parler du Locabiotal à la fusafungine, un antibiotique, inefficace sur les angines virales à 95 %, responsable d’accidents allergiques graves et d’émergence de résistances !
Servier, le capitaliste pharmaceutique français soutenu par Sarkozy
À la mort de Jacques Servier en 2014, le petit laboratoire de 1954 était devenu une multinationale de 20 000 salariéEs dans 150 pays, faisant de son patron la neuvième fortune de France.
Les complices ? L’Agence nationale de sécurité du médicament, condamnée pour « blessures et homicides involontaires par négligence » à 303 000 euros, qui n’a pas fait appel. Malgré les alertes, elle n’avait pas hésité à conclure qu’il n’y avait pas « de signal significatif de toxicité du Mediator ». Mais Servier a aussi bénéficié des plus hautes protections politiques.
L’avocat de Servier n’était autre qu’un certain Nicolas Sarkozy, qui l’avait décoré en personne Grand-Croix de la Légion d’honneur à l’Élysée en 2009. Et quand la CNIL porte plainte contre Servier pour fichage de 50 000 candidatEs à l’embauche pour éliminer noirs, juifs, homosexuels, communistes et socialistes, le parquet de Nanterre, dépendant du ministère, classe le dossier sans suite ! Servier, c’est l’histoire de la naissance du capitalisme pharmaceutique en France, entre scandales sanitaires, corruption des autorités de santé et protection des politiques.
Crime industriel
Il faut attendre la publication en 2010 du livre Mediator : combien de morts ? d’Irène Frachon, pneumologue à Brest, pour que le scandale éclate et qu’un procès ait lieu. Un procès décevant, qui parle d’homicide involontaire alors qu’il s’agit d’un crime industriel, pour lequel aucune peine de prison ferme n’est requise, mais seulement des amendes, qui font du Mediator un produit encore largement bénéficiaire. Le scandale Servier est bien la preuve que la santé de la population est incompatible avec les intérêts privés, que l’expropriation des laboratoires et la création d’une industrie publique, disposant de fonds publics, travaillant en lien étroit avec les usagers, démocratiquement organisés, est une nécessité, car nos vies valent plus que leurs profits.