Publié le Mercredi 12 janvier 2022 à 12h11.

Macron et la vaccination : le mépris de classe de l’emmerdeur

Quel grand stratège ! Macron veut « emmerder » les 5 millions de personnes qui ne sont pas fait vacciner et réussit à mobiliser plus de 100 000 manifestantEs dans la rue, renforçant le camp des antivax ! Emmerder les classes populaires est sa spécialité : sa politique de classe casse les acquis sociaux et aggrave les inégalités sociales et les difficultés dans la vie quotidienne d’une partie importante de la population.

Des scientifiques ont été plus intelligents, comme Florence Débarre1, spécialiste en biologie évolutive, qui a cherché à comprendre « pourquoi des personnes sont encore non vaccinées et pourquoi on n’a pas réussi à les faire accéder à la vaccination... »

Inégalités sociales et refus de la vaccination

Elle a suggéré au président « de mettre plus d’énergie contre les désinformateurs qu’à stigmatiser les victimes de la désinformation » et a analysé les disparités de la couverture vaccinale en France à partir de 176 critères socio-­économiques issus de donnée de l’Insee et de cinq paramètres géographiques et des taux de vaccination enregistrés par la Sécu dans les banlieues autour de grandes villes. Son étude montre que c’est dans les communes les plus pauvres confrontées au chômage et aux logements suroccupés que le taux de ­vaccination est le plus bas.

Après l’application du pass sanitaire, le taux de vaccination a augmenté mais l’écart est resté le même entre les localités en comparant celles qui sont les plus et les moins touchées par le chômage. L’écart est de 20 à 50 points toutes tranches d’âge confondues entre deux secteurs analysés : le 3e arrondissement de Marseille le plus pauvre et Neuilly-sur-Seine le plus riche. Conclusion : « Les zones les plus défavorisées ont plus de dix fois plus de risques de faire partie des territoires où la vaccination est plus faible ».

Épidémiologie et conditions de vie 

L’Inserm a de son côté interrogé 135 000 personnes âgées de 15 ans ou plus, vivant en France et dans les départements d’outre-mer, pour aborder les inégalités. Elle met en évidence « l’effet cumulatif des inégalités sociales […]. Les clivages sociaux sont accentués par les effets de l’épidémie sur les situations professionnelles et financières. Les catégories les plus défavorisées socialement sont les plus touchées par les effets de la crise sur leur situation professionnelle et financière, de même que les personnes issues de l’immigration. »

La branche maladie de la Sécurité sociale publie des statistiques sur les taux de vaccination contre le Covid et un indice de « défavorisation sociale » qui permet de caractériser la situation sociale et économique afin de rendre compte des disparités territoriales. La comparaison avec les données sur les revenus publiés par l’Insee montre que lorsque les revenus des habitantEs d’une commune sont élevés, le pourcentage des personnes vaccinées l’est aussi et c’est le contraire lorsque le taux de chômage est élevé.

Qui sont les « non-vaccinéEs » ?

Jeremy Ward, sociologue à l’Inserm, a participé avant les vacances de Noël à l’étude d’un échantillon représentatif de la population pour connaître le profil social des personnes non vaccinées et leurs intentions vaccinales. La vaccination est gratuite, néanmoins « le revenu est une variable qui détermine les intention de vaccination depuis le début de l’épidémie ». Parmi les personnes interrogées, 2/3 « rejettent frontalement le vaccin » et 1/3 n’est pas vacciné et évoque les difficulté d’accès, comme les immigréEs ou les personnes âgées vivant en milieu rural, mais ne se considère pas comme « antivax ».

Franchir les obstacles pour vacciner les 10 % de la population qui ne l’est pas

Il faut multiplier à grande échelle les dispositifs pour « aller vers » les personnes qui ont des difficultés pour se faire vacciner : les déserts médicaux, les territoires enclavés, les personnes dont les déplacements sont impossibles ou compliqués, les personnes malades ou handicapées, précaires, sans papiers, immigréEs qui n’ont pas trois mois de présence sur le territoire et donc pas de carte vitale, ou n’ont pas réussi à l’obtenir en raisons d’obstacles administratifs. Les dispositifs « Aller vers » sont très insuffisants et souvent éphémères, ils ne peuvent fonctionner que sur la base de la confiance, c’est-à-dire sans contrainte ni sanction.

« Un irresponsable n’est pas un citoyen » a déclaré Macron. L’insulte n’est pas une solution. Elle est totalement contre-productive. Il ne s’agit pas de dédouaner systématiquement de leurs responsabilités les antivax, mais il faut comprendre ce qui motive les réfractaires à la vaccination. Et le pouvoir a sa part de responsabilité : il est coupable de maltraitance institutionnelle en demandant à des personnes testées positives au Covid d’aller travailler, il est responsable des périodes où l’on manquait d’abord de masques (déclarés inutiles) puis de tests puis de vaccins, il est responsable comme ses prédécesseurs de la situation de crise dans des hôpitaux. Selon la loi, le consentement des malades « doit être libre et éclairé » : pour convaincre il faut l’obtenir !

Les personnes non vaccinées ne doivent pas être des boucs émissaires. Le directeur de l’OMS a déclaré que « certains pays ont fait montre d’un nationalisme obtus et ont amassé les vaccins, ce qui a menacé l’équité et engendré des conditions pour l’émergence du variant Omicron » ; Macron a sa part de responsabilité dans la pandémie qui s’est développée au niveau mondial. Un irresponsable peut-il être président ?

  • 1. Étude réalisée avec Emmanuel Lecœur (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), la géographe spécialisée en santé publique Lucie Guimier (Institut français de géopolitique), la sociologue Marie Jauffret-Roustide (Inserm), la médecin épidémiologiste Anne-Sophie Jannot (AP-HP, Université de Paris). Lire par exemple : « Covid-19 : "Tous les Français ne sont pas égaux devant l’accès à la vaccination" », liberation.fr, 7 janvier 2022.