Le mobile du crime ? 145 millions de boîtes de Mediator, vendues à 5 millions de personnes, pour un chiffre d’affaires annuel de 300 millions d’euros. L’arme du crime ? Le Mediator, autorisé depuis 1976 comme anti-diabétique, mais vendu par une myriade de visiteurs médicaux comme un merveilleux coupe-faim. Un médicament responsable de la mort de près de 2 000 personnes par atteinte des valves cardiaques ou hypertension artérielle pulmonaire. Retiré de la vente seulement en 2010, malgré les alertes internationales sur sa dangerosité, ou les articles de la revue indépendante Prescrire, dès 1986.
Le présumé coupable ? Le petit laboratoire français du Dr Servier, devenu une multinationale de 20 000 salariéEs. Ses amitiés particulières avec les pouvoirs en place lui ont permis d’obtenir des prix surévalués, de retarder au maximum le retrait de ses produits dangereux ou inutiles (Mediator, mais aussi Isomeride, Duxil, Survector). Son avocat était un certain Sarkozy, et le labo a utilisé des barbouzes pour surveiller son personnel. Les complices ? L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Elle n’avait pas hésité à conclure qu’il n’y avait pas « de signal significatif de toxicité du Mediator ».
Les lanceurs d’alerte ? Il a fallu la ténacité de la pneumologue Irène Frachon pour faire exploser la vérité. Les leçons du crime ont-elles été tirées ? L’affaire de la Depakine, avec 14 000 femmes enceintes exposées au médicament responsable de nombreuses malformations, démontre malheureusement que non. Qui paiera ? C’est d’abord au laboratoire d’indemniser les victimes. Car un fonds d’indemnisation des victimes du Mediator a été créé. Mais Servier conteste tout les dossiers. En 2013, les experts du fonds ont rejeté 86 % des dossiers !
Laboratoires qui cachent les données, experts médicaux et autorités de santé liés à l’industrie pharmaceutique, pharmacovigilance défaillante : l’expertise indépendante des médicaments, la formation médicale indépendante des labos, l’orientation de la recherche en fonction des besoins publics, la baisse du prix des médicaments… sont autant d’exigences immédiates. Mais du Mediator à la Depakine, la seule peine vraiment efficace contre les scandales mortels du capitalisme pharmaceutique serait la création d’un service public du médicament, contrôlé par la population, les salariéEs, les scientifiques indépendants, pour définir les besoins de santé en médicaments efficaces, sûrs et bien testés.
Frank Cantaloup