Publié le Jeudi 6 mars 2014 à 21h53.

Mobilisation : un tour de France pour l’accès aux soins et le droit à la santé

Entretien. Françoise Nay est présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternité de proximité, à l’initiative du tour de France pour l’accès aux soins et le droit à la santé.

À sa fondation en 2004, la Coordination (1) appelait « tous les citoyens qui refusent le démantèlement du système de soins à entrer en résistance, où qu’ils soient, et à se fédérer en comités de défense ». Dix ans après, où en est-on ?

La Coordination regroupe aujourd’hui une centaine de comités. Notre refus d’hier du démantèlement du système de soins est malheureusement toujours d’actualité. Nous sommes encore confrontés aux fermetures, aux restructurations. Il n’y a qu’à pointer toutes les villes où les hôpitaux sont affaiblis par des plans de retour à l’équilibre budgétaire et les diminutions de personnels, vidés de leurs services, voire fermés. Services d’urgences, de chirurgie et maternités sont les premiers touchés. De 2001 à 2011, on dénombre encore 162 fermetures de ces dernières, près d’une sur quatre ! Les arguments et prétextes sont toujours les mêmes : le manque de professionnels de santé, la sécurité, l’organisation des soins... En réalité, c’est la logique comptable qui prévaut et le choix de la privatisation. Nous connaissons les résultats de cette politique, les usagers en mesurent, sinon en subissent les conséquences : accouchements sur les routes, saturation des urgences et ­attentes interminables avant les prises en charge, développement de véritables déserts sanitaires…

La mobilisation des comités de défense peut faire reculer le gouvernement. Ainsi l’Agence régionale de santé avait décrété la fermeture de la maternité de Dourdan (91) et depuis janvier cette maternité est à nouveau ouverte. Qu’est-ce qui a permis cette victoire et d’autres ?

À Dourdan, comme à Carhaix, comme il y a 10 ans à Saint-­Affrique, la décision de fermeture a pu être remise en cause grâce à la mobilisation, remarquable par sa diversité : usagers, population, personnels, élus, syndicats, partis politiques. Il en a été de même, récemment, pour le maintien du SMUR à Lure. Les mobilisations sont diverses selon les lieux et, le plus souvent, c’est lorsqu’elles sont très larges, avec l’appui de la population et des élus locaux, qu’elles aboutissent. Aujourd’hui, elles sont de moins en moins isolées et des soutiens de toute la France les accompagnent. Cela compte aussi pour gagner !

Lors de ses 21e Rencontres en novembre 2013, la Coordination a décidé d’organiser un tour de France pour l’accès aux soins et le droit à la santé. Pourquoi et comment ? Quelles seront les suites ?

La Loi HPST (hôpital patients, santé, territoires) n’a pas été abrogée et la T2A (tarification à l’activité) sévit encore. Du fait de la limitation du nombre de professionnels de santé formés (en particulier des médecins), de la liberté d’installation, de la disparition de service de santé de proximité, les déserts sanitaires progressent, en zone rurale et urbaine, en ville et à l’hôpital. Si le ministère de la Santé a lancé une grande consultation via les Agences régionales de santé (ARS), bien peu d’usagers auront la possibilité de faire entendre leur voix dans ces « grands-messes » institutionnelles... Alors que nous sommes une association d’usagers agréée, que nous avons été auditionnés au Sénat et à l’Assemblée, nos représentants sont indésirables dans bon nombre d’instances. C’est pourquoi la Coordination a décidé de donner la parole aux usagers, habitants et citoyens, à la faveur des différentes étapes du tour de France qui se veulent à la fois revendicatives, avec l’expression des difficultés, mais également constructives avec des propositions pour une politique de santé répondant aux besoins. Nous en sommes à plus de 30 étapes dans toute la France. Nous en rendons compte sur notre site et dans le journal du tour que nous adressons à plus de 2 000 contacts. Un livre du tour circule d’étape en étape pour recueillir témoignages et propositions. ­Partis de Briançon le 14 décembre, nous arriverons à Ruffec le 9 mai où se tiendront nos 22e Rencontres et où nous déciderons ensemble de la suite de nos actions. Nos comités et nos milliers ­d’adhérents ont plus que jamais un rôle essentiel à jouer, avec les formes et modalités d’actions qui leur sont propres. Pour continuer à informer, alerter et développer les mobilisations nécessaires à l’instauration d’une politique répondant à nos attentes : pour l’accès aux soins de toutes et tous et le droit à la santé.

Propos recueillis par S. Bernard

1 – www.coordination-nationale.org