Avec des trémolos dans la voix, Marisol Touraine, ministre de la Santé a salué les personnels de santé « héroïques », en ouvrant les derniers débats parlementaires sur la loi dite de « modernisation du système de santé ». Dans le même temps, la discussion sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale se termine elle aussi.
L’indécence de ce gouvernement n’a décidément aucune limite. Sa manière de remercier le service public de santé et ses professionnels qui ont fait face à une situation dramatique lors des attentats du 13 novembre... consiste à faire voter des lois qui détruisent un peu plus l’hôpital public. Les « héros » vantés par Touraine sont chaque jour plus malmenés, épuisés, et les textes défendus par le gouvernement vont encore aggraver la situation.
Quant à la droite parlementaire, si elle dénonce l’utilisation de l’état d’urgence, pour « passer en force » et interdire les manifestations… c’est uniquement quand il s’agit de sa clientèle de médecins libéraux mobilisés contre le tiers payant.
Le Sénat, passé à droite, avait en septembre revu à sa façon la loi Touraine, mais il n’en avait bien sûr pas remis en cause les aspects fondamentaux. Et pour cause : dans la foulée de la loi Bachelot, ce texte poursuit la réorganisation du système de soins, en réduisant la place de l’hôpital public et en lui substituant des dispositifs privés commerciaux, libéraux ou associatifs. Le Sénat avait supprimé l’instauration du tiers payant prévu d’ici 2017. Il soutenait ainsi la mobilisation réactionnaire des syndicats de médecins libéraux scandaleusement opposés à une mesure qui devrait permettre, même si elle est loin de tout résoudre, d’améliorer l’accès aux soins, en dispensant les malades de l’avance du prix des consultations.
Privatisation et restructuration
Dans l’optique du gouvernement, la fonction de ce nouveau passage devant l’Assemblée nationale est de rétablir les dispositions supprimées par le Sénat pour revenir au texte voté en avril. A cette occasion, les syndicats de médecins libéraux avaient décidé le 13 novembre un « vendredi noir » qui devait marquer une nouvelle offensive contre le tiers payant, offensive interrompue suite aux attentats et à l’instauration de l’état d’urgence.
Le texte va être adopté rapidement. Il donnera au gouvernement de nouveaux moyens pour privatiser la Sécurité sociale (la loi supprime la distinction entre la Sécu et les assurances complémentaire). Les restructurations hospitalières vont être accélérées par l’obligation faite aux hôpitaux publics de se regrouper au sein d’un « Groupement hospitalier de territoire » auquel pourront adhérer les cliniques privées si elles jugent l’opération juteuse. Enfin, la seule disposition positive introduite par les députés en avril, la suppression du réactionnaire Ordre infirmier, abrogée par le Sénat, n’est pas rétablie...
Le gouvernement a donc désormais les mains libres pour passer à la vitesse supérieure, car si le Pacte de responsabilité est remis en cause pour la police, l’armée et le tout sécuritaire, pour Hollande, Valls et Touraine, il n’est évidemment pas question d’y toucher dans la santé. Tel est le but du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 qui sera adopté, lui aussi dans le silence pesant de l’état d’urgence, dans les jours qui viennent. Au nom de la « lutte contre le déficit », il limite les dépenses de santé à un niveau jamais vu (voir l’Anticapitaliste n°306).
Malgré un contexte difficile, la mobilisation reste donc plus que jamais à l’ordre du jour.
J.C.Delavigne