Sollicités par des soignantEs issus des Collectifs inter-urgences et inter-hôpitaux (CIH), plus de 200 parlementaires ont lancé la procédure d’un référendum d’initiative partagée (article 11 de la Constitution) afin de « réformer l’hôpital public pour replacer le soin, l’humain et les besoins de santé de la population au centre du système ».
Il s’agit du même dispositif référendaire que celui utilisé en 2019 pour faire échec à la loi de privatisation des aéroports de Paris. La « proposition de loi de programmation pour garantir un accès universel à un service public hospitalier de qualité » vient d’être déposée au Conseil constitutionnel et, sous réserve de validation par celui-ci, devra recueillir 4,7 millions de soutiens de la part des électeurEs.
On reste sur sa faim
Si l’on peut partager un certain nombre de constats et de déclarations d’intention figurant dans l’exposé des motifs, on reste cependant sur sa faim quant aux mesures annoncées « pour garantir l’accès universel à un service public hospitalier de qualité ».
C’est le cas notamment quand il s’agit de déterminer les capacités d’accueil (nombre de lits) nécessaires pour répondre aux besoins de la population d’un territoire. On renvoie cette évaluation au Conseil territorial de santé puis à la Conférence régionale de santé et d’autonomie, deux instances à la main des Agences régionales de santé.
C’est le cas également quand il s’agit d’établir des ratios minimum de personnel par lits ouverts ou par passages, dispositifs déjà connus et même faisant l’objet de normes réglementaires depuis parfois 20 ans dans certaines spécialités (réanimation, pédiatrie, chirurgie cardiaque, dialyse…). On est encore moins convaincu par l’efficacité potentielle de cette mesure lorsqu’on apprend que l’élaboration de ces ratios serait confiée à la Haute autorité de Santé et que leur mise en œuvre locale serait du ressort de la Commission des soins infirmiers, deux instances institutionnelles existantes qui n’ont guère démontré leur indépendance et leur opérationnalité.
Quelle « démocratie sanitaire » ?
S’agissant de la « démocratie sanitaire », formule omniprésente dans les déclarations des promoteurs du référendum d’initiative partagée, on ne peut qu’être frappé par le manque d’ambition des signataires du texte de la proposition de loi. Car à aucun moment il n’est question d’inverser la tendance centralisatrice et technocratique mise en place depuis plus de 20 ans et en particulier par la fameuse « nouvelle gouvernance » fleuron de la loi HPST (loi Bachelot) de 2009.
Et que dire de la volonté affichée de renforcer la démocratie sanitaire à l’échelon de l’établissement. On ne propose là que des aménagements à l’eau tiède concernant la représentation des usagerEs, de la communauté médicale et de la commission des soins infirmiers qui ne contrebalanceront nullement les pouvoirs verticaux attribués aux ARS, via les chefs d’établissement. On notera au passage que la représentation des personnels non médicaux par l’intermédiaire de leurs éluEs sur listes syndicales est complètement ignorée par la proposition de loi. On observera également que dans l’exposé des motifs, il n’est jamais fait mention des mobilisations importantes des personnels qui ont fleuri dans les services d’urgence, dans les EHPAD, et d’une manière générale dans de très nombreuses structures de santé et médico-sociales depuis 2019.
L’initiative de groupes de soignantEs réunis autour de la plateforme « Notre hôpital, c’est vous » et relayée par des parlementaires nous semble une base très insuffisante pour correspondre au niveau de dégradation atteint par le service public hospitalier. Nous verrons si la procédure du référendum d’initiative partagée permettra de mobiliser les professionnelEs et les usagerEs du service public hospitalier et peut-être de radicaliser sa base revendicative.