Avec 4,8 décès pour 10 000 naissances, le 93 détient le triste record de la mortalité infantile (décès avant l’âge d’un an). Elle est 40 à 50 % plus élevée que dans le reste du pays, la moyenne nationale étant de 3,2 décès pour 10 000 naissances.
L’ARS Île-de-France vient de recevoir les conclusions des études commandées à l’Inserm et à l’observatoire du Samu social de Paris pour « comprendre et remédier à cette surmortalité ». Ainsi, il a étudié les causes des décès et les caractéristiques socio-démographiques des mères.
« La mortalité néonatale et infantile est caractérisée par une proportion importante de naissance très prématurées (…). La moitié des mères étaient en surpoids ou obèses, des facteurs de risque qui méritent une attention particulière aussi bien pour la santé de la mère que celle de l’enfant. Or le parcours de soins de ces femmes est bien souvent inadapté, en particulier pour celles souffrant de diabète ou d’hypertension ».
L’étude relève que « 7 % de femmes n’avaient pas de Sécurité sociale en début de grossesse et un peu plus étaient bénéficiaires de l’AME. Sont également rapportées dans 23 % des dossiers des ruptures familiales, de l’errance ou des violences ».
Les déterminants de santé trouvent en grande partie leur source dans des facteurs sociaux environnementaux, en particulier la pauvreté, le 93 avec les caractéristiques suivantes restera toujours le dernier de la classe si la société ne change pas : 25 % de chômeurs, 14,5 % des habitants sous le seuil de pauvreté (Observatoire des inégalités) et 24 % des personnes ayant un revenu inférieur à 1 400 euros par mois renoncent à une consultation médicale (Collectif interassociatif sur la santé).
Le rapport du Samu social insiste lui sur « les dysfonctionnements du système de soins ». Les auteurs de l’enquête pointent également les conditions de travail « des soignants usés et démunis », « peu propices à la prise en compte des difficultés sociales des patientes »…
Premières victimes, les populations les plus vulnérables
Nous ne pouvons effectivement qu’accuser un système de santé de plus en plus inégalitaire, de moins en moins performant pour les patients et de plus en plus délétère pour le personnel.
Le 93 est le plus grand désert médical : on y compte 66,5 médecins généralistes pour 75 000 habitants (92,5 en Île-de-France). À Aubervilliers (80 000 habitants), 2e ville francilienne la plus pauvre après La Courneuve, on dénombre 13 spécialistes de premier recours (gynécologues, ophtalmologues, pédiatres…)... De l’autre côté du périphérique, 49 ! Les hôpitaux de Saint-Denis et de Bobigny souffrent cruellement du manque de personnels et de lits. Résultat : des files d’attente interminables aux urgences et la souffrance au travail des équipes soignantes. Et dans le pays, les maternités de proximité ferment régulièrement, de 815 en 1996 à 544 en 2015. L’accès aux soins pour les personnes n’ayant aucune couverture maladie est de plus en plus difficile : Médecins du monde a ouvert un centre d’accueil et de soins à la Plaine Saint-Denis, mais la structure, saturée, ne peut répondre à la demande...
Dans le Monde du 20 octobre, la responsable du département périnatalité à l’ARS Île-de-France déclare : « Ce n’est pas la précarité en elle même qui est la cause de la surmortalité, mais la façon dont elle n’est pas prise en charge de façon optimale »... Non, sans aucun doute la précarité est une cause de la surmortalité, et le système de santé aggrave cette mortalité, avec d’un côté une médecine libérale à l’acte à bout de souffle et de l’autre un hôpital-usine où « l’hôstérité » sévit.
C. Bensimon