Publié le Vendredi 12 décembre 2008 à 20h16.

Audiovisuel public : la grande braderie

Avec l’asphyxie financière et le nouveau mode de nomination des présidents, c’est l’idée même du service public qui est mise en cause.

La colère, c’est sans doute le sentiment dominant des salariés de l’audiovisuel public pendant que se discute le projet de loi au Parlement. Colère à France télévisions (FTV), où le groupe et ses sociétés sont en train d’être purement et simplement bradés aux amis de Sarkozy, comme à Radio France Internationale, dont la disparition est prévue au sein de « l’audiovisuel extérieur de la France ». Inquiétudes à Radio France et à l’INA, où les salariés savent bien qu’ils ne passeront pas entre les gouttes de la contre-réforme, tant les économies des sociétés sont liées.

Le débat parlementaire qui a débuté le 25 novembre, alors que plus de 50 % de grévistes à FTV empêchaient la tenue normale des éditions du journal télévisé, signe de la forte mobilisation des personnels, ne s’achèvera qu’en janvier. Pluie d’amendements à gauche, projet qui mériterait une motion de censure pour François Bayrou, réserve du côté de Gilles Carrez, rapporteur du budget, comme du Nouveau centre, c’est peu dire que le projet ne fait pas l’unanimité. Néanmoins, la ministre de la Culture, Christine Albanel, et Jean-François Copé continuent de présenter le projet comme « historique ». Historique, certes, devant l’ampleur des dégâts : il s’agit du projet le plus important depuis la privatisation de TF1.

Hormis pour les députés UMP et Christine Albanel, il est clair que le prétendu engagement de Sarkozy à combler « à l’euro près » le manque à gagner lié à l’arrêt partiel de la publicité dès le début 2009 a vécu. L’État s’engage à un financement de 450 millions d’euros annuels jusqu’en 2011, sans dire quelle sera sa politique en 2012, tout en sachant que la somme est notoirement insuffisante. Les deux taxes, sur la publicité récupérée par le privé et sur les opérateurs télécoms, sont maintenant encadrées par un plafond. Non contents de faire bénéficier ses amis d’un effet d’aubaine que personne ne conteste, il faut bien les protéger de… la crise du marché publicitaire ! Le financement de l’audiovisuel extérieur inquiète même la majorité, preuve que le compte n’y est décidément pas. Les différents lobbies sont maintenant à l’œuvre, chacun y allant de sa proposition ou de son amendement : tous les coups sont permis, des plus tordus aux plus absurdes.

L’étape suivante sera l’étape « sociale ». Le passage de FTV à la société unique est attendu par le pouvoir pour faire tomber les conventions collectives existantes. Si ce plan s’applique, les salariés seront renvoyés aux négociations entreprise par entreprise, avec un rapport de force amoindri. Moins bien protégés, le gouvernement espère bien qu’ils seront plus dociles. L’offensive de la droite gouvernementale est donc multiple : économique, pour le bien du secteur privé dont elle défend sans complexe les intérêts ; social, en faisant payer les salariés du public sans rien faire donner à ceux du privé ; idéologique, par la reprise en main des médias à travers la nomination des présidents des sociétés par l’exécutif. C’est aussi une grave menace sur la création audiovisuelle, largement financée jusqu’à maintenant par FTV, avec ses effets en chaîne sur l’emploi, en particulier pour les salariés intermittents du spectacle.

L’ensemble des médias et une bonne partie du secteur culturel sont aujourd’hui sur la sellette. Audiovisuel, presse écrite, Agence France presse, intimidations des journalistes comme dernièrement à

Libération

, le projet de Sarkozy est celui d’une reprise en main totale de l’information, inféodée aux groupes économiques qui l’ont aidé à devenir monarque. Seule une riposte d’ensemble peut permettre de s’opposer à cette offensive brutale, en défendant à la fois le droit à une information libre et pluraliste et l’existence d’un service public indépendant, financé à la hauteur de ses missions.