Entretien. Les facteurEs de Rennes sont en grève depuis 3 mois. Nous avons rencontré Arnaud, facteur au bureau de poste de Rennes Crimée, militant Sud PTT, en grève depuis le 9 janvier.
Peux-tu revenir en bref sur les raisons de cette grève et les débuts de la mobilisation ?
Depuis que La Poste est passée en société anonyme il y a 8 ans, la direction impose tous les 2-3 ans des réorganisations violentes pour détruire nos missions de service public et développer toujours plus les missions économiques rentables.
Dans mon bureau, ils ont supprimé 15 tournées en 10 ans, leur projet est d’en supprimer encore 6, soit un quart des emplois. Avec la précarité, les petits salaires, la charge de travail, la souffrance, cette réorganisation a été vécue comme celle de trop.
Sur Crimée on est toujours en grève majoritaire, et par les prises de parole et les débrayages sur d’autres bureaux on a réussi à entrainer des collègues de tout le 35.
Très vite vous avez constitué un collectif des facteurs en grève, organe de représentation et de direction de la grève.
La question s’est posée naturellement, pour intégrer les syndiqués et les non-syndiqués. Avec comme volonté surtout de dire à la direction « Nous sommes votre interlocuteur » ! Ce collectif est très important pour les collègues qui sont en grève minoritaire sur leur bureau. Et c’est à travers ce cadre que nous organisons les débrayages, les blocages des centres de tri, les rassemblements tous les mardis.
Dès le début nous avons compris que l’argent serait le nerf de la guerre : ainsi on a mis en place les caisses de grève, les piquets de grève, les collectes d’argent dans le quartier... On a reçu de très nombreux dons de toute la France, ce qui nous permet de verser quasiment tous les salaires. Parallèlement, l’AG interpro organise des soirées-concerts de soutien qui fonctionnent bien.
La direction bloque toute négociation avec vous. Peux-tu nous parler du fameux « dialogue social » à La Poste ?
Très vite la direction a refusé de nous rencontrer, ne voulant négocier qu’avec la CGT et Sud PTT, qui ont refusé évidemment. Aujourd’hui elle mise clairement sur le pourrissement, l’étranglement financier et la fatigue.
Son discours c’est : « La réorganisation est une politique nationale, elle est donc incontournable ici », ce qui est faux puisque là où il y a eu des résistances les réorganisations ne sont pas passées.
Vous avez lancé avec vos collègues en grève du 33 et du 92 un appel à la mobilisation nationale à La Poste : quel est son but ?
En Gironde, la grève est très forte avec 30 bureaux dont la moitié majoritaires. Dans le 92, depuis le licenciement de Gaël, la grève s’installe dans les bureaux, avec aussi des revendications sur les salaires et les précaires. L’idée était de répondre à la boîte, qui veut imposer ses réorganisations partout en France, par un mouvement national.
Et devant l’inaction des fédérations il fallait prendre l’initiative pour répondre au malaise des collègues mais surtout à leur envie de se battre.
Avec la journée de mobilisation du 22 mars et surtout le début de la grève chez les cheminotEs, quelles sont vos perspectives ?
Il n’y a pas le choix, il faut passer à une lutte nationale dans toute la boîte. Deux tiers des bureaux ne sont pas encore touchés par les réorganisations. C’est le sens de l’appel que nous avons lancé avec le 33 et le 92. Les cheminotEs montrent la voie c’est sûr, même si c’est différent pour eux puisque la réforme est nationale.
Dans le combat pour la convergence des luttes, la médiatisation est très importante, on parle très peu de nous alors qu’aucun secteur n’est en grève depuis aussi longtemps. Si les gens veulent converger vers nous qu’ils hésitent pas.
Propos recueillis par nos correspondants