Publié le Mercredi 5 décembre 2018 à 11h34.

1er décembre : une journée nationale de mobilisation(s)

La journée du samedi 1er décembre a marqué un tournant dans la situation politique et sociale. Aux quatre coins du pays, des rassemblements et manifestations ont eu lieu, avec parfois des mobilisations parallèles, et parfois des moments de convergence. Nous proposons un aperçu de ce qui s’est déroulé dans quelques villes, sans prétention à l’exhaustivité, mais qui donne une idée de la diversité des situations… et du climat général de contestation. Par nos correspondantEs.

Marseille

La manifestation du 1er décembre sur Marseille a été à bien des égards une réussite, rassemblant sans heurts ni méfiance le mouvement syndical, plusieurs centaines de Gilets jaunes et des révoltés du logement insalubre. Au plus fort, on a pu compter autour de 15 000 personnes. 

La manifestation des organisations syndicales a regroupé les habituéEs de ces rendez-vous, même si nous avons pu sentir une ambiance plus combative et joyeuse. L’idée de la convergence plaisait, au point où les personnes présentes ­s’impatientaient du départ en cortège. 

Au même moment, la manifestation, baptisée « Marche de la Dignité », démarrant plus haut dans la ville, rassemblait plusieurs milliers de personnes, avec une colère toujours palpable. Lorsque ce cortège a déboulé sur la Canebière, les Gilets jaunes, regroupés à cet endroit, ont cédé le passage. Et lorsque nous avons repris avec nos drapeaux NPA le slogan « Tous ensemble », très nombreux étaient celles et ceux qui levaient le poing, notamment celui qui tenait de l’autre main un drapeau français. Bref la convergence a eu lieu. Comme on dit : « Ça avait de la gueule ». Il y a alors eu des prises de parole, peu enthousiasmantes face à une soif d’action, une marche silencieuse jusqu’à l’hôtel de ville et et une demande de dispersion non suivie d’effet. Ce sont alors les flics qui sont passés à l’action avec des tir biens nourris, et sans raison, de gaz lacrymogène. De la même manière que lors de la marche de la colère, les participantEs sont restés, faisant face systématiquement aux flics. Bien plus de personnes que la dernière fois ont fait face, et c’était impressionnant. Des copains qui ont vécu Mai 1968 le disaient également… L’usage de la force sans sommation a choqué, et le face-à-face a duré jusque tard dans la nuit.

Eure

Environ 400 à 500 manifestantEs à Pont-Audemer. Le cortège est parti du rond-point Décathlon, principal accès à la ville côté est, tenu nuit et jour depuis deux semaines, avec blocage filtrant ou total selon les moments de la journée, pour se rendre à la mairie.

Une délégation a été reçue par le maire Leroux, PS lors de son ­élection, puis soutien à Macron.

Sur place, un conseiller municipal s’est transformé en porte-parole de la mobilisation. Micro en main, il a dressé une liste des revendications qui permettraient d’augmenter le pouvoir d’achat. Parmi elles, la hausse du SMIC de 200 euros net, la hausse des retraites et des minimas sociaux, la suppression de la taxe sur les carburants avec un transfert de cette taxe sur le kérosène, la revalorisation des salaires de la fonction publique, la baisse des taxes sur les bénéfices des PME, la renationalisation des autoroutes et de toutes les entreprises stratégiques françaises dont les banques, l’augmentation des effectifs dans la fonction publique, la revalorisation des bourses ­d’étudiantEs, etc.

À Louviers, près de 200 Gilets jaunes ont marché du rond-point du Becquet vers le centre ville, traversant le marché pour interpeller les passantEs, répétant inlassablement qu’il s’agissait là d’une manifestation pacifique. La matinée avait commencé au rond-point de l’Écoparc par une assemblée de Gilets jaunes, où une représentante a donné des informations et soumis le déroulement de la matinée au vote des participantEs. Intervention suivie par des prises de parole des unEs et des autres, avec libre accès au micro et le respect de la parole de chacunE : ça discute, ça échange. On n’est pas toujours d’accord mais tout est fait pour préserver l’unité du mouvement et l’esprit de solidarité. Et ça marche !

Le Puy-en-Velay

À 10 h 30, rassemblement à l’initiative de la CGT devant la préfecture (300 à 500 participantEs) avec un objectif de convergence des luttes.

Vers midi, entre 2 000 et 3 000 ­Gilets jaunes nous ont rejoints devant la préfecture, avec les tracteurs. Au début, un peu de tension avec nos drapeaux et chasubles rouges de la CGT, certains Gilets jaunes n’en voulant pas. Ils nous ont interrogés sur ce qu’on faisait... En gros : sommes-nous prêts à déclencher la grève ?

Puis, passage à l’action : les grilles de la préfecture ont été ouvertes par les manifestantEs, et la cour investie. La cour a été remplie de pneus et de lisier. Jusque-là, ambiance bon enfant.

Après l’arrivée des renforts de la gendarmerie, les manifestantEs ont été sortis. Ils ont ensuite allumé un feu devant la préfecture, où des poubelles ont été brûlées, puis des palettes, des pneus... Pendant l’après-midi les flics ont jeté quelques lacrymos et grenades de désencerclement, et gazé les manifestantEs qui s’approchaient trop près des grilles.

Vers 16 heures, les premiers cocktails molotov sont apparus. Il restait alors environ 1 500 personnes. Ça a beaucoup gazé, et les manifestantEs ont descellé des gros pavés qu’ils cassaient au marteau pour pouvoir les lancer.

Vers la tombée de la nuit, les CRS, arrivés en renfort de Givors ont tenté d’évacuer les manifestantEs : ils se sont pris une sacrée reculée à coups de pierres, de barres de fer, de barrières... et se sont repliés dans la préfecture.

Les choses sont ensuite montées d’un cran, jusqu’au jet des cocktails molotov dans la préfecture. Les flics ont volontairement traîné pour éteindre les incendies. Il restait alors environ 800 personnes, dont énormément de jeunes. Vers 20 h 30-21 h, des renforts de CRS sont arrivés et ont évacué les ­manifestantEs qui restaient.

Alès

Le 1er décembre à Alès, on a vu la convergence des militantEs de gauche et des Gilets jaunes : la manifestation à l’appel de l’UL CGT (1 500 personnes) a fait se retrouver les syndicalistes, les militantEs politiques (PC, FI, NPA, LO, La Rétive, etc.) et les Gilets jaunes. Peu d’agressivité anti-politique de leur part, sauf venant d’un petit noyau marginal de fachos, une vraie convergence des luttes et des revendications excellentes, à base de revalorisation du SMIC, de lutte contre les taxes type TVA, de volonté de vivre dignement de son travail et pas de mendicité ou d’aides à la survie.

Après un conséquent tour dans le calme, la manifestation officielle (déclarée en préfecture) s’est terminée en ville comme convenu : les 3/4 de la manifestation ont alors poursuivi en direction du rond-point de Bagnols-sur-Cèze, occupé par les Gilets jaunes. Le parcours un peu long a fait que certainEs ont abandonné en route, mais plusieurs centaines de personnes ont toutefois rejoint le fameux rond-point : convergence concrète, prises de parole, solidarité et fraternité, un bon feu, des barricades et des camions qui interdisent la circulation. Un truc bien sympa donc…

Nîmes

Rassemblement le 1er décembre à 11 heures devant la préfecture, organisé en quelques jours à l’appel de la CGT. Environ 300 personnes se sont déplacées, principalement des militantEs CGT. L’an dernier il n’y avait rien eu pour la manif précaires chômeurs. Très peu de Gilets jaunes. 

À 14 heures, manifestation des Gilets jaunes au départ du stade des Costières. 2 000 à 3 000 personnes ont défilé jusqu’à la préfecture. Tête de cortège : des motards suivis par des tracteurs (ces derniers occupent un rond-point dans un village à la sortie de Nîmes depuis le 17). Derrière, la manifestation avec deux banderoles : « Pour nous, pour vous » et « Pour vivre et non survivre ».

Les personnes présentes le matin n’avaient pas l’air d’être revenues pour cette manifestation. Présence du groupe FI local avec un tract. Les slogans : surtout la Marseillaise ou Macron démission. Quelques drapeaux bleu-blanc-rouge ou régionaux. 

Les Gilets jaunes occupent des ronds-points dans les deux principales zones industrielles de Nîmes, nuit et jour. Ils filtrent les voitures et retiennent plus ou moins longtemps les camions, qui jouent le jeu. Sur l’un des deux ronds-points, ce sont les salariéEs de l’une des entreprises qui ont lancé l’occupation. L’idée est bien de bloquer l’économie. Certains supermarchés ont des rayons vides…

Des réunions d’organisation se déroulent sur ces deux lieux. On y parle beaucoup de se structurer, de nommer des porte-parole locaux, départementaux.  

Drôle d’ambiance dans la ville avec les accès ou sorties d’autoroutes ­fermés et des stations-essence fermées.