Entretien. Renaud Delacroix est salarié de AIDES et délégué syndical SUD Santé Sociaux. Avec lui, nous revenons sur la lutte des salariéEs de l’association contre le plan social imposé par la direction.
Peux-tu revenir sur les raisons de la mobilisation des salariéEs de AIDES ? Après avoir annoncé en septembre dernier la suppression de la prime annuelle commune des salariés (soit une baisse de 6 % de la rémunération annuelle), la direction a présenté juste avant Noël un PSE (« plan de sauvegarde de l’emploi ») prévoyant 65 suppressions de postes sur 460 salariéEs. Dans son premier communiqué, la direction, pour justifier son PSE, écrit que les « financements publics sont en baisse constante depuis 3 ans ». Mais dans sa note officielle présentant le PSE, cette même direction écrit l’exact contraire : « on constate une augmentation de + 434K € entre 2010 et 2013 du total de nos financements publics ». Plus largement, les ressources de AIDES sont passées de 36,8 millions en 2009 à 40,6 millions en 2013 (+ 10,5 % !). Oui, AIDES subit, comme toutes les associations, l’austérité gouvernementale avec des subventions beaucoup plus contraintes (tarification à l’acte), mais c’est bien la faiblesse de pilotage de la direction qui est à l’origine de la crise actuelle. Ce PSE aurait tout à fait pu être évité. Mais pour cela, il aurait fallu que la direction tienne compte des recommandations des représentants du personnel au CCE depuis 2008, ainsi que de recommandations extérieures, en particulier sur la gestion financière et la politique salariale (Cour des comptes, et SECAFI pour le CCE).
Au-delà du PSE, la façon dont se comporte la direction cristallise aussi visiblement la colère. Peux-tu nous en dire plus ? Par où commencer ? Bien sûr, l’incapacité de la direction à anticiper : en juin dernier, dans son discours au congrès, le directeur général annonçait « une période d’accalmie structurelle (…) et de simples ajustements structurels pour peaufiner notre merveilleuse association »… Les futurs licenciéEs apprécieront… Une politique salariale inégalitaire en contradiction complète avec nos principes : les 10 plus hauts salaires ont augmenté de 37 % en 4 ans alors que ceux des animateurs de terrain ne prenaient que 9,8 % sur la même période, avec un directeur général qui touche 143 762 euros en 2012 ! Ce qui ne l’empêche pas de citer Che Guevara dans ses discours… Et dans son PSE, la direction ne programmait que le minimum légal pour les indemnités de départ des personnels licenciés… Il aura fallu deux grèves, une intersyndicale unie et offensive pour que la direction accepte de revenir à la table des négociations avec d’autres propositions.
Quelle est l’attitude de Marisol Touraine dans ce conflit ?Depuis l’annonce du PSE mi-décembre, l’intersyndicale a écrit à la ministre à plusieurs reprises pour demander un rendez-vous, celle-ci n’a pas daigné nous répondre… Rien, pas un retour. Malgré nos relances, la ministre n’a jamais pris publiquement position.
Comment vois-tu la suite ?Les négociations viennent de reprendre, et nous comptons bien obtenir de la direction qu’elle revoit largement sa copie, tant sur les indemnités de licenciement que sur le nombre de postes supprimés. Notons que, depuis le début du conflit, les quatre syndicats présents à AIDES (SUD, CFDT, FO et CGT) présentent un front uni face à la direction. De plus, de nombreux volontaires de l’association sont avec nous et refusent eux aussi ce PSE. Il est encore trop tôt pour savoir comment tout cela va évoluer. Mais il est certain qu’il y aura un avant et un après PSE. Les salariés et de nombreux volontaires n’ont plus aucune confiance dans cette direction. Alors on continue la bataille…
Propos recueillis par Manu BichindaritzPlus d’info : http ://aideslaverite.free.fr