Publié le Dimanche 17 mars 2013 à 17h23.

Chômage : deux poids, deux mesures

Les conséquences de la fusion ANPE-ASSEDIC peuvent être dramatiques car obliger les ex-ANPE à faire de l'indemnisation renforce les risques d'erreurs, mauvais calculs, retards de paiement, sommes à rembourser, manque de souplesse dans l'application de la législation… C’est bien Pôle emploi qui est responsable du désespoir de Djamel Chaab qui s’est immolé devant son agence à Nantes.S’il existe bien une législation précise, il y a aussi une façon d’appliquer les règles, une « marge de manœuvre » qui aurait très bien pu prévaloir dans ce cas de « trop-perçu ». Pôle Emploi, qui fait toujours preuve de grande « compréhension » quand il s’agit de détourner la loi pour mieux servir les patrons, devient impitoyable quand il s’agit d’un chômeur ! L’Évaluation en milieu de travail (EMT) est une première forme de détournement : « faire découvrir un métier ou vérifier sa qualification ». L’EMT se transforme régulièrement en CDD non payé où le privé d’emploi aura souvent des frais (déplacements, repas, vêtements) quand le patron sera, lui, « dédommagé » de 2 euros de l’heure multipliés par 70 heures possibles. Dans les 3/4 des cas, les chômeurs participent bel et bien à la production (supermarché, agroalimentaire, restaurant…), comme ce travailleur handicapé qui travaille tous les vendredis pendant un mois au Mac Do du coin. Rien qu’en Bretagne, 9 000 EMT en 2011 ! Autre détournement, l’Aide à la formation préalable à l’embauche : l’entreprise doit déposer une offre d’emploi et l’État l'aide si aucune candidature ne peut lui être présentée. En réalité, nombre d’entreprises en bénéficient sans avoir déposé d’offre d'emploi concernant des métiers a fort chômage et qui demande peu de qualification. Les « grandes enseignes » ont même droit à des accords-cadres avec Pôle emploi pour les « aider » à embaucher. L’entreprise ne paye rien, les stagiaires continuent à toucher leurs allocations (pour les 40 % qui en ont… sinon l’État verse une aumône pendant la « formation »), et l’entreprise ne peut s’engager que pour un CDD de 6 mois. En cas de non-respect, on lui interdira – rarement – d’avoir à nouveau recours à cette « aide ». Un nouveau contrat précaireDernier exemple : « Emploi d’avenir », CDD d’un an renouvelable deux fois. Premier contrat « marchand » (privé) signé dans une entreprise bretonne : l’article de Ouest France du 7 mars est édifiant, article intitulé « M. taille son avenir dans le granit » ! L’entreprise spécialisée dans la taille de granit embauche un jeune… qui a son CAP de tailleur de pierre. Le sous-préfet qui s’est déplacé pour l’occasion, ment effrontément : « on est dans la transmission du savoir-faire pour un emploi pérenne ». La patronne de la boîte, elle, a le sens de l’humour : « c’est du gagnant-gagnant » ! L’État va payer 35 % du salaire du jeune, alors qu’il est déjà qualifié, en échange d’un contrat précaire dans un boulot très dur physiquement où les ouvriers sont « cassés » à moins de quarante ans ! Nous devons enrayer le rouleau compresseur, dénoncer toutes les dérives, tous les cadeaux que l’institution Pôle emploi fait aux patrons sur ordre du gouvernement. Construire une convergence chômeurs-agents-travailleurs, nous sommes quelques-unEs à Pôle emploi à y travailler, avec le soutien bien timide des directions syndicales qui donnent souvent la priorité aux relations institutionnelles. Ce n’est pas dans les Comités d’établissement et autres « expertises pour risques psycho-sociaux » que l’on commencera à relever la tête. Le NPA doit prendre toute sa place dans ces combats dans une période où malheureusement de nombreux travailleurs vont venir grossir les rangs de « l’armée de réserve » indispensable au capitalisme. Fabienne Serbah