Les congés payés, le droit au loisir et à l’oisiveté sont une des plus vieilles et des plus importantes revendications du mouvement ouvrier. Gagné de haute lutte, le droit aux vacances est aussi un petit peu de temps que les travailleuses et les travailleurs reprennent sur leur aliénation quotidienne.
Dès juin 1936, les vacances sont liées non seulement à l’arrêt du travail mais aussi à la possibilité de « partir » de chez soi pour aller passer ce temps libre au soleil, à la mer, la montagne, la campagne. Bref, rompre avec son quotidien. Mais les vacances sont pourtant encore le moment et le lieu des inégalités sociales les plus fortes et les plus symboliques.
D’autres horizons ?
Certes, dans la majorité des métiers et des statuts elles restent un droit et une obligation légale qui les rendent accessibles à la plupart. Cependant, elles ne sont pas nécessairement synonymes de départ pour une autre destination, proche ou lointaine, qui permet de changer de lieu, de quotidien et de découvrir d’autres horizons.
Cette année, plus encore que la précédente, une majorité des classes populaires ne partiront pas. L’Observatoire des inégalités pointe ainsi dans sa récente étude un taux de départ en vacances de 54 % selon les données de janvier 2022. Mais cette moyenne, en baisse ces vingt dernières années, et en particulier depuis le début de la crise covid, cache des inégalités encore plus fortes selon les catégories sociales. Tandis que 72 % des revenus supérieurs à 2 755 euros partent en vacances, ce sont seulement 37 % des personnes gagnant moins de 1 285 euros qui peuvent partir.
50 % des personnes qui renoncent à partir en vacances le font pour raisons financières
Sans surprise, partir en vacances, surtout en famille, coûte cher, et la moitié des personnes qui y renoncent, déclare le faire pour des raisons financières. Mais la pauvreté n’est pas la seule raison : pour partir il faut déjà avoir des vacances ou pouvoir les prendre sans risquer de perdre son emploi. Les emplois les plus précaires n’ont bien souvent que peu ou pas de droit aux vacances et sont beaucoup plus sensibles aux pressions patronales. Il en va de même d’une large partie des travailleurEs « indépendantEs » uberiséEs et qui ne peuvent se permettre une perte de revenus par l’arrêt de leur travail.
Une large partie des jeunes scolariséEs sont également contraints financièrement de travailler sur le temps des vacances scolaires, et sont tributaires de leur famille. La charge de la famille et notamment la responsabilité d’un ou de proches en perte d’autonomie pèse évidemment aussi. La question de l’autonomie et du validisme est d’ailleurs au centre de ces inégalités : 16 % des personnes expliquent en effet que la maladie et les handicaps les empêchent de partir.
Si les médias se répandent en reportages lénifiants sur « les vacances des Français », il ne faut pas oublier que la crise et les injustices de ce système continuent de se creuser, en particulier sur ces questions. Les vacances ne sont pas un luxe, mais bien un droit nécessaire pour toutes et tous.