« Et de droite, et de droite ». Les cinq ordonnances publiées le 31 août reprennent trois fondamentaux du Medef : détruire les outils de défenses des salariéEs des prud’hommes aux institutions représentatives du personnel, annihiler le Code du travail par l’inversion de la hiérarchie des normes, faciliter encore plus les licenciements.
S’il fallait encore se convaincre de la gravité des attaques contenues dans les ordonnances, il suffirait de constater la satisfaction du Medef ou d’écouter le commissaire européen « en charge de l’euro et du dialogue social » (sic) se féliciter de la nouvelle loi travail en France, « qui répond directement à l’analyse de Bruxelles sur les rigidités de l’économie française ».
Macron veut frapper vite et fort
Macron prévient dans l’entretien qu’il vient de donner au Point : ce n’est qu’un début. Éducation, logement, assurance chômage... rien ne doit échapper à la contre-révolution néolibérale.
Frapper vite et fort : telle est la méthode. Mais aussi spectaculaire soit-elle, elle n’efface pas l’illégitimité du gouvernement. Macron et son parti-entreprise constituent temporairement l’outil politique adéquat pour prendre le relais du PS et de la droite et poursuivre le travail entamé dans les gouvernements précédents dont la brutalité avait précisément provoqué l’usure du personnel et des appareils en place. « La France n’est pas réformable » se plaint Macron. Une autre façon de dire que les politiques néolibérales se heurtent toujours à de fortes résistances.
Pourtant, en cette rentrée, ces résistances manquent cruellement d’une stratégie pour s’unir et gagner.
Le front syndical est plus faible que contre la loi El Khomri. Alors que le gouvernement n’a même pas sauvegardé ne serait-ce que l’apparence du « dialogue social » pourtant tant vanté, alors que toutes les « lignes rouges » annoncées ont été franchies, ce n’est visiblement pas suffisant pour que, hormis la CGT, Solidaires et quelques instances de FO qui refusent la position « en retrait de la contestation » adoptée par la confédération, les organisations syndicales se décident à mobiliser.
Construire un rapport de forces global
La première bataille à gagner est de convaincre qu’il est possible de faire reculer le gouvernement, convaincre que, malgré le verrouillage institutionnel des ordonnances, il est possible de les faire retirer, comme le mouvement de la jeunesse en d’autres temps avait fait retirer le contrat première embauche.
Cette possibilité est affaire de rapport de forces global. Elle dépend de notre capacité à faire éclater une crise politique qui empêche Macron d’appliquer son programme et celui du Medef. Une telle crise politique ne peut être que le fruit de la convergence de plusieurs facteurs, de grèves évidemment, d’un mouvement puissant de la jeunesse, de l’irruption de l’aspiration démocratique bafouée par le hold-up électoral de Macron, de toutes les formes d’auto-organisation, de réappropriation de la parole et de la politique.
Aucun terrain ne doit être délaissé. La contre-révolution néolibérale est aussi autoritaire, elle inscrit l’état d’urgence à perpétuité dans le droit commun, elle utilise et alimente le racisme et l’islamophobie ; l’arbitraire et les violences policières sont au cœur de sa stratégie contre le mouvement social et contre les quartiers populaires. Ce combat pour les libertés, dont la prochaine étape est la réussite des manifestations du 10 septembre contre l’état d’urgence est l’affaire de touTEs.
Une contre-offensive unitaire et prolongée
L’urgence est de construire un front commun de lutte, un front de résistance sociale et démocratique, d’unir toutes les forces syndicales, politiques, associatives, militantes, de faire converger tous les secteurs des salariéEs du privé comme du public, précaires, privéEs d’emplois et retraitéEs, jeunes... pour préparer et réussir la journée de grève et de manifestations du 12 septembre dans un premier temps et pour engager une contre-offensive unitaire et prolongée. Pour cela, il faut d’autres échéances de mobilisation, d’autres rendez-vous, d’autre dates de manifestation, fixées et construites en commun. De ce point de vue, la division des tâches actées par La France insoumise, avec la manifestation du 23 septembre, est contre-productive. Nous devons construire partout, du local au national, les outils de mobilisation unitaires et fédérateurs.
Christine Poupin