La DRH de la start-up Nation l’avait promis : les ordonnances, c’est bon pour l’emploi. Avec la publication, le 22 décembre dernier, du décret « relatif à la mise en œuvre des ruptures d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif », le patronat a trouvé, avec la rupture conventionnelle collective, un moyen de se passer des plans de licenciements, dont la contestation judiciaire est pourtant devenue résiduelle suite à la loi de « sécurisation de l’emploi » de 2013.
Ce nouveau dispositif fait suite au « succès » de la rupture conventionnelle individuelle, qui a précipité dans le chômage, depuis sa création en 2008, près de trois millions de salariéEs (et dont l’employeur est à l’origine huit fois sur dix). Le procédé s’apparente au Canada Dry : ça ressemble à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mais sans obligation de motivation économique, ni de reclassement et en allant plus rapidement. Le rêve !
Plus encore, en confiant à l’administration du travail le soin de les homologuer, tout comme leur grande sœur (seules 5 % sont refusées), les futures ruptures collectives seront juridiquement sécurisées, contrairement aux plans de départs volontaires, et il ne sera en outre plus nécessaire d’attendre un an pour pouvoir réembaucher derrière.
Effet d’aubaine
L’encre du décret à peine sèche, la mesure fait déjà flores : c’est l’enseigne d’habillement Pimkie qui annonce la veille de Noël vouloir y recourir avec une première réunion qui a eu lieu le 8 janvier, suivie par PSA et l’hebdomadaire les Inrockuptibles. Pas sûr, cependant, qu’elle rencontre le même enthousiasme du côté des syndicats, d’autant qu’un accord majoritaire sera nécessaire : tout d’abord parce que ce n’est pas pareil de faire face à des destructions d’emplois que d’y être pleinement associé et que, de plus, les syndicats sont plus souvent attachés aux conditions financières de départ des futurs licenciéEs qu’à la défense de l’emploi, et que le compte risque de ne pas y être, la seule obligation légale étant de verser à ces derniers l’indemnité conventionnelle de licenciement.
De même pour les salariéEs qui n’auront pas accès, contrairement aux autres plans précités, à la convention de sécurisation professionnelle qui assure le maintien du salaire net pendant un an. Ce qui est certain, c’est que les ordonnances vont entraîner une envolée des licenciements, à commencer chez Carrefour, premier employeur privé du pays, qui annoncera son plan de transformation le 23 janvier prochain et ce alors que, dans le même temps, les droits des chômeurEs seront sur la table : la contradiction promet d’être explosive.
Faisons un vœu
Et si le débat suscité autour de cette mesure permettait de relancer la mobilisation contre la loi Travail XXL ? D’abord parce que la procédure parlementaire nécessaire à lui donner une pleine valeur législative n’est pas close (discussion au Sénat du 22 au 25 janvier). Ensuite parce que des mobilisations, souvent longues et déterminées, qu’elles soient locales (Vélib’, Sodexo, Holiday Inn, Mc Donald’s ou Onet) comme sectorielles (commerce, ONF ou dans les EPHAD), ne manquent pas dans la période. Aussi, rien de plus faux que de prétendre que les salariéEs ne veulent pas se battre, c’est bien en haut qu’il y a un problème de stratégie ! Ce vaste mouvement de grèves invisibles n’est pourtant pas sans rappeler celui qui a précédé un certain printemps 1968…
L’explosion sociale, seule à même de mettre un terme à l’offensive contre nos droits, qui va résulter tôt ou tard de l’application de ces mesures et de celles à venir, encore faut-il la préparer et pas seulement l’appeler de ses vœux : le Front social, en proposant une journée d’action décentralisée samedi 20 janvier en direction du patronat pour reprendre « tout ce qu’ils nous ont volé », participe de cette volonté en répondant à l’émiettement des mobilisations par le regroupement de ceux et celles qui luttent, sans sectarisme ni arrière-pensées.
LD