« Selon vous, faut-il dissoudre l’association Attac ? » C’est – sans détour – la question posée lundi aux lecteurs du Figaro qui, comme souvent, pousse la logique du concert des plaintes et indignations sélectives jusqu’au bout… Deux jours plus tôt, une trentaine de militantEs de l’association altermondialiste habillés en combinaison blanche avaient osé asperger de gouache noire les vitrines flambant neuves de la Samaritaine, grand magasin du géant du luxe LVMH récemment rouvert au cœur de Paris. Ils avaient aussi déployé une banderole géante « Le Gang des Profiteurs – Faisons payer les #ProfiteursDeLaCrise » et collé une affiche avec une photo de l’intéressé : « Bernard Arnault, PDG de LVMH, + 62 milliards d’euros pendant la crise ».
Toutes les vérités ne semblent visiblement pas bonnes à dire, malgré le fait que personne ne peut contester le chiffre avancé. « Un acte de vandalisme », selon les mots de la maire de « gauche » de Paris, Anne Hidalgo, qui rejoint ainsi la présidente de région de droite, Valérie Pécresse : « Ce n’est pas en attaquant nos champions nationaux, créateurs d’emplois et moteurs de l’attractivité dans le territoire, que nous aurons plus de justice sociale ! » Le tout dans un concert de prises de position où pas une voix, du PS à la droite en passant par la macronie, n’aura manqué pour apporter son soutien… au pauvre milliardaire mis en cause.
Pourtant, comme le disait un célèbre révolutionnaire, les faits sont têtus. Comme l’avait déjà montré une note publiée par Oxfam et Attac, la richesse des milliardaires français a augmenté de 68 % depuis 2020. Et au 1er juin 2021, ils totalisaient 492 milliards d’euros de patrimoine, soit l’équivalent de près d’un cinquième du PIB français ! De plus, en dépit de la crise dont elles savent visiblement tirer profit, les entreprises du CAC 40 ont versé 51 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit une augmentation de 22 % des dividendes en 2020. C’est dans ce cadre que LVMH va verser 3 milliards d’euros de dividendes, soit une hausse de 25 % par rapport à l’année précédente, avec 1,5 milliard d’euros pour la seule famille Arnault qui détient la moitié des actions du groupe ! Pas mal pour des champions de l’évasion fiscale (27 % des filiales de LVMH sont dans des paradis fiscaux) qui s’apprêtent pourtant à diminuer leurs effectifs de 13 000 emplois…
Des chiffres écœurants pour une énième démonstration des inégalités qu’engendre un système avec lequel il est urgent de rompre. Et, en passant, de virer tous ces politiciens qui veulent légitimer l’injustifiable...