Alors même que le gouvernement annonçait sur un mode catastrophiste le « creusement abyssal des déficits sociaux », il a fait adopter cet été par le parlement la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale. Ce nouveau « risque social », censé couvrir la compensation de la perte d’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées (la « dépendance ») a été mis en place, sans définir aucun mode de financement.
Laurent Vachey, inspecteur général des finances et ancien directeur de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) a été chargé par le gouvernement de faire des propositions pour combler cette lacune. Il vient de remettre, le 14 septembre, son rapport pour trouver les six milliards d’euros jugés nécessaires d’ici 2024.
Plusieurs media ont pris connaissance de ce document non public et en ont révélé le contenu. Comme souvent, l’organisation de telles « fuites » permet au pouvoir de mesurer les réactions à des mesures sensibles. L’exécutif veut ainsi « prendre la température » avant d’ajuster les décisions qui figureront dans la loi « grand âge et autonomie » débattue prochainement.
Sans surprise et loin de la nécessaire prise en charge solidaire du grand âge et du handicap, les propositions du rapport Vachey, si elles étaient retenues, marqueraient une nouvelle étape dans le démantèlement de la Sécurité sociale.
Dans ce catalogue, les « ainéEs » sont particulièrement viséEs. Le calcul de l’allocation compensant la perte d’autonomie (APA) prendrait en compte, désormais, la valeur de la résidence principale de la personne, réduisant le nombre des bénéficiaires et le montant des prestations. De même les conditions d’attribution de l’AAH (Allocation Adulte Handicapé) seraient durcies. Seules les personnes âgées dépendantes bénéficieraient désormais de l’exonération de cotisations sociales pour l’emploi d’une aide à domicile, et non plus toute personne de plus de 70 ans. Le plafond d’abattement de 10% sur les pensions de retraite dans le calcul des impôts serait supprimé. Enfin, poursuivant sur la lancée du début du quinquennat – interrompue par la mobilisation des Gilets jaunes –, la CSG des retraitéEs « les plus aiséEs » serait alignée sur celle des actifs/ves et passerait de 8,3 à 9,2. Le rapport souligne lui-même que cette hausse « poserait une question d’acceptabilité politique ».
RetraitéEs responsables, donc taxables
Il n’est pas étonnant, dans ce contexte, d’entendre monter une petite musique : s’il est nécessaire, face au COVID, de protéger les personnes « les plus fragiles », n’est ce pas, justement, à cause d'elles que l’économie a été à l’arrêt pendant deux mois et peine à redémarrer ? Ces gens-là ne sont-ils pas un peu responsables du marasme économique ? Or ils sont pour l’instant les seuls à ne pas contribuer à « l’effort » pour sortir de la crise. Leurs pensions n’ont pas baissé, alors que bien des salariéEs ou indépendantEs ont perdu tout ou partie de leurs revenus, et que les jeunes ne trouvent pas d’emploi. Ne serait-il pas « équitable » qu’ils et elles apportent aussi leur contribution et se serrent encore un peu plus la ceinture ?
Ces tentatives de faire payer la crise à celles et ceux qui en sont les victimes et de semer entre elles/eux la division pour occulter les véritables responsabilités doivent être combattues. Et cela dès aujourd’hui, au moment où les milliards pleuvent pour renflouer le Capital, sans la moindre contrepartie, et où les plans de licenciements se multiplient.
Oui, il faut une prise en charge intégrale de la perte d’autonomie par la Sécurité sociale. Elle passe par la création d’un service public de la perte d’autonomie financé à 100% par la Sécurité sociale. Les ressources de cette dernière doivent provenir exclusivement des cotisations sociales versées par les employeurs, et non des impôts et taxes payés avant tout par les salariéEs actifs ou retraitéEs et par celles et ceux qui vivent de leura travail.