Dans les années 2000, il y avait deux usines Ford, à Blanquefort près de Bordeaux. Celle où travaillait Philippe Poutou produisait des boîtes de vitesse automatiques et a fermé le 30 septembre 2019 après une lutte de plusieurs années. La seconde, l’usine MMT-B qui produisait des boîtes de vitesse manuelles, a été revendue par Ford en 2021 à une firme canadienne qui s’est empressée de la céder à des vautours d’un fonds d’investissement.
À la suite du désengagement complet de Ford, une chute brutale des commandes est prévue dès 2024. Le site qui a compté jusqu’à 1 200 salariés n’en emploie aujourd’hui que 500. Suppressions d’emplois, « plan social » et projets de diversifications bidon se profilent à l’horizon. Notamment, le projet le plus solide financièrement semble résider dans l’immobilier, vente de terrains et de surfaces industrielles. La réindustrialisation à la sauce Macron !
Sauver des emplois ?
Sauver les emplois est bien sûr la première préoccupation des travailleurs et du syndicat CGT de l’usine. Dans ces moments d’incertitude, des repreneurs plus ou moins bien intentionnés se profilent, pouvant entretenir l’espoir parmi les salariéEs… le plus souvent, sans déboucher sur rien de concret.
Dans ce contexte, le soutien apporté par la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, à un projet de construction de voitures électriques porté par une start-up bordelaise, Gazelle Tech fait le buzz : la CGT championne des voitures électriques !
L’électrique comme solution ?
Pour l’heure, ce projet n’en est qu’au stade du prototype. Avec un poids inférieur de moitié à ceux des véhicules proposés par les grandes marques et un objectif de prix équivalent à celui de la Renault Dacia électrique (le modèle le moins cher, fabriqué en Chine), le projet veut aller à contre-courant des tendances actuelles. Encore faut-il ensuite passer de la phase prototype à la production en série, puis à la vente dans le marché d’aujourd’hui… avec des « vrais » travailleurEs qui exigent emplois et salaires pour vivre. Et la meilleure des garanties pour y aboutir serait d’imposer des moyens de contrôle par les salariéEs sur le fonctionnement de l’entreprise, emplois et salaires.
La critique du capitalisme est toujours à l’ordre du jour et le mouvement ouvrier a trop longtemps été abusé par le productivisme pour ne pas tomber aujourd’hui dans la fascination pour les véhicules électriques. Il est en effet avéré que de l’extraction des matières premières jusqu’à la casse en passant par la consommation d’électricité pour rouler, les voitures électriques aussi sont fauteurs de multiples dégâts pour l’environnement. La voiture électrique individuelle ne saurait être une solution globale aux déplacements.
Qui ne remplace pas la mobilisation
La transformation de la filière automobile engagée pour ne produire en Europe que des voitures électriques en 2035, ne peut pas être distinguée de l’éclatement des statuts et conventions collectives, à l’exemple de Renault qui en profite pour organiser son propre démantèlement. Est aussi posée l’exigence de la réduction du temps de travail car une voiture électrique est plus rapide à fabriquer. Ce sont des enjeux pour toute la filière automobile. Alors que les salaires continuent de stagner et que les restructurations continuent de plus belle, il n’y a pas de raccourci pour changer le rapport des forces en faveur des salariéEs. Quitte à trouver des solutions nouvelles pourquoi ne pas regarder du côté des États-Unis où une grève menée en même temps contre les trois principaux constructeurs automobiles démontre toute son efficacité.