Pourquoi, dans les luttes sociales, la solidarité ne pourrait égaler l'aide spontanée et massive manifestée lors de catastrophes naturelles ou humanitaires ?
C'est la question que s'est posée le Collectif pour une alternative au libéralisme - Marseille Est (le Calme). Prenant exemple sur les 1600 euros collectés, en une heure, pour les caissières de Carrefour, à Marseille, le Calme a créé un site internet, www.solidarites.soutien.org, où l'on peut manifester sa solidarité, y compris financière, aux luttes en cours. Vève Guinot, membre du collectif, nous explique son fonctionnement.
En deux mots, comment cela fonctionne-t-il ?
Pour les donateurs, il faut s’inscrire sur le portail des luttes. Cela permet de développer le portail et d’avoir des informations sur les nouvelles luttes et sur l’avancée de celles en cours. Ensuite, pour faire un don, il faut choisir une lutte dans le « panorama des luttes » et choisir le montant du don. La particularité et l’efficacité résident dans le paiement en ligne par carte bancaire, le tout étant extrêmement sécurisé. Pour les travailleurs qui veulent inscrire une lutte, nous avons rédigé un contrat avec des juristes (légalité oblige) pour définir les obligations de chacun. Après un premier contact, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui inscrivent ce qu’ils souhaitent pour présenter leur lutte (tracts, photos, commentaires). Cet espace leur appartient, et ils peuvent l’alimenter à leur guise. Nous nous devons d’être irréprochables à l’égard des donateurs, des travailleurs et des organisations qui se sont inscrits sur le site. On a donc pris beaucoup de précautions concernant les questions financières. Chaque boîte en lutte doit fournir un RIB pour la lutte (celui des syndicats ou des unions locales, du comité d'entreprise ou du comité de grève). Les sommes perçues sont virées automatiquement par la banque (tous les 50 euros, environ), directement sur le compte de la lutte, et apparaissent immédiatement sur le site, visibles par tous. Les travailleurs décident eux-mêmes de l’usage de l’argent reçu.
On vous connaît comme groupe de militants qui ont été dans tous les collectifs unitaires, ensemble, dans tous les combats et les quartiers est de Marseille, dont celui des Nestlé. Comment avez-vous fait pour faire connaître votre idée plus largement ?
C’est vrai que le fait d’avoir, d’entrée, la confiance d’un certain nombre de responsables syndicaux et politiques dans la région, qui savaient qu’on n’était pas des guignols, nous a permis d’avoir un très bon accueil de la part des unions départementales. Maintenant, certains militants nous téléphonent en nous disant d’aller voir, ici ou là-bas. On a envoyé notre projet à toutes les confédérations. On ne se présente pas comme une caisse de grève, mais une caisse de solidarité, on n’est pas ressenti comme « concurrents », mais comme un outil utile à tout le monde et subversif. Sur les Bouches du Rhône, la CGT a été la première à comprendre l’intérêt d’un tel projet, et la réparation navale (UNM) s’est inscrite rapidement.
On envoie, sans relâche, des informations à la presse. On a eu des articles sympas dans la plupart des journaux, dont Politis, l’Hebdo et l’Huma. Mais c’est surtout l’interview sur le site de Rue 89 qui a fait bondir les inscriptions. On est passé de 600 visites du site, en mai, à 1200 en juin. Après l’article, on a eu une quinzaine d’inscriptions nouvelles, dans les jours qui ont suivi. Il est impératif de s’inscrire pour le développement du portail, même si on ne peut pas faire de don.
Comment êtes-vous reçus ? Comment se passent les contacts avec les boîtes en lutte ?
L’accueil est toujours super sympa, les gens qui sont en lutte sont vraiment contents de voir qu’on pense à eux. Ce qui nous frappe le plus, c’est l’étonnement des travailleurs, quand ils voient la solidarité manifestée face à leur isolement et leur désarroi. On voit des luttes de toutes sortes : depuis la réparation navale (UNM, à Marseille), organisée et politisée, jusqu’à des petites boîtes dans des petites villes, pratiquement pas syndiquées, qui nous demandent des conseils pour mener la lutte. On se pose des questions pour trouver des formes de lutte nouvelles, comme Lithotech, à Rognac, une petite boîte d’imprimerie en train de fermer, dont la direction avait embarqué les machines pour délocaliser. Ils ne voulaient pas faire grève, car la direction n’attendait que ça pour fermer. Comme ils cherchaient des moyens de pression pour négocier leur départ, ils se sont inscrits sur le portail, juste pour informer. Puis, ils sont allés à Paris pour rencontrer le conseil d’administration, qui devait déposer le bilan, et négocier le plan social. Ils ont aussi fait appel à la solidarité financière, et ça a marché.
Et maintenant ?
Il faut que le portail prenne une dimension nationale. Maintenant, c’est aux militants qui pensent que ça vaut le coup de faire savoir que cet outil existe, de donner l’adresse, parfois d’aider les boîtes en lutte à écrire leur présentation, faire des photos, de manière à ce que cette chaine de solidarité s’organise partout et devienne un atout pour toutes les luttes. On peut les situer géographiquement sur une carte de France. On les popularise, grâce à des liens vers les sites de Plus belles les luttes, Résistance sociale, Rouge vif, le Raco, Mille bâbords, les Alternatifs, Le temps des cerises, etc. Il est clair que ces outils participent à l’action pour la convergence des luttes.
Pour plus d'infos : www.solidarites.soutiens.org