Publié le Lundi 24 octobre 2016 à 06h18.

Le 115 : Entre droits, lois et réalités de terrain

L’accueil, l’hébergement et l’insertion des personnes en rupture d’hébergement relève de la compétence principale de l’État. Dans chaque département est créé un service d’accueil et d’orientation, pour une première évaluation sociale, médicale et psychique. Le 115 est le numéro d’appel pour l’accueil des sans-abris...

Les travailleurs sociaux qui répondent aux appels ont pour mission d’accueillir, informer et orienter les personnes. Pour l’hiver 2016, 442 885 demandes d’hébergement ont été effectuées par 66 764 personnes différentes. Par rapport à l’année dernière, le nombre de demandes et de personnes en demande a diminué de 4 %, mais le taux de non-attribution d’hébergement stagne à 57 %. Clairement, les personnes qui n’ont pas de solution d’hébergement restent à la rue, passent des heures à essayer de joindre la ligne. C’est violent, destructeur, et les travailleurs sociaux s’interrogent sur le sens de leurs missions : « Suis-je le pion chargé de dire aux gens qu’on a pas de place ? »

Pourtant, la loi prévoit « un abri pour toute personne en situation de détresse médicale, psychique ou sociale » (Code de l’action sociale et des familles, article L345-2-2). L’absence de réponse en matière d’hébergement contredit aussi la loi dite de « lutte contre les exclusions » (du 29 juillet 1998) qui insiste sur la primauté de l’accès aux droits, notamment la santé et la protection sociale.

Par ailleurs, l’État confie aux départements les missions de protéger les mineurs en danger. C’est « l’aide sociale à l’enfance. » Les personnes qui appellent le 115 ont souvent des enfants, certains en bas âge.

InvisibiliséEs...

Dans de nombreux départements, le principe du « turn-over » se généralise. Chaque demandeur « bénéficie » de quelques heures de mise à l’abri, et « laisse sa place » à unE autre... Une telle pratique est parfois défendue par les administrateurs du 115 : toute personne peut ainsi bénéficier de l’hébergement. Mais les travailleurs sociaux constatent qu’un tel principe est nuisible aux personnes : comment engager des démarches avec la certitude de revenir à la rue quelques heures plus tard ?

Sur le plan du droit, l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence est bafouée : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer dès lors qu’elle le souhaite, et bénéficie d’un accompagnement personnalisé. » (Code de l’action sociale et des familles, article L345-2-3). Et si la carence de l’État est prouvée, il s’agit d’une atteinte à une liberté fondamentale (arrêt du Conseil d’État en 2012).

Les personnes en recherche d’hébergement sont contraintes à une débrouille incessante. La société cherche à les rendre « invisibles ». Ne pas se laisser imposer des politiques de mise à l’écart et d’exclusion, défendre l’accès aux droits, ce sont des valeurs fondatrices du travail social, mais elles sont l’affaire de touTEs !

Sandra (Collectif travailleurs sociaux 76)