Entretien. Le 2 février dernier, à Paris, près de 4 000 salariéEs du social et du médico-social ont crié leur colère face à la politique de destruction du secteur et pour refuser le mépris d’un attribution arbitraire des 189 euros du Ségur. Ils sont partiEs de l’organisation professionnelle des employeurs Nexem pour aller jusqu’à Matignon. Nous avons rencontré Pascal Letertre, co-secrétaire Sud Santé-sociaux Finistère et secrétaire fédéral Sud Santé-sociaux, pour en parler.
La manifestation nationale à Paris était réussie, colorée, joyeuse…
La mobilisation en elle-même est un franc succès, en effet nous avons réussi à réunir à Paris plus de 4 000 salariéEs venues de plus d’une trentaine de départements et de milieux de travail très différents, alors que nous sommes dans un contexte de mobilisation très forte pour la sauvegarde de notre système de retraites. Par contre nous voyons bien que le gouvernement continue à nous mépriser et à nous ignorer, puisque la Première ministre a refusé de nous recevoir, a demandé à notre ministre de tutelle de le faire, mais toujours pas de nouvelles.
En bref nous continuons à rendre le plus visible possible notre combat pour une rémunération et des conditions de travail à la hauteur de la reconnaissance qui nous est due, au niveau du public mais également des politiques et de tous les décideurs. En nous lançant dans ce combat, nous savions que ce serait long, nous ne perdons pas espoir et renforçons nos rangs par l’explication et la démonstration des volontés délétères de nos dirigeants.
Comment êtes-vous organiséEs ? Rencontres, syndicats ?
Au niveau national, le collectif des rencontres nationales du travail social en lutte permet de coordonner l’ensemble des acteurs du mouvement, les collectifs locaux, les syndicats nationaux et les travailleurs syndiqués ou non. C’est lors de ces rencontres que sont décidées les dates de mouvements locaux ou nationaux, mais également où sont élaborés l’ensemble des tracts, communiqués de presse et tous les documents servant à la communication. Ce sont des moments importants pour développer nos revendications, en débattre et valider les orientations. Les syndicats de lutte, dont le nôtre, sont très présents et apportent des moyens logistiques et financiers
Nos conditions de travail sont vos conditions d’accueil. Qu’est-ce que cela veut dire, la destruction du social ?
Notre crainte la plus forte est bien sûr que l’État jette en pâture nos métiers et nos structures au privé lucratif. Bien sûr, ils ne sont pas assez bêtes pour le faire directement, leur mode opératoire est beaucoup plus insidieux et perfide. Les décideurs utilisent les mêmes techniques que pour la destruction du public, par une approche technocratique imbibée de novlangue, ce qui a pour effet de rendre incompréhensibles toutes leurs manipulations. Tout ne devient que chiffres. Nous ne pouvons que difficilement combattre un ennemi que l’on ne peut définir. L’exemple ultime pour notre branche est bien sûr l’arrivée de la tarification à l’acte (SERAFIN-PH) qui a pourtant mis à genoux notre système de santé, et également la volonté de la mise en place de la rémunération au mérite qui permet de différencier tous les salaires, de les rendre incomparables et donc de ne pas pouvoir revendiquer en bloc des augmentations. La fin des métiers, le début de l’individualisation à outrance, la fin d’un monde social et l’arrivée du capitalisme dans les métiers de l’humain.
Propos recueillis par Janine Carrasco