Publié le Mercredi 15 avril 2020 à 12h00.

Le quotidien d’une aide-soignante en Ehpad : entre exploitation au travail et humiliation par la police

Peux-tu te présenter et nous parler de ton quotidien en EHPAD ? Je suis étudiante-infirmière de 19 ans en première année à Toulouse et, en cette période de Covid-19, je fais des remplacements en tant que faisant fonction aide-soignante au sein d’un EHPAD. Nos horaires de travail habituellement répartis en 7 h, de 6 h 45 à 13 h 45 ou de 13 h à 20 h, se transforment en journées de 15 h minimum, certainEs soignantEs étant en arrêt de travail dû à la proximité dans leur entourage d’une personne testée positive au Covid-19.

Au niveau des moyens de protection, c’est de plus en plus dur : nous n’avons qu’un seul masque chirurgical pour toute la journée et c’est tout ce que l’on peut espérer ! Nous n’avons pas même de tablier pendant la toilette, alors que c’est obligatoire ! Les infirmières ont à disposition une charlotte et une sur-blouse seulement à réutiliser pour toute la semaine. À la fin de notre journée, nous devons rentrer également avec nos tenues de travail qui sont sales pour les laver à la maison car plus aucune prise en charge du linge n’est possible actuellement. Les résidentEs sont angoissés à la vue des risques que nous leur faisons courir par manque d’équipement, et nous aussi.

Et en plus, il vous faut subir des contrôles de police… En plus de notre travail épuisant physiquement et psychologiquement, nous devons aussi affronter les forces de l’ordre en rentrant du travail. C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui : épuisée à la fin d’une journée de travail, je sortais du métro pour rentrer chez moi quand je me suis fait arrêter par des policiers qui m’ont demandé mon attestation. Je leur présente mon attestation de sortie dérogatoire, mon justificatif de déplacement professionnel fourni par l’EHPAD, ma carte d’identité, ma carte professionnelle ainsi que ma blouse sale et mes chaussures de travail. Malgré tous ces éléments qui justifiaient mon déplacement, ils ont menacé de me verbaliser pour avoir écrit la date au crayon à papier sur mon attestation de déplacement dérogatoire.

J’essaie de leur expliquer qu’étant donné ma situation d’étudiante, je ne peux pas me permettre d’imprimer de nouvelles attestations tous les jours car cela me reviendrait trop cher alors je l’écris au crayon à papier. Cela ne leur a pas suffi, ils m’ont fait attendre dans un coin sans bouger, sous leur surveillance pendant plus de 20 minutes interminables où ils me faisaient remarquer que j’étais « cuite », qu’ils m’avaient « chopée à inventer un parcours héroïque juste pour sortir de chez moi égoïstement » jusqu’à ce qu’ils appellent la directrice de mon établissement qui leur a confirmé que j’étais bel et bien présente au travail. Sans excuse ils m’ont enfin relâchée et laissée rentrer chez moi.

Que demandez-vous ? Cette situation n’est plus possible, il faut que nos soignantEs puissent être testés au Covid-19 afin de pouvoir garantir un rythme de travail stable pour nos collègues et protéger nos résidentEs.

Il nous faut des équipements supplémentaires : des masques et de préférence de type FFP2, des sur-blouses, des charlottes, des sur-chaussures. Et surtout, il faut en finir avec ce flicage permanent qui a pour seul but d’instaurer des rapports violents avec la population et de creuser encore un peu plus les inégalités.