Publié le Mardi 20 mars 2012 à 19h50.

Livre : L’homme réparé. Espoirs, limites et enjeux de la médecine régénératrice (Hervé Chneiweiss)

Praticien hospitalier en neuro-oncologie, titulaire de la chaire de neuropharmacologie au Collège de France, directeur du laboratoire « plasticité gliale et tumeurs » et membre du comité d’éthique de l’Inserm, H. Chneiweiss professe une médecine « de pointe » mais humaniste, soucieuse de la liberté et de la dignité des individus. Son précédent ouvrage, Neurosciences et neuroéthique : des cerveaux libres et heureux (Alvik, 2006), signalait les risques de dictature par contrôle des esprits découlant des progrès de la pharmacie, déjà en germe dans des lois comme celle qu’avait projetée Sarkozy en 2005 en vue de placer sous Ritaline® les présumés « futurs délinquants ». Ce nouveau livre étudie le business du rajeunissement, les techniques récentes d’implant ou d’adjonction de machines, le glissement « de l’homme réparé à l’homme augmenté », et les questions posées par les « molécules de contrôle de l’humeur », les greffes et les cellules souches (sur lesquelles le candidat Hollande déclarait, le 22 février, vouloir relancer la recherche en France, soulevant les tollés de la droite catholique « pro-vie »). Aux États-Unis, explique Chneiweiss, « plus de 1 300 brevets portent directement sur des cellules souches plus ou moins modifiées, leur mode de production et leur usage dans différentes pathologies », certains prétendant au monopole sur « toutes les cellules différenciées d’un organisme adulte ». Pour le médecin, « accorder un brevet de produit sur une potentialité où tout l’effet thérapeutique repose sur une histoire individuelle » n’est pas « breveter la connaissance mais franchir une nouvelle étape de l’appropriation du monde naturel en brevetant cette fois l’ignorance ». Mais à ses yeux, le « formatage systématique des individus » et la « nouvelle forme d’eugénisme » promus par « l’idéologie productiviste » sont aussi les signes d’un « corps social malade ».

Gilles Bounoure

Plon, 216 pages, 19 euros