Ce sont bien des attaques d’une ampleur inégalée, selon la formule consacrée et parfois galvaudée, qui sont programmées par les ordonnances sur le Code du travail présentées le 31 août.
Mais de façon fort inquiétante, l’organisation de la riposte par les organisations syndicales est loin d’être à la hauteur de ces attaques et les initiatives unitaires indispensables pour aider à la mobilisation sont bien difficiles à construire.
Toutes et tous concernés ?
Un premier niveau de difficulté correspond au caractère spécifique des attaques. Certes, il est évident pour une majorité de salariéEs qu’elles font la part belle aux exigences patronales, certaines exprimées depuis longtemps (voir article page 8). Mais, hormis le plafonnement ou la barémisation des indemnités patronales et tout ce ce qui relève de la facilitation des licenciements, ces attaques visent, en première instance, les droits et les moyens des instances représentatives du personnel, et les droits syndicaux avec la possibilité dans les TPE-PME d’un contournement complet des organisations syndicales. Dans une situation de faiblesse des syndicats, en partie cause et en partie conséquence d’une institutionnalisation grandissante, la perception des attaques gouvernementales est le plus souvent confuse, même si aucunE salariéE ne pense que cela aura un effet bénéfique sur la courbe du chômage, objectif annoncé par le pouvoir.
Ripostes ?
Convaincre les salariéEs est un objectif d’autant plus difficile à atteindre dans la suite d’une longue série d’échecs des mobilisations, mais encore faut-il en avoir la volonté. Divisées dans l’analyse du contenu des ordonnances, les organisations syndicales le sont encore davantage sur les modalités d’une riposte.
Pour la CFTC, les « sacrifices » sont globalement incontournables et ne méritent pas d’être combattus. Pour la CFDT, Berger déclare : « Au final, nous sommes déçus. Le gouvernement a raté le coche. » De quel coche s’agit-il ? « Il y a une occasion manquée sur le renforcement du dialogue social. » Pour ces confédérations l’institutionnalisation est la seule voie garantissant leur prospérité ou leur survie. Et tant pis si les ordonnances contiennent « par ailleurs des dispositions négatives pour les salariés » (Berger). Une posture qui laisse hésitante une CFE-CGC très hostile aux contrats de projets qui visent à précariser une grande partie de son électorat. Quant à la FSU, la discrétion est devenue sa marque de fabrique…
Pour Solidaires, exclu du dialogue social, la dénonciation est sans ambiguïté mais les voies d’une mobilisation unitaire restent bien difficiles à trouver.
À Force ouvrière, relativement mobilisée à l’occasion de la loi travail sous Hollande, la direction confédérale a tiré comme bilan de cette dernière mobilisation qu’elle a plus à y perdre qu’à y gagner. Ayant sauvé des prérogatives dans les branches, souhaitant préserver un pouvoir de négociation sur l’assurance chômage et la formation professionnelle, la direction « Mailly » et une partie de l’appareil refusent de s’inscrire dans toute mobilisation. Mais une partie des forces militantes, une quinzaine d’UD, plusieurs fédérations ont déjà annoncé leur participation à la journée de mobilisation du 12 septembre.
En ce qui concerne la CGT, l’opposition aux ordonnances est certes affirmée depuis le départ. Mais pourquoi avoir, depuis trois mois, conforté un « dialogue social » rarement aussi peu dialogue et aussi peu social ? Une caricature confirmée lors de la dernière rencontre bilatérale au cours de laquelle les représentantEs du gouvernement ont « présenté » les ordonnances sans remettre de document. Mais qu’allaient-ils donc faire dans cette galère ? De nombreuses équipes militantes sont l’arme au pied tout en n’ayant pas respecté de trêve estivale.
Le 12 septembre… mais après ?
Les lendemains de cette journée risquent d’être difficile à construire. Si la mobilisation est profonde, engage au-delà des équipes militantes, il sera possible de travailler au prolongement du mouvement. Mais il faudra construire un rassemblement unitaire impliquant les associations, les syndicats, les partis politiques opposés aux ordonnances. Les collectifs Front social, le regroupement unitaire autour de Copernic, y travaillent. Mais l’urgence est grande, d’autant plus que le gouvernement affiche clairement sa volonté d’amplifier ses attaques sur l’assurance chômage, les retraites, etc. En tous cas, les militantEs du NPA seront les plus énergiques défenseurEs du développement de la mobilisation, une mobilisation passant inévitablement par des grèves visant à bloquer l’activité économique.
Robert Pelletier