La journée de mobilisation de la fonction publique du 10 octobre s’est inscrite dans le cadre des manifestations contre les ordonnances et l’offensive tous azimuts du gouvernement.
Plusieurs dizaines de milliers de manifestantEs à Paris, 80 cortèges dans les principales villes du pays regroupant eux aussi, au total, plusieurs dizaines de milliers de personnes. À côté de la CGT (2/3 des présentEs à Paris), la CFDT est apparue largement en dessous et, du coup, au même niveau que la FSU, enfin de retour significativement dans la rue, et plus nombreux mais moins dynamiques que Solidaires.
Tergiversations syndicales
Il faut dire qu’au lendemain de la réunion unitaire du 9 octobre (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC, Solidaires, UNSA, FSU et des organisations de jeunesse) ne débouchant sur aucun rendez-vous commun, l’ambiance n’était pas vraiment à l’optimisme.
En effet, même si l’on n’est pas inconditionnel de l’unité des directions syndicales, l’annonce de l’impossibilité pour celles-ci de trouver une « vision commune » pour la mobilisation contre les ordonnances Macron est un peu désespérante. Et, surtout, risque de renforcer les hésitations, voire le découragement de nombre de salariéEs pour les prochaines échéances de mobilisation.
Une pression qui s’exprime
Pourtant, depuis quelque temps, la pression issue des militantEs et structures de base sur les directions avait pris de l’ampleur. Lors du Comité confédéral national de Force ouvrière, Mailly, mis en minorité, avait dû concéder un changement de stratégie face à l’offensive gouvernementale. Non sans avoir défendu pied à pied sa position en répétant que les ordonnances Macron « ne sont pas la casse du Code du Travail » et qu’« on a obtenu plus en trois mois de discussions qu’en douze journées d’action l’an dernier ». Il avait dû accepter de participer aux réunions unitaires et d’envisager une action unitaire avant novembre. Du côté de la CFDT, Berger avait également subi la colère de sa base lors de la rencontre organisée pour « fêter » la première place de la CFDT dans le privé. Plusieurs dizaines de militantEs ont exprimé clairement leur mécontentement et demandé à Berger de rejoindre lui aussi la mobilisation contre les ordonnances.
Droit dans leurs bottes
Mais il en faut plus pour faire bouger ces adeptes de la démocratie sociale. Le représentant de FO à la réunion unitaire a relevé des « divergences », mais estimé que le prochain rendez-vous du 24 octobre pourrait aboutir à un appel à la mobilisation en novembre, sans précision sur les modalités. La représentante de la CFDT se satisfait d’avoir « convenu une prochaine rencontre, une fois que chaque organisation aura rencontré le président de la République d’une part et le Premier ministre d’autre part, dans l’espoir d’en savoir plus sur les intentions du gouvernement ». Le représentant de la CGC, qui affiche une sévère critique des ordonnances et appelle à une mobilisation unitaire depuis quelques semaines, se veut optimiste quant à l’issue de la prochaine intersyndicale : « Il n’est pas impossible de penser qu’on arrive un jour à une unité à la prochaine date du 24. Ce sera de toute façon à l’ordre du jour ». Pour la CFTC, « les ordonnances sont derrière nous ». Comment dire mieux qu’il s’agit de s’inscrire complètement dans le calendrier gouvernemental ?
Mobiliser, mobiliser, mobiliser
Alors que le gouvernement a repoussé la rencontre prévue avec les syndicats le 10 octobre, pour “refuser la pression”, ces positionnements risquent d’empêcher que le mécontentement grandissant d’une majorité de la population face aux attaques redoublées du gouvernement ne se transforme en mobilisation à la hauteur de ces attaques.
Au moment où le patronat est rassemblé derrière le gouvernement, il est plus que jamais impératif de construire la mobilisation. L’unité au sommet et même « à la base » ne sont jamais une garantie de construction, de succès dans des bagarres de cette ampleur. Dans ce contexte de tergiversations syndicales, les constructions locales, par ville, par boîte, par branche peuvent conforter les volontés d’en découdre. Et on a vu que face au risque de la mobilisation des routiers, le gouvernement a dû faire un pas de côté dans la mise en place concrètes des ordonnances.
D’ores et déjà la CGT appelle à une nouvelle journée d’action le le 19 octobre. Nous devons profiter de cette nouvelle date pour, pied à pied, convaincre autour de nous de l’urgence, de la gravité des attaques. Et surtout de la nécessaire entrée dans l’action, dans la grève de toutes et tous.
Robert Pelletier