Publié le Samedi 17 avril 2010 à 13h46.

« Pousseur du métro » exploitation sécuritaire d’un nouveau drame

Le 2 avril, à la station Gare-de-Lyon, un jeune homme a violemment projeté contre une rame de RER un voyageur qui est décédé peu après. Ce « pousseur du métro » a été arrêté quelques heures plus tard. Sa mère a révélé qu’il souffrait de « troubles psychiatriques lourds [...] détectés en août 2005, qu’il avait fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, dont certains de plusieurs mois », et qu’il avait interrompu son traitement depuis janvier. Elle s’est plainte d’avoir sans succès « tiré la sonnette d’alarme » tant auprès des services de soins que de la police sans avoir été écoutée. Sans se prononcer en l’absence d’éléments précis sur cette situation, rappelons que les professionnels de la psychiatrie tirent eux aussi la sonnette d’alarme sur l’insuffisance dramatique de moyens dont souffre la psychiatrie publique. La première conséquence est l’affaiblissement (faute de personnels) des politiques de prévention et de suivi des patients dans la durée : fermetures ou regroupement des centres médico-psychologiques (CMP) publics et gratuits, dans les quartiers. Ils ne cessent de protester aussi contre la saturation permanente (faute de places) des services de psychiatrie qui contraint souvent à des sorties précipitées de l’hôpital, avec un suivi des soins tout à fait insuffisant. Ce n’est pourtant pas dans l’amélioration des politiques de soins, mais dans l’aggravation des politiques sécuritaires et répressives que le pouvoir cherche des réponses.L’émotion soulevée par ce nouveau drame est l’occasion d’une campagne médiatique et politique supplémentaire sur la dangerosité des « malades mentaux » et plus particulièrement des « schizophrènes » susceptibles de « passages à l’acte » imprévisibles. Alors qu’il n’y a pas plus de personnes commettant des actes criminels que dans le reste de la population, la peur du « malade mental » est utilisée pour justifier le durcissement de la législation sur la psychiatrie actuellement en préparation. Un texte sur l’hospitalisation psychiatrique va être débattu en conseil des ministres et au Parlement. L’ordre public y est prioritaire sur le soin, en particulier à travers deux mesures :l’instauration d’une « garde à vue » psychiatrique de 72 heures lors de l’admission de tout patient hospitalisé sans son consentement ; la mise en place d’une rétention psychiatrique à domicile (avec bracelet de surveillance électronique). L’autorité administrative (le préfet) voit son rôle renforcé au détriment de celui des professionnels du soin.Après la loi sur la « rétention de sûreté » qui permet de prolonger indéfiniment l’enfermement d’une personne jugée dangereuse, une fois sa peine purgée, ce nouveau texte renforce la législation d’exception s’appliquant aux personnes atteintes de troubles psychiatriques, et les discriminations dont elles sont l’objet, quand il s’agirait au contraire de les réintégrer dans le droit commun s’appliquant à tout être humain. Jean-Claude Delavigne