Publié le Samedi 21 mai 2016 à 11h27.

Rennes (35) : La Maison du peuple occupée

Entretien. À Rennes, les étudiants ont ouvert le bal en impulsant le mouvement social contre la loi El Khomri. Une assemblée générale interprofessionnelle (invitée aux intersyndicales !) s’est constituée regroupant jeunes, salariéEs, et précaires. Des liens se sont établis, aboutissant à l’occupation de la Maison du peuple, concédée par une convention signée avec la mairie : plus de 100 personnes y ont dormi, des AG s’y tenaient tous les deux jours, et une radio émettait depuis son toit. Après 13 jours d’occupation, la Maison du peuple a été évacuée, mais ce siège symbolique aura permis de souder bon nombre d’acteurEs du mouvement social. Nous avons rencontré Lucie, militante de la CIP, et Xavier, impliqué dans l’AG interprofessionnelle.

Pouvez vous nous dire comment se sont nouées les convergences ?

Lucie : Alors que le mouvement social prenait de l’ampleur, la CIP (Coordination des intermittentEs et précaires) s’est remobilisée autour de de la réforme de l’assurance chômage et de la renégociation de la convention des intermittentEs. Des liens se sont alors créés avec l’AG de Rennes 2, l’AG interprofessionnelle et Nuit debout. Cela a permis une action autour du festival « Mythos » : les militantEs sont intervenus lors de l’inauguration du festival, remplaçant les discours des éluEs par des prises de paroles engagées. C’est un peu l’action fondatrice de la convergence.

Comment se sont formalisées ces convergences ?

L. : Après cette action, l’idée d’une AG réunissant l’AG interpro et la CIP a émergé. La CIP a obtenu un accord du Théâtre national de Bretagne afin de tenir son AG dans ses locaux. C’est le 28 avril qu’a eu lieu la première AG convergente au TNB réunissant 300 personnes faisant le lien avec le mouvement étudiant et les syndicalistes. Nous avons décidé de ne pas occuper la nuit et de garder ce lieu pour se réunir et s’organiser, par une AG ayant lieu tous les soirs.

C’est là qu’intervient la Maison du peuple...

L. : Le 1er Mai, nous avons décidé d’envahir le cinéma Gaumont après la manif. Ensuite, nous nous sommes dirigées vers la salle de la Cité, rebaptisée depuis de son nom d’origine, la Maison du peuple.

Xavier : La CGT avait loué la salle de la Cité afin de tenir l’AG intersyndicale après la manifestation. Les manifestantEs ont donc tenté de s’y inviter. La mairie avait appelé la CGT pour prévenir que des manifestants s’apprêtaient à envahir la salle. La CGT a décidé d’annuler. Une fois les manifestants devant les portes closes, les CRS sont arrivés. Quelqu’un a appelé la CGT qui est revenue et une AG historique s’est tenue dans une salle de la Cité remplie. C’était magique. Le lendemain, l’AG intersyndicale s’est tenue, et la CGT a déclaré que l’occupation était légitime.

L. : Le 2 mai toujours, au conseil municipal, la maire (PS) voulait faire ordonner l’expulsion.

X. : Le mardi, les flics ont entouré la Maison du peuple, rapidement cernés par des manifestantEs et les syndicats. Dans le même temps, Martinez et Mailly ont eu Cazeneuve au téléphone, et ils ont dit au ministre de l’Intérieur qu’ils s’opposaient à l’expulsion de la Maison du peuple. En fin d’après-midi, les CRS se sont retirés. Nous avions gagné sur un dispositif policier hallucinant !

Quels enseignements pouvons-nous en tirer ?

X. : L’AG interpro porte l’hypothèse de la composition politique. Dans celle-ci se retrouvent presque toutes les composantes de la lutte. La stratégie du pouvoir c’est de nous séparer : jeunes, travailleurs, précaires, chacun de son côté... Notre force, c’est la rencontre entre des forces politiques qui habituellement ne composent pas ensemble. Ce lieu, c’était pour construire la lutte et le rapport de forces. La veille de l’expulsion, pendant que certainEs restaient défendre le lieu, nous avons fait une action de blocage économique de la plateforme de distribution de colis de tout le Grand Ouest.

Propos recueillis par Sophie et Vincent