Le pouvoir veut imposer à tout prix les retraites par points. Des politiciens et des médias soulignent l’amateurisme et l’incompétence du gouvernement. Certes, mais cela ne doit pas cacher l’objectif de cette contre-réforme, énoncé en 2016 par Fillon devant des patrons : « Le système par points, en réalité, ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions ».
Jusqu’en 1993, les retraites étaient calculées, dans le privé, sur la base des 10 meilleurs salaires de la vie professionnelle. La prise en compte des 25 meilleures années a eu pour conséquence une baisse du taux de remplacement (le rapport entre le dernier salaire et le montant du 1er mois de pension). Le gouvernement veut accentuer cette attaque en remplaçant le système en annuités par un régime dit universel et par points, qui prendrait en compte la totalité de la vie active. Cela fera à nouveau baisser des pensions, puisque les périodes des salaires les plus bas de la carrière seront intégrées au calcul. Les précaires et les femmes qui ont des carrières hachées par le chômage, les temps partiels, seront particulièrement impactés.
Un système complexe et opaque
Le gouvernement se vante de la transparence du système, alors qu’il y aura trois valeurs distinctes du point1!
- La valeur d’acquisition : 10 euros cotisés rapporteraient 1 point.
- La valeur de service, c’est la valeur de chaque point au moment de la liquidation de la retraite : 1 point vaudrait 0,55 euros.
- La valeur du point après l’application d’un « coefficient de conversion » pour la compensation des périodes de chômage, de maternité, de maladie et de la pénibilité... On ne connaît pas son montant, sauf pour les enfants (5 % par môme). Il tiendra aussi compte du bonus de points accordés pour les départs après l’âge pivot, ou d’un malus pour ceux qui pourraient partir plus tôt (plus ou moins 5 % par an).
Pour connaître le montant de sa retraite lors de sa liquidation, il faudra donc multiplier le nombre de points acquis par sa valeur après la prise en compte du coefficient de conversion. Il ne sera plus possible de connaître le montant de sa pension avant la retraite, et chaque année, faute de connaître la nouvelle valeur du point.
L’indexation : Le bon point se métamorphose en mauvais point !
« L’ indexation progressive » des pensions devait se faire non plus sur l’inflation mais sur les salaires qui progressent plus vite que les prix. « Une règle d’or » avait annoncé Édouard Philippe. Mais l’or s’est transformé en plomb, l’indexation de la valeur du point se fera un nouvel indicateur, selon « l’évolution du revenu moyen par tête »… qui reste à construire ». On peut s’attendre à tous les bidouillages car les revenus entre les professions libérales, les agriculteurEs, les salariéEs, par exemple, sont très divers. Ceux du capital sont d’ores et déjà exclus. En guise de règle d’or, seul le dogme gouvernemental est maintenu : les dépenses de retraite doivent être limitées dans un 1ertemps à 14 % du PIB et ensuite, selon l’étude d’impact annexé au projet de loi elles devraient baisser à 13,8 % du PIB en 2040 et à 12,9 % en 2050. Pour contenir les dépenses dans le cadre de cette part du PIB réduite et pour satisfaire le patronat qui refuse l’augmentation de la part patronale des cotisations, l’âge « d’équilibre » servirait de variable d’ajustement et serait donc augmenté à plusieurs reprises.
Sus aux précaires
Après des annonces contradictoires, il a été annoncé que les modalités d’attribution des points de compensation des périodes sans emploi seront définies avec la « refonte des minimas sociaux » et la création du « revenu universel d’activité ». On sait jusqu’à présent que les points de compensation des périodes chômage seront versés sur la base des indemnités de chômage bien inférieures aux salaires antérieurs à la période chômée et que ces points seront financés par « la solidarité nationale » c’est à dire l’impôt. Ce serait donc une aide sociale… qui selon Macron « coûte un pognon de dingue ». Ça craint donc !
Le pilotage automatique
Selon le projet de loi « la valeur du point sera fixée par les partenaires sociaux dans le cadre de la gouvernance du système universel » qui serait « paritaire avec des représentants des employeurs et des salariés du privé et du public et des travailleurs indépendants » sous le contrôle du parlement et avec obligation de respecter l’équilibre financier du système sur une période de cinq ans. Mais, depuis, le Premier ministre a confirmé que « le pilotage sera automatique ». La loi devra préciser les mécanismes afin que les paramètres : âge légal de départ, âge d’équilibre, valeur du point... s’ajustent en fonction des évolutions économiques (croissance, chômage, inflation, taux d’intérêt ...) et démographiques (espérance de vie, ratio retraités/actifs, etc.).
Face à tous ces tripatouillages et aux dangers de la contre-réforme, plus que jamais la lutte pour le retrait s’impose !
- 1. (1) Chiffres issu du rapport Delevoye.