Publié le Lundi 4 juillet 2011 à 10h52.

Un bilan entre victoires et échecs. Évolutions de l’action syndicale (Karel Yon, Contretemps n°9)

Les analyses à chaud du mouvement social de l’automne 2010 ont eu tendance à souligner la dimension victorieuse de cette mobilisation, malgré son échec sur un terrain strictement revendicatif. Ce faisant, elles ont participé à la lutte symbolique qui continuait le mouvement après le mouvement pour savoir qui, du pouvoir ou des organisations syndicales, avait gagné – mais aussi pour définir, au sein même des organisations syndicales, qui avait eu raison sur le plan des tactiques. Reconnaître l’importance de cette protestation est essentiel, dans la mesure où elle constitue un élément de preuve supplémentaire, face au néolibéralisme, de la capacité de résistance du salariat et du mouvement social en France. Cet article voudrait cependant aller plus loin en tentant de saisir la racine des contradictions d’un mouvement qui, malgré son ampleur inégalée, n’a pas réussi à faire plier le gouvernement. Celle-ci doit être recherchée dans les évolutions de fond qui affectent ce qui a été la force motrice de la lutte : le mouvement syndical. Loin d’avoir simplement relevé du désaccord tactique, les débats qui ont surgi dans l’intersyndicale et au-delà, notamment sur les moyens d’action, ont mis en lumière un enjeu stratégique sur la nature même de l’action syndicale1.

Il faut en premier lieu reconnaître que la survenue même du mouvement a constitué une victoire. Cette victoire, c’est la manifestation de la réalité vivante de la classe salariale. Voilà ce que signifie le fait que des individus se soient saisi de la cause des retraites. Car le système des pensions est une institution dont l’existence a précisément pour effet d’objectiver l’existence du salariat, de lui conférer une réalité pratique. Rappelons-nous qu’avant l’été 2010, ni le pouvoir ni la plupart des syndicalistes ne croyaient vraiment dans la possibilité de démonstrations de masse contre le projet de réforme. Le mouvement social de l’automne 2010 a déjoué ces pronostics. Les records furent moins dans le nombre de manifestants – depuis quelques années, nous sommes coutumiers des journées d’action de plusieurs millions de personnes – que dans la récurrence et la longévité de leur mobilisation. Une fois en juin, puis sept fois entre le 7 septembre et le 28 octobre, ce sont à chaque fois un à trois millions de personnes – selon la police ou selon les organisateurs – qui ont foulé le pavé contre le recul de l’âge de départ en retraite, soit huit à vingt-quatre millions de « journées-manifestant ». Dans un pays qui compte cinquante millions d’habitants de plus de quinze ans, dont vingt-huit millions d’actifs et vingt-quatre millions de salariés, c’est donc une fraction extrêmement significative de la population qui s’est inscrite dans un processus d’action collective. S’est manifesté de la sorte un intérêt commun, en opposition ouverte à la réforme d’un gouvernement qui présentait pourtant celle-ci comme une nécessité incontournable. Tous les participants aux manifestations faisaient un autre constat : les cortèges se caractérisaient par leur extrême diversité, un rayonnement dépassant les bastions syndicaux traditionnels, notamment dans la jeunesse et le secteur privé.

Tout cela constitue une victoire sur le plan de la lutte pour l’hégémonie. Quand le président de la République se félicite que les grèves ne se voient plus, quand il réduit le travail à une question de volonté et de liberté individuelle (« travailler plus pour gagner plus »), quand il fait du « service minimum » une cause de premier ordre, ou quand il réquisitionne les grévistes, il appuie une représentation du monde social qui oppose les syndicats à l’intérêt général. Il entend montrer que la conflictualité au travail est un phénomène résiduel, porté par des groupes négligeables, que le travail peut certes être source de souffrances individuelles (qu’il faut alors gérer en termes de « risques » psycho-sociaux) mais qu’il ne constitue pas un lieu d’antagonismes collectifs… Le mouvement de cet automne fut un démenti en acte de ce discours. Il a démontré que les institutions du salariat – les retraites, et, derrière elles, la protection sociale dans son ensemble ainsi que le droit du travail – ne sont pas des formes pétrifiées que la politique néolibérale pourrait détruire comme on élague des branches mortes2. Elles ont non seulement été défendues par ceux qui font métier de leur existence – les professionnels de la représentation du salariat que sont les permanents syndicaux – mais aussi par tous les autres, syndicalistes occasionnels et délégués d’entreprise, simples salariés, déjà retraités et futurs travailleurs… Tous ceux auxquels ces institutions fournissent l’espoir d’une existence sociale qui ne soit pas totalement subordonnée à la valorisation du capital3.

Le salariat s’est agrégé comme réalité vivante autour des organisations syndicales. C’est le deuxième élément de réussite de cette séquence protestataire. Elle a non seulement affirmé avec une force inégalée la légitimité de la protestation sociale, d’une protestation solidement ancrée dans la question du travail, mais elle a aussi désigné les organisations syndicales comme porte-parole légitimes de cette colère collective. Alors que celles-ci sont généralement dépeintes comme des structures sclérosées, coupées des salariés et des réalités concrètes du travail – y compris, parfois, par les représentants syndicaux eux-mêmes –, ce mouvement a montré que les syndicats étaient perçus par les salariés comme des cadres collectifs suffisamment fréquentables pour répondre à leurs appels récurrents à la manifestation. Ce fait illustre de manière beaucoup plus directe un constat mesuré par les sondeurs : pendant tout le mouvement, 70 % des interrogés soutenaient le mouvement. Et le taux de confiance dans les organisations syndicales est passé de 46 % des interrogés au niveau record de 54 % entre septembre et novembre 20104.

Ce regain de crédit du syndicalisme est à l’œuvre depuis le mouvement social de l’hiver 1995. Mais la tendance a connu une accélération depuis la crise financière de 2008 et les mobilisations qui l’ont suivie. Cette évolution rend de moins en moins audibles les discours prophétiques qui annoncent depuis un quart de siècle la fin du mouvement syndical. Elle invite à dresser un tableau plus nuancé de l’état du syndicalisme en France. Si le taux de syndiqués s’est stabilisé à un faible niveau depuis le milieu des années 1990 – il est à 8 % dans l’ensemble du salariat, et à 5,5 % dans le secteur privé –, la présence syndicale en entreprise a tendance à croître : en 2004, 63 % des établissements de cinquante salariés et plus disposaient d’un délégué syndical, contre 54 % en 19925. Si la participation aux élections prudhomales décroît à chaque scrutin (25,5 % en 2008), le taux de participation moyen aux élections professionnelles est de 75 % et les listes non syndicales sont en recul. L’état des forces syndicales ne se mesure pas uniquement au nombre de syndiqués : cette grille de lecture s’est imposée avec l’insertion dans le syndicalisme européen qui fait de ce critère la clé de répartition du pouvoir dans ses instances6. Mais la puissance syndicale peut s’objectiver de mille autres manières, par le taux de couverture conventionnelle (98 % des salariés du secteur privé sont couverts en France par une convention collective, censée être plus favorable que le Code du travail), par le rayonnement culturel ou la capacité manifestante. De ce point de vue, si les formes d’action collective plus éphémères, telles que les coordinations, ont permis d’organiser la protestation dans certains périmètres géographiques ou professionnels plus localisés, à ce jour seules les organisations syndicales sont en capacité d’organiser l’action collective de travailleurs du privé et du public, actifs et retraités7.

Une des clés de cette réussite se trouve dans le choix d’une stratégie syndicale unitaire, via le cadre de l’intersyndicale. On a vu é merger cette structure à l ’ occasion du mouvement contre le Contrat premi è re embauche, mais ce sont surtout les manifestations contre la crise qui lui ont donn é sa l é gitimit é 8 . C ’ est une nouveaut é dans le paysage syndical fran ç ais, marqu é par les rivalit é s organisationnelles, que de voir se p é renniser une structure qui reconnaisse le pluralisme du mouvement syndical – y compris jusqu ’à ses composantes habituellement maintenues à l ’é cart – tout en essayant de fabriquer une coh é rence. Le succès de prestige remporté par le mouvement syndical résulte d’un choix d’humilité : les responsables syndicaux ont admis qu’aucune organisation syndicale ne pouvait avoir la prétention de représenter seule les travailleurs, quelle que soit la justesse supposée de son orientation. Les syndicats ont ainsi pu constater qu’à l’inverse, dès lors qu’ils entendaient représenter ensemble les salariés, personne ne pouvait leur contester cette légitimité. Le mouvement leur a en outre permis de toucher de nouveaux salariés. Toutes les organisations ont réaffirmé la syndicalisation comme objectif prioritaire. La Confédération générale du travail revendiquait ainsi l’arrivée de 44 000 nouveaux adhérents à l’issue du mouvement. Cette dimension est d’autant plus importante après la réforme de 2008, qui fait reposer la représentativité syndicale sur les élections professionnelles, donc sur la présence dans les entreprises.

Mais un succès pour le syndicalisme n’est pas nécessairement un succès pour le mouvement : personne ne nie que celui-ci a échoué sur le plan revendicatif. Les organisations syndicales se partageaient entre deux pôles : d’un côté, celles qui réclamaient le « retrait de la réforme » (Force ouvrière, Solidaires, Fédération syndicale unitaire) ; de l’autre celles qui, tout en s’opposant à cette réforme, préféraient insister sur le besoin d’une « véritable négociation » (c’était l’axe de l’accord entre la CGT et la Confédération française démocratique des travailleurs, ce fut la ligne officielle de l’intersyndicale, que partageaient les autres syndicats9). Or, même cette seconde option s’est avérée déboucher sur un échec. Quand bien même le principal promoteur de la réforme auprès des organisations syndicales – le conseiller social du chef de l’État, Raymond Soubie, devenu depuis membre du Conseil économique, social et environnemental – se voulait l’incarnation du dialogue social10, de dialogue il n’y eut point. Le principal enjeu étant celui de la crédibilité de l’État français auprès des agences de notation, le pouvoir avait besoin d’afficher son intransigeance pour ne pas inquiéter les marchés financiers. Dans ces conditions, le même paradoxe qu’en 2009 s’est produit : une mobilisation sociale inégalée, saluée pour cette raison comme un succès, n’a débouché sur aucun véritable résultat revendicatif. Il faut le dire à nouveau : ces mobilisations doivent être considérées comme des victoires, dans la mesure où l’affirmation de la classe salariale est déjà en soi une objection de facto à la subjectivation néolibérale. Elles manifestent l’attachement à des institutions sociales organisées autour du principe de solidarité, contre le projet de ramener les individus au statut d’aventuriers du risque. Mais les mobilisations de 2009 et 2010 n’ont pas réussi à empêcher les gouvernants de radicaliser leur politique de classe. Qu’est-ce qui a pesé dans cet échec ?

Dans la mesure où la conduite du mouvement a été incontestablement rythmée par les dates et les choix d’action de l’intersyndicale, l’échec revendicatif conduit à s’interroger sur les tactiques privilégiées par cet « état-major » de fait. Le répertoire de l’intersyndicale s’est précisé dans le cours du mouvement. En posant des échéances dès avant l’été, ce cadre unitaire a incontestablement permis d’élargir et d’ancrer progressivement la mobilisation. En apparaissant comme le seul émetteur légitime de la mobilisation au plan national, il a permis l’organisation de manifestations dans des communes où l’on avait peu l’habitude de le faire. Mais, entre le 12 et le 19 octobre, à la confluence de plusieurs dynamiques locales et sectorielles, le mouvement a franchi un saut qualitatif avec de nombreux appels locaux ou nationaux à la grève reconductible, l’arrêt des raffineries, la multiplication des blocages et l’entrée des lycéens dans la mobilisation. À cette séquence répond un communiqué de l’intersyndicale, le 21 octobre, qui souligne l’esprit de responsabilité du mouvement en mentionnant son souci du « respect des biens et des personnes ». Il évoque les sondages d’opinion, mais ne cite aucun des secteurs les plus mobilisés, comme si ces derniers n’avaient pas droit de cité dans le cadre de l’intersyndicale. À cette date, l’intersyndicale appelle à « amplifier le soutien de l’opinion publique » plutôt qu’à amplifier l’action. Par la suite, la majorité des organisations aura systématiquement refusé tout appel à une journée de grève ou de blocage de l’économie. Au plan national, l’intersyndicale a donc fait un choix assez net : non seulement celui des grandes journées de mobilisation, mais aussi du refus d’autres modalités d’action, telles que la généralisation des grèves ou les blocages. Elle faisait ainsi le choix d’une tactique réduite à l’ordre symbolique, en refusant de poursuivre l’épreuve de force sur un autre terrain que la protestation ritualisée des manifestations. Il est à cet égard abusif de décrire les marches protestataires comme des « démonstrations de force ». Les manifestations, quelle que soit leur ampleur, n’ont pas de force en soi. La force se mesure à la capacité d’orienter les conduites de son adversaire, à l’empêcher ou le contraindre à modifier son comportement. Les manifestations n’ont manifestement pas eu cette capacité.

Ce bilan en demi-teinte doit être relié à la configuration spécifique de l’intersyndicale, qui a joué en même temps un rôle amplificateur et un rôle plafond. La même contradiction s’était déjà fait jour en 2009, et avait alors été vivement dénoncée. Si les discours annonçant la « trahison » des directions syndicales ont été moins audibles cette fois-ci, c’est sans doute parce que la tension s’est avérée moins vive dans le cours de la lutte : au sommet, l’intersyndicale n’a jamais opposé de désaveu frontal à des modalités d’action plus offensives ; à la base, les échéances de l’intersyndicale ont été utilisées comme des points forts servant à rythmer une mobilisation plus diverse.

À travers la diversité et l’inventivité des initiatives locales, une classe réflexive a émergé des plis de la classe manifestante. Le développement des blocages a illustré cette recherche de registres plus radicaux , tout à la fois cens é s frapper l ’ opinion et entraver , à défaut de grèves, le fonctionnement normal de l ’é conomie. Ces blocages ont souvent été décidés dans des cadres de coordination plus ou moins larges, entre ailes offensives des intersyndicales locales et assemblées générales interprofessionnelles. Ils témoignent de l’expérimentation de formes de mobilisation qui s’ajustent aux transformations du capitalisme et de l ’ organisation du travail. Dans un monde salarial de plus en plus é clat é , le blocage de stocks de produits, de carrefours industriels ou de voies d ’é changes est un moyen d ’ atteindre les salari é s et d’entraver le fonctionnement du capitalisme des flux tendus et des réseaux. Quand la précarité et les bas salaires accroissent le coût de la grève, voire empêchent l’engagement direct dans l’action, l’intervention d’éléments extérieurs peut même constituer un substitut à la lutte, comme une version radicalisée de la « grève par procuration ». L’AG interprofessionnelle du bassin minier dans le Pas-de-Calais par exemple a relié des syndicalistes CGT, FO, SUD et FSU avec des étudiants et des lycéens. Elle a bloqué plusieurs péages, un certain nombre de plateformes logistiques et le site industriel de 150 hectares de la Française de Mécanique. Dans la logique des théorisations de la multitude, certains ont pu vouloir faire du blocage le symbole de la lutte sociale du xxie siècle. Assigner une positivité univoque à cette pratique conduit cependant à dissimuler les investissements hétérogènes dont elle fait l’objet, et participe à la réduction du débat stratégique à des alternatives délétères, l’opposition entre blocage et grève venant ramifier l’opposition entre radicalisation et journées d’action11. Le choix de bloquer «  de l ’ ext é rieur  » certaines zones industrielles dessine en creux l’impossibilit é de peser de l ’ int é rieur m ê me de ces sites, notamment par la grève. Pourtant le registre de la gr è ve reste central pour ancrer l ’ action dans la dur é e, l’élargir au-delà des plus militants et permettre un contrôle collectif du mouvement 12 . L’enjeu semble plutôt aujourd’hui de reconnaître la diversité du répertoire d’action des luttes syndicales contemporaines, qui s’adapte aux modes de dominations mais puise aussi, pragmatiquement, à de multiples sources. Il faudrait d’ailleurs é voquer d ’ autres é l é ments, comme le recours au suffrage à des fins de légitimation de l’action. C’est la conscience de cette diversité qui doit progresser, car elle permettra de jouer davantage sur tous les registres en les considérant comme également légitimes. Certains blocages ont par exemple pu créer des dynamiques de mobilisation débouchant sur la grève, ou permettant à celle-ci de se consolider13.

Beaucoup de responsables syndicaux tendent encore à dénier cette pluralité des registres d’action en identifiant les modalités les plus radicales à des pratiques étrangères au syndicalisme, portées par des « gauchistes » ou des « casseurs excités ». Or, ce qui apparaît comme la principale nouveauté de ce mouvement, c’est bien la diffusion dans les rangs syndicaux, au-delà de leurs marges, du registre des actions coup de poing et en particulier des blocages. La pratique du blocage a dépassé les réseaux autonomes pour pénétrer, localement, les syndicats et les unions locales. Au-delà de la participation attendue de Solidaires ou de la FSU, de nombreuses unions locales CGT, y compris parmi les plus importantes, ont participé à de telles actions de blocage. Certaines pouvaient même tenir un discours de défense inconditionnelle de la ligne confédérale, tout en ayant une pratique beaucoup plus radicale la contredisant dans les faits. La méthode du blocage a diffusé de proche en proche, à partir des expériences accumulées depuis le début des années 2000, notamment dans le monde éducatif. La circulation de ces pratiques, parce qu ’ elle engage des individus issus d’horizons divers, participe directement de la recomposition d ’ une identit é collective, dont on oublie parfois qu’elle s’appuie autant sur des idées partagées que sur des expériences et des façons de faire communes. C’est pourquoi le phénomène des blocages et des AG interprofessionnelles est essentiel : au-delà de la « classe contemplative » des manifestations, trop hétérogène pour être douée d’intention, c’est une classe réflexive qui s’est développée de cette manière. Pourquoi parler de classe réflexive ? Parce que cette notion traduit le processus par lequel des salariés et des jeunes issus de divers secteurs en sont venus à se regrouper pour élaborer une riposte qui tienne compte de l’intransigeance du pouvoir et de l’ampleur de l’enjeu, de leurs expériences antérieures de réussites et (surtout) d’échecs. L’émergence de ces formes de lutte et de coordination n’a rien de spontané, au sens où elle résulte d’un processus de maturation indissociablement collective et individuelle. Elle est le produit d’un travail militant qui, loin d’être exclusivement syndical, a pris des formes diverses, notamment politiques, culturelles ou journalistiques14. Ces processus ont cependant d’autant plus de peine à se pérenniser qu’ils se confrontent à une autre tendance qui est celle de la sectorisation de l’action syndicale.

La tendance à la sectorisation de l’action syndicale n’est pas nouvelle : elle est consubstantielle au mouvement séculaire d’institutionnalisation du champ des relations professionnelles. Elle a cependant connu des inflexions importantes dans la période récente. Ces inflexions résultent de la combinaison de trois dimensions qui font système.

° Le recentrage de l’action syndicale sur l’entreprise constitue la première dimension. Ce mouvement a été impulsé par la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise, inscrite dans le droit après mai 1968. Les lois Auroux de 1982 ont renforcé les droits des organisations syndicales et des représentants du personnel au sein des entreprises, qu’ont par la suite complété divers dispositifs, jusqu’à la loi du 20 août 2008 « portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ». Celle-ci abroge le principe de « présomption irréfragable » de représentativité15, qui interdisait aux syndicats non affiliés aux cinq confédérations « les plus représentatives » de se présenter librement au premier tour des élections professionnelles. La représentativité syndicale se fonde désormais pour l’essentiel sur un critère d’audience électorale : c’est le franchissement du seuil de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections au comité d’entreprise qui donne droit à la désignation d’un délégué syndical. En plus de devenir ascendante16, la représentativité syndicale étant subordonnée aux résultats des élections elle devient évolutive, selon un cycle d’une durée générale de quatre ans. Ce recentrage sur l’entreprise est ambivalent : selon les acteurs et selon les périodes, il peut renvoyer au souci d’appréhender la classe sociale comme une réalité devant être construite par les salariés eux-mêmes ; inversement, il peut servir le projet d’en finir avec l’« archaïsme » conflictuel du syndicalisme français et permettre l’émergence de corporatismes d’entreprise. Mais depuis la réforme de 2008 une chose est sûre: les élections professionnelles sont devenues une priorité, tant pour les équipes syndicales d’entreprise que pour les échelons supérieurs des organisations. Avec cette valorisation de l’opération électorale se trouve confortée une conception des relations avec les salariés qui se pense et se mesure en termes d’image et d’opinion. Dans le même temps, la spécificité des configurations productives propres au « régime de mobilisation néolibéral »17 – l’entreprise en réseau – est obscurcie par ce recentrage obligé sur l’entreprise définie dans le cadre étroit de ses frontières juridiques.

° La promotion du « dialogue social » est la deuxième dimension. Le projet de passer d’un modèle de relations professionnelles basé sur la lutte des classes à un autre fondé sur la concertation date au moins des années de Guerre froide, avec les tentatives de « modernisation » du syndicalisme sur le modèle étatsunien18. Il s’est traduit par la multiplication des instances de concertation et l’invitation faite aux syndicalistes à se transformer en « professionnels de la négociation ». La pratique des négociations annuelles obligatoires, instituée en 1982, est emblématique de ce projet. La table des négociations n’est plus considérée comme un cadre neutre autour duquel pourraient se confronter des points de vue radicalement antagoniques. Elle devient un instrument d’apprentissage censé permettre aux acteurs d’évoluer au contact de leurs partenaires. La négociation est ainsi valorisée comme une fin en soi, dans un mode de pensée analogue à celui qui conduisait Sorel à faire de la grève générale prolétarienne l’expression la plus pure de la morale des producteurs19. Cette vision a été entretenue par l’inflation législative en faveur de la négociation, spécialement dans les entreprises20. Outre le fait de construire une opposition mythique entre dialogue et conflit21, la diffusion de la rhétorique du dialogue social a fait de ce projet de « civilisation des mœurs » professionnelles le principal cadre cognitif et normatif des relations sociales. La réforme de la représentativité syndicale est ainsi pensée du point de vue de la négociation plutôt que du droit des salariés à s’organiser22. L’intégration européenne a également contribué à légitimer cette logique en posant le « dialogue social européen » comme un modèle de procédure organisant la coopération entre la sphère politique et celle des « partenaires sociaux ». Ainsi la loi du 31 janvier 2007 « de modernisation du dialogue social » s’inspire de ces règles23. Désormais, « tout projet de réforme envisagé par le gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. »24 Cette loi est assez paradoxale. Alors qu’elle prétend conférer un rôle spécifique aux organisations représentatives d’employeurs et de salariés dans la fabrication des normes, elle officialise en réalité une pratique très ancienne25. Elle tend même d’ailleurs à l’atrophier dans sa dimension substantielle puisqu’elle exclut la protection sociale des questions relevant de la sphère de concernement légitime des syndicats26. La codification du dialogue social contribue ainsi à figer doublement l’espace public : en délimitant le domaine dans lequel la présence syndicale serait légitime et en prenant la forme d’un échange ritualisé entre le pouvoir politique et des organisations autorisées.

° Le passage du mouvement ouvrier au mouvement syndical représente enfin la troisième dimension de cette tendance à la sectorisation de l’action syndicale. Nombre de militants ou d’observateurs critiques, à gauche, réfléchissent encore spontanément dans les catégories du « mouvement ouvrier » ou du « mouvement social » pour tenter de rendre raison des lignes d’action adoptées par les organisations syndicales. Ce faisant, ils oublient que la rationalité devenue dominante parmi les syndicalistes est désormais tout autre : la majeure partie d’entre eux ne se considèrent plus comme des acteurs sociopolitiques mais uniquement comme des participants au « système des relations professionnelles ». Il s’agit d’une évolution se situant sur un terrain proprement idéologique qui ne doit pas être pensée comme la conséquence mécanique des deux précédentes. Pour que le recentrage sur l’entreprise et la valorisation du dialogue social puissent soutenir le sentiment d’évidence que l’action syndicale ne saurait dépasser le champ des relations professionnelles, il fallait d’abord que l’univers intellectuel des organisations syndicales ait lui-même évolué. Ces évolutions renvoient à des luttes idéologiques qui se mènent sur le terrain des pratiques comme sur celui des discours27. Elles se jouent autant dans la structuration interne des organisations syndicales (renouvellement socio-générationnel, division des tâches et rapports de forces entre secteurs organisationnels) que dans le type de relations qu’elles entretiennent avec d’autres mondes sociaux (partisan, administratif, intellectuel…). Au cœur de ces luttes se trouvent une certaine interprétation de la « crise » du syndicalisme, la disqualification ou l’euphémisation du marxisme et le souci d’affirmer une légitimité syndicale autonome qui conduit à se démarquer du monde politique. Preuve que cette évolution n’a rien de mécaniquement déterminé par l’état du champ syndical, les trois principales confédérations ont opéré ce passage à des moments variés de leur histoire : la CGT-FO au tournant des années 1960, la CFDT à partir de la fin des années 1970, et la CGT depuis le milieu des années 199028. Le fait principal aujourd’hui est donc que la grande majorité du mouvement syndical se retrouve autour de l’idée d’une « démocratie sociale » distincte de la démocratie politique29.

Avoir à l’esprit cet arrière-fond donne sens au refus des dynamiques de « radicalisation », perçues comme incontrôlables, et à la stratégie inverse voulant faire porter au gouvernement le stigmate du refus de dialoguer. Prendre le risque de la crise politique, c’est se retrouver en situation d’opposition directe au pouvoir et brouiller les frontières entre syndicalisme et politique30. C’est renvoyer l’image d’un syndicalisme irresponsable au regard de la norme du dialogue social – norme que l’opinion salariale, dont la consistance résulte de l’agrégation d’individualités de gauche et de droite, est présumée soutenir. De tels raisonnements sont sous-tendus par l’intériorisation d’une vision du syndicalisme comme acteur subalterne dans un ordre démocratique immuable, peuplé de « partenaires » pouvant être de mauvaise foi mais restant toujours fondamentalement fréquentables. Borner la réflexion syndicale à l’horizon des relations professionnelles rend de la sorte extrêmement difficile toute réflexion sur la spécificité de la période, et en premier lieu sur ce que le néolibéralisme signifie pour les organisations syndicales31.

Une critique effective ne saurait se limiter à dévoiler les implicites ou les effets de la sectorisation du syndicalisme ; elle doit dans le même temps rendre visibles les dispositifs qui permettent d’orienter l’action syndicale selon d’autres logiques. Le plus grand acquis de ce mouvement aura de ce point de vue résidé dans le décloisonnement de la lutte syndicale. Ce décloisonnement s’est opéré nationalement grâce à la visibilité acquise par le mouvement dans la rue et dans l’espace médiatique. Elle a permis d’intéresser à la question des retraites nombre de personnes qui y prêtaient peu attention. Les conséquences en ont par exemple été l’implication de la jeunesse lycéenne ou la mise en lumière d’enjeux tels que celui des femmes aux carrières discontinues. Avant la séquence syndicale, ce cadrage large du débat sur les retraites avait été facilité par le travail de collectifs unitaires dont l’esprit rejoignait celui de la campagne contre le Traité constitutionnel européen en 2005. Ce décloisonnement a également contribué à reposer la question du syndicalisme. Il peut aider au développement de nouvelles recherches sur les organisations syndicales, à l’émergence de questionnements qui ne soient pas uniquement dictés par les lois de l’offre et de la demande d’expertise. Mais le décloisonnement a surtout eu lieu localement, dans les alliances qui se sont nouées autour des blocages, des rencontres intersyndicales et des interpros locales. Après les luttes, les contraintes de la représentation syndicale rappellent les syndicalistes à leurs habitudes, et les coordinations d’AG interprofessionnelles sont vouées à s’essouffler. L’enjeu est alors sans doute moins dans le maintien des structures constituées dans le cours du mouvement que dans l’entretien des relations que ces structures ont mises à jour. Il s’agit d’entretenir le commun d’un monde fait de pratiques, d’expériences et de préoccupations partagées, en lui donnant un langage. Il s’agit de connecter les innombrables « espaces publics oppositionnels » qui existent partout sous des formes diverses et plus ou moins pérennes (revues militantes, blogs ou sites internet, presse papier alternative, universités populaires, festivals locaux, interpros, collectifs, sections d’organisations syndicales, d’associations ou de partis…) 32 . Dans cette perspective, les partis politiques de la gauche de gauche paraissent aussi incontournables que les organisations syndicales. Comme les syndicats, ils ont développé un savoir-faire ajusté aux logiques de leur champ d’action. C’est ce qui les rend à la fois indispensables et insuffisants. Ils ont tout à gagner à encourager les échanges et les discussions, à participer de ces espaces publics dissidents et à accorder à cette tâche autant d’importance qu’à leur visibilité dans l’espace public officiel. Comme les syndicats, c’est en faisant preuve d’humilité, en faisant front autour d’un projet collectif qu’ils auront une chance de projeter sur le terrain électoral ce classisme qui a retrouvé des couleurs dans les luttes sociales. Il faudra également renouer avec des actes transgressifs : des prises de positions de syndicalistes dans l’ordre politique, non pas comme des actes d’allégeance mais comme des interventions visant à bousculer les partages établis. De ces connexions émergerait, non pas une représentation politique alternative aux formes instituées, mais une politique à vif, frottée aux syndicats et aux partis, tissée des révoltes multiples, irriguée des luttes passées et à venir.

Karel Yon (Pour toute correspondance : ynkarel@yahoo.fr). Article paru dans Contretemps n°9, 1er trimestre 2011.

 

1 Ce texte s’inscrit dans le prolongement de réflexions menées en commun avec Sophie Béroud. Plusieurs éléments évoqués ici ont fait l’objet de développements dans deux interventions, publiées en ligne en novembre 2010 : un entretien pour Contretemps-site (« Automne 2010 : anatomie d’un grand mouvement social ») et un autre pour Mediapart (« Et si le mouvement était déjà en train de rebondir ? »).

2 Sur la portée subversive du salariat, je renvoie aux travaux précieux de Bernard Friot et de l’institut européen du salariat (http://www.ies-salariat.org/).

3 Ce constat est largement développé dans un ouvrage collectif paru récemment : Tous dans la rue : Le mouvement social de l’automne 2010, Paris, Seuil, 2011, notamment dans les contributions de Robert Castel et Alain Supiot, de Christophe Aguiton et Lilian Mathieu et de Pierre Dardot et Christian Laval.

4 « L’image des syndicats à l’automne 2010 », baromètre TNS SOFRES pour l’association Dialogues.

5 L. Wolff, « Le paradoxe du syndicalisme français : un faible nombre d’adhérents, mais des syndicats bien implantés », Premières informations. Premières synthèses, DARES, n°16.1, avril 2008 ; T. Amossé, L. Wolff, « Ce que représentent les syndicats en entreprise », Connaissance de l’emploi, Centre d’étude de l’emploi, n° 69, septembre 2009. Cette croissance n’est cependant pas nécessairement le résultat d’un surcroît de volontarisme militant. Les chercheurs distinguent deux facteurs décisifs dans cette extension de la présence syndicale : les évolutions de la législation qui, depuis les lois Auroux de 1982, encouragent la négociation au niveau des entreprises et la concentration financière des entreprises au sein de groupes.

6 Voir les travaux d’Anne-Catherine Wagner à ce sujet : Vers une Europe syndicale, une enquête sur la confédération européenne des syndicats, Paris, éditions du Croquant, 2005. On ne reviendra pas sur l’absurdité de comparer des taux de syndicalisation qui n’ont aucun rapport entre eux dans la mesure où l’adhésion syndicale n’a pas du tout la même signification pratique d’un pays à l’autre. Sur ce point, voir J.-M. Pernot, Syndicats : lendemains de crise ?, Paris, Gallimard, 2010 (2e éd.).

7 Ce constat de la centralité des organisations syndicales dans la mise en forme d’une protestation collective se trouve par ailleurs confirmé au niveau des entreprises, cf. S. Béroud, J.-M. Denis, G. Desage, B. Giraud, J. Pélisse, La Lutte continue ? Les conflits du travail dans la France contemporaine, Bellecombe-en-Bauges, Éd. du Croquant, 2008.

8 S. Béroud, K. Yon, « Face à la crise, que fait le mouvement syndical ? Quelques éléments de réflexion sur l’évitement relatif d’une stratégie de confrontation », Contretemps, n° 3, 2009, p. 15-25.

9 La Confédération française des travailleurs chrétiens, l’Union nationale des syndicats autonomes et la Confédération française de l’encadrement-confédération générale des cadres.

10 Pour un portrait de ce personnage qui « hante le social depuis quarante ans » : M. Magnaudeix, « Raymond Soubie, enquête sur le vrai ministre des retraites », Mediapart, 7 sept. 2010.

11 Les failles de cette pensée fixiste ont bien été mis en lumière par la polémique entre P. Corcuff (« Pour une guerilla sociale durable et pacifique », Mediapart, 18 oct. 2010) et T. Labica, V. Rauline et S. Marceau (« La grève générale n’est plus ce qu’elle était ? Réponse à Philippe Corcuff », Contretemps-site, 11 déc. 2010).

12 Voir à ce sujet la contribution de syndicalistes Solidaires, FSU et CGT de Toulouse : G. Daré, B. Dedeban, J.-C. Fages, « À propos de “Automne 2010, anatomie d’un grand mouvement social” », Contretemps-site.

13 En premier lieu dans les raffineries mais aussi dans beaucoup d’autres secteurs, comme en donnent une idée les nombreux échos recueillis dans Jusqu’ici, « bulletin temporaire de liaisons dangereuses » dont deux numéros ont paru les 28 octobre et 6 novembre 2010 (http://jusquici.toile-libre.org/).

14 Voir par exemple le rôle du journal Fakir dans l’organisation du blocage de la zone industrielle d’Amiens Nord (n°48, déc. 2010), visitée peu de temps auparavant par l’équipe de la revue Z (n°3, printemps 2010).

15 Depuis l’arrêté du 31 mars 1966, cinq confédérations syndicales étaient reconnues représentatives : CGT, CFDT, CGC, CGT-FO, CFTC. Elles bénéficiaient de divers avantages juridiques dont étaient privées des organisations comme l’UNSA ou Solidaires, en premier lieu celui de désigner librement un délégué syndical, seul doté de la capacité de signer un accord d’entreprise. Toute organisation non affiliée aux cinq confédérations « les plus représentatives » qui voyait sa représentativité contestée dans une entreprise (par une organisation concurrente ou par l’employeur) devait en faire la preuve devant un tribunal d’instance.

16 La représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche professionnelle dépend du franchissement d’un seuil de 8 % des suffrages exprimés. Au plan national interprofessionnel, une organisation doit cumuler à ce critère des 8 % le fait d’être représentative dans une gamme de branches couvrant les secteurs de l’industrie, de la construction, du commerce et des services pour obtenir sa reconnaissance. Le calcul des scores se fait par l’agrégation des résultats obtenus dans les entreprises, auxquels s’ajoutent les résultats obtenus à l’issue d’un vote d’audience pour les entreprises de moins de 11 salariés, institué par la loi du 15 octobre 2010.

17 T. Coutrot, « Face au despotisme de marché, quelles réponses syndicales ? », in H. Petit, N. Thévenot, Les nouvelles frontières du travail subordonné, Paris, La Découverte, 2006, p. 197-212.

18 P. Cristofalo, « Les missions de productivité dans les années 1950 : une tentative pour importer en France une fonction d’expertise syndicale », Travail et Emploi, 116, 2008, p. 69-81.

19 G. Sorel, Réflexions sur la violence, Paris, Seuil, 1990 (1908), p. 67.

20 C. Bloch-London, J. Pélisse, « L’évolution du cadre légal des relations professionnelles : entre foisonnement juridique et renouvellement des acteurs, une appropriation sélective des dispositifs », in T. Amossé et al., Les relations sociales en entreprise, Paris, La Découverte, 2008, p. 102-122.

21 Protestation et négociation s’entretiennent mutuellement, comme le démontrent notamment S. Béroud et al. in La lutte continue ?, op.cit.

22 L.-M. Barnier, coord., Revendiquer et s’organiser ! Représentativité syndicale et démocratie sociale, Paris, Syllepse, 2008.

23 A. Bévort, A. Jobert, Sociologie du travail : les relations professionnelles, Paris, A. Colin, 2008.

24 Art. L. 101-1.

25 Beaucoup de négociations conclues au plan national interprofessionnel furent suscitées et soutenues par la puissance publique, notamment toutes celles qui débouchèrent sur les institutions paritaires gérant la protection sociale et la formation professionnelle. De même, la procédure d’extension des conventions collectives témoigne de l’imbrication étroite entre l’action contractuelle des organisations professionnelles et la production normative de l’État.

26 Le gouvernement peut en outre contourner la procédure en déclarant l’urgence législative.

27 S. Hall parle de « luttes dans le discours » (« La redécouverte de l’“idéologie” : retour du refoulé dans les media studies », in S. Hall, Identités et cultures. Politiques des cultural studies, Paris, Amsterdam, p. 81-120).

28 Sur FO, je renvoie à ma thèse : Retour sur les rapports entre syndicalisme et politique : le cas de la CGT-FO. Éléments pour la sociologie d’un “monde de pensée”, 2008. Sur la CFDT, voir l’ouvrage de N. Defaud, La CFDT (1968-1995). De l'autogestion au syndicalisme de proposition, Paris, Presses de Sciences Po, 2009. Un travail reste à mener sur l’évolution plus complexe de la CGT.

29 S. Béroud, J. Lefèvre, « Vers une démocratie économique et sociale ? Redéploiement et banalisation du discours syndical », Mots. Les langages du politique, 83, 2007, p. 37-51.

30 S. Béroud, K. Yon, « Face à la crise, que fait le mouvement syndical ? Quelques éléments de réflexion sur l’évitement relatif d’une stratégie de confrontation », art. cit.

31 À ce sujet, voir la contribution déjà citée de P. Dardot et C. Laval dans Tous dans la rue !, op.cit. et leur ouvrage La

Nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, Paris, La Découverte, 2009.

32 O. Negt, L’espace public oppositionnel, Paris, Payot, 2007.