Publié le Jeudi 4 mars 2010 à 15h59.

Armée de terre : devenez vous-même… Antimilitariste !

Après des campagnes axées sur la possibilité d’obtenir un métier en s’engageant, l’armée de terre a décidé de recruter des milliers de jeunes en affichant clairement la couleur. Mais l’histoire de l’armée française reste liée à celle des massacres de la colonisation. Par une campagne d’affichage et de spots télé, l’armée de terre tente actuellement de recruter des milliers de jeunes, garçons et filles, afin d’assurer la relève de son effectif de 127 000 hommes. En 2009, le taux moyen des postulants était de 2,2 candidats par poste à pourvoir et l’état-major espère bien faire mieux cette année. Les affiches racoleuses et bellicistes estampillées « devenez vous-même.com  » visibles dans les stations de métro, sur les bus, et sur les supports publicitaires urbains, sont supposées drainer les jeunes, vers le site de recrutement de l’armée de terre. Sur fond de treillis, et de débauche de kaki, un jeune soldat, style réalisme mussolinien, le regard dur, paraissant tout droit sorti d’un jeu vidéo de guerre annonce déjà la couleur. Plus question comme dans les précédentes campagnes, d’avancer des arguments conviviaux, ou même d’apprentissage d’un métier, il faut « être clairs sur la réalité de l’état de soldat, pour qu’ils ne se sentent pas trahis une fois leur contrat signé. » On ne peut faire plus clair en effet que ce propos tenu à la presse par un DRH de l’armée. Ou alors, pour entrer dans le concret, il faut aller sur le site dont l’adresse figure sur l’affiche : sur ambiance sonore de claquements d’armes automatiques, on y voit un paysage lunaire, en fusion, dévasté, digne des films de guerre les plus trash. Oui, ces braves gens invitent les jeunes à partir faire la guerre, à rejoindre si besoin le contingent français en Afghanistan dont on vient d’annoncer la mort d’un quarantième de ses soldats. Car la guerre n’est pas virtuelle, elle blesse et elle tue, des civils comme des militaires, des femmes des hommes, des jeunes, des vieux, des prétendus ennemis ou des alliés, et la seule loi à laquelle elle se soumet tient en quatre mots : tuer ou être tué. La crise et le chômage, une opportunité à saisir pour l’armée «  Pour peu que le chômage s’atténue, le problème du recrutement des militaires du rang dans l’armée de terre s’alourdira », déclare avec cynisme le général Paris. Chair à canon de prédilection pour les capitalistes, ce sont les jeunes des classes populaires qui ont de tous temps constitué le gros des troupes. C’est a fortiori dans les périodes de chômage les plus noires que les illusions de « pouvoir s’en sortir » et trouver un emploi, à n’importe quel prix, l’emportent sur la conscience de classe, et le refus de servir l’appareil de répression des capitalistes que sont l’armée, la police, ou l’administration pénitentiaire. Rien d’étonnant qu’en cette période de crise majeure du système, l’armée profite du désespoir social de la partie la plus précarisée de la jeunesse, pour recruter et fourguer son rata idéologique aux valeurs surannées. Une armée de métier qui coupe les jeunes recrues de leur environnement socialVilipendée et haïe par la jeunesse (notamment après Mai 68), l’armée de conscription obligatoire enfermait la jeunesse dans des casernes-prisons où régnaient l’arbitraire le plus total et une discipline absolue et absurde. De nombreuses luttes s’opposaient à la hiérarchie militaire, amenant à la constitution de comités de soldats réclamant une réforme radicale de l’institution. Paradoxalement, cette armée, pourtant si détestée, restait, par le brassage géographique et social qu’elle entraînait, par les entrées et sorties permanentes, un corps vivant traversé par les contradictions sociales. Aujourd’hui, le recours au seul engagement de volontaires permet à l’état-major de réduire sinon d’annihiler, toute velléité de révolte interne. Il permet aussi de ne plus enseigner le maniement des armes à des jeunes issus des « classes dangereuses ». Il permet enfin de vivre en cercle clos, presque totalement à l’abri des indiscrétions et des mouvements sociaux. Cette armée n’est pas la nôtre ! Elle ne le sera jamais. Son histoire est une véritable litanie des crimes commis par le capitalisme français au nom de la défense de ses seuls intérêts. Mais les antimilitaristes ont de la mémoire et n’auront de cesse de la transmettre : le Chemin des Dames où l’on fusillait à la chaîne les déserteurs de l’horrible boucherie que fut la guerre de 14/18, la bataille d’Alger où les paras de Massu torturèrent et assassinèrent les militants du FLN, la grotte d’Ouvéa où furent assassinés, sur ordre d’un gouvernement socialiste, le militant indépendantiste Kanak Eloi Machoro et dix-huit de ses camarades, les interventions multiples en Centrafrique, au Moyen-Orient, hier en Irak, aujourd’hui en Afghanistan… Nous n’oublierons pas non plus le rôle de briseur de grève qu’a joué l’armée à maintes reprises. Et enfin, nous n’oublierons jamais qu’au Chili, le gouvernement de Salvador Allende, démocratiquement élu, fut renversé, et ses principaux responsables assassinés, par une armée dont les réformistes chiliens et leurs amis français nous vantaient la loyauté et l’attachement aux valeurs républicaines ! Alain Pojolat