Publié le Vendredi 4 mars 2016 à 08h24.

État d’urgence : Dénoncer les dérives policières

L’état d’urgence voté après les attentats de Paris en novembre est prolongé jusqu’au 26 mai en raison d’une menace terroriste « plus élevée que jamais », selon le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve...

Selon le rapport d’Amnesty International du 24 février, le bilan de ce dispositif qualifié de « liberticide » est plus que limité et à surtout donne lieu à des « dérives ». Le recours aux mesures de police administrative autorisant les 3 397 perquisitions opérées n’a débouché sur l’ouverture de seulement cinq procédures par le parquet antiterroriste de Paris. Plus grave, sur les 274 assignations à résidence, moins de 100 devaient être renouvelées. En effet, celles-ci sont devenues, de facto, caduques vendredi 

26 février, à minuit, et leur nombre réduit à moins de 100. Avant même cette date, le ministère de l’Intérieur a déjà abrogé de son propre chef 59 assignations.

Cela est au cœur de la décision de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et de la FIDH de se joindre à des plaintes déposées contre le ministre de l’Intérieur et son délégataire, l’ex-directeur des libertés publiques, Thomas Andrieu... aujourd’hui directeur de cabinet du garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, pour « atteinte à la liberté individuelle » et « abstention volontaire de mettre fin à une privation illégale de liberté, ainsi que pour des faits de discrimination ».

Assignations au faciès

La plainte initiale est portée par cinq personnes qui ont vu leur assignation abrogée par les autorités sans qu’aucun élément nouveau ne soit apparu à leur dossier. La preuve, selon leur avocat Me Arié Alimi, que « le ministère et son délégataire savaient que les motifs étaient totalement flous et peut-être même faux ». Il considère que les autorités ont donc « arbitrairement maintenu des assignations ». Les plaintes mettent également en évidence le fait que les abrogations sont toutes intervenues « quelques jours avant ou la veille de l’audience devant le tribunal administratif ou le Conseil d’État », souligne Me Alimi.

Pour Michel Tubiana, président de la LDH, « Il n’y a pas de raison que les hommes politiques bénéficient de l’impunité institutionnelle ».

Ces plaintes montrent également le rôle des « notes blanches », anonymes et « non sourcées », produites par les services de renseignement, fondement des assignations décidées pendant l’état d’urgence. Dans leurs recours, les plaignants assimilent ces notes à des « mensonges ».

Ils considèrent en outre que le « dénominateur commun » qui a motivé les mesures prises à leur encontre est « la pratique de la religion musulmane » et le raisonnement du ministère selon lequel « toute la population musulmane est potentiellement un djihadiste dissimulé »...

Robert Pelletier