C’est ce qu’affirme Amnesty International dans une étude publiée le 17 janvier, étude qui examine les législations des pays membres de l’Union européenne ayant voté des mesures d’exception dans le cadre de la lutte contre le terrorisme...
Une résolution de l’ONU de septembre 2014 recommandait aux États « d’adopter des lois visant à s’attaquer à la menace des combattants terroristes et étrangers ». Elle a été reçue de façon diverse par les gouvernements des États membres de l’Union européenne : une moitié d’entre eux n’ont pas pris de mesures nouvelles pour lutter contre le terrorisme, mais quatorze autres, prenant prétexte de cette résolution onusienne, ont durci leurs législations.
Un recul drastique des libertés et des droits
Amnesty l’affirme, « les lois adoptées sont de nature à remettre en cause les principes fondamentaux des droits humains et des libertés ». Ces lois d’exception votées en procédure accélérée conduisent toutes au renforcement des pouvoirs des exécutifs et de leurs services et à une parodie de justice définissant le délit à partir de la seule intention, ce qui permet de punir sur les bases du simple soupçon.
Les dérogations au respect des droits humains et des libertés sont multiples : les droits au respect de la vie privée, à la libre circulation, à l’expression de son opinion, le principe du non-refoulement aux frontières et même la vie, puisque des armes prétendument « non létales » ne sont toujours pas interdites.
Parmi les mesures légalisées, le rapport note que les perquisitions administratives effectuées la nuit et de manière violente et humiliante sont particulièrement traumatisantes et qu’il s’agit d’ailleurs plus de terroriser que de lutter contre le terrorisme. Enfin, Amnesty relève que « ces législations liberticides ont été portées par des gouvernements modérés ». La pseudo gauche plus efficace que la droite pour contraindre les peuples ?
L’État français précurseur
D’après le rapport, les États européens ayant les politiques les plus sécuritaires sont la Hongrie, l’Autriche, la Pologne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Espagne et la France. Celle-ci obtient la palme d’or, Hollande et son gouvernement ayant fait adopter le plus de lois liberticides. C’est aussi le seul État sous état d’urgence... Les prolongations de celui-ci permettent surtout de contrôler durablement les citoyenEs, de cibler de manière discriminatoire les réfugiéEs, migrantEs, les minorités issues notamment des anciens pays colonisés, les défenseurs des droits humains et les opposants politiques.
Cela d’autant plus que les perquisitions sont par exemple très inefficaces : entre novembre 2015 et novembre 2016, seules 1,5 % de celles-ci ont donné lieu à des poursuites judiciaires en lien avec le terrorisme, sans résultat à ce jour. Et les préparatifs d’attentats qui ont été déjoués auraient parfaitement pu l’être grâce aux lois déjà existantes. Le rapport estime aussi que les assignations à résidence administratives sont particulièrement attentatoires parce elles suppriment sur des temps longs toutes les libertés et beaucoup de droits, dont celui d’aller au travail ou à l’école.
Aujourd’hui, le gouvernement français participe activement à la préparation d’une directive européenne sur la lutte contre le terrorisme. Il espère sans doute peser ainsi dans le droit européen pour légitimer des décisions qui suscitent en France de plus en plus de contestations. Contre l’état d’urgence, il y urgence !
Roseline Vachetta